A TRAVERS MON REGARD DE FEMME…

A TRAVERS MON REGARD DE FEMME…

CHRISTINE GUAY, BONNE NOUV’AILES

Du haut de mes vingt-six ans, je commence tout de suite à poser un regard de femme sur ma vie. Non pas parce que je ne me sentais pas femme, mais parce que je me donne maintenant le droit d’utiliser mon regard de femme. À vrai dire, la paire de lunettes avec laquelle je regarde mon monde et le monde a changé.

D’abord, je constate que je me sens bien dans mon corps et je n’ai pas l’impression de vivre les mêmes préoccupations que les autres femmes face à ce sujet et cela même si j’ai quelques kilos en trop. Toutefois, j’ai senti le besoin de m’approprier ma féminité, comme si je ne savais trop quoi faire de cette dimension de ma personne. Une chose est certaine, c’est que cela m’a fait le plus grand bien. Je me sens davantage femme et en possession de mes moyens. Là où le bât blesse, c’est que ce n’est pas tout le monde qui a suivi l’évolution que j’ai fait dans ma féminité. D’autant plus que je suis jeune et que je fais encore plus jeune que mon âge. Je vous dis que j’en ai des preuves à faire et cela même en étant animatrice jeunesse dans une maison de jeunes depuis au moins trois ans. Par exemple, lorsque je rencontre un conseiller à la ville de Montréal, je sais pertinemment que mon rapport avec lui n’est pas le même que si j’étais un homme. En fait, je me sens continuellement obligée de démontrer mon sens du professionnalisme afin de pouvoir prouver ma crédibilité.

Une situation similaire se produit avec les jeunes quant à la perception qu’ils ont de moi comme animatrice. Au niveau de la relation d’aide, je me sens en pleine possession de mes moyens et lorsque je suis sur le plancher, la distance entre l’adulte et le jeune est parfois très mince. Tout juste ce qu’il faut pour que tout le monde y trouve son compte. Le seul problème, c’est que les jeunes ont l’impression que le pivot de la maison des jeunes c’est l’animateur avec lequel je travaille, alors que nous travaillons en collégialité. Est-ce une question de personnalité, d’approche ou d’identité sexuelle ? Après analyse, je me dis que c’est un peu tout cela. Il y a moins de distance entre moi et les jeunes, je suis très accessible et il est souvent très facile d’entrer en relation avec moi. Tout cela fait que mon image reliée à l’autorité est beaucoup moins menaçante et surtout, je ne suis pas un homme avec toutes les caractéristiques auxquelles on associe force, froideur, contrôle..

Aussi, pour ce qui est du monde en général, j’ai des limites qui me sont imposées parce que je suis femme. Par exemple, j’aimerais bien partir seule en voyage mais mon premier réflexe est de penser qu’il pourrait m’arriver quelque chose. Continuellement, je fais attention et souvent cela se fait inconsciemment, que ce soit le soir dans le métro, au retour d’un party ou lorsque je dois rentrer tard le soir après le travail. Également, que ce soit dans le métro ou dans l’autobus, il n’est pas rare de remarquer que les hommes prennent de la place pour deux. Et bien, quand cette situation se présente, je sens quelque chose en moi qui me pousse à prendre ma place, qui m’invite à m’imposer à l’autre, comme si j’avais besoin de me faire reconnaître. Une fois bien installée, une fierté s’empare de moi et je désire que l’autre prenne conscience de mon assurance.

Mes questions à l’endroit de l’Église institution

Admettons qu’il s’en est passé dans ma p’tite tête depuis l’avènement de Jean- Paul II qui s’est servi de son pouvoir d’infaillibilité afin d’affirmer que la moitié du monde, que sont les femmes, n’a pas droit au sacerdoce. Pour dire vrai, j’ai l’impression d’avoir passé à travers un processus de deuil et cela même si, au départ, je n’étais pas très pratiquante et très critique face à l’Église. J’avais pour dire que tant qu’il y aurait de la place pour la critique, l’Église pourrait continuer d’avancer et d’évoluer. Maintenant que la porte est fermée et qu’il n’y a plus de place pour la discussion, j’ai pris mes distances et je ne m’en porte que mieux. Tout de même il me reste une question à laquelle j’ai trouvé une réponse, mais dont je n’ai aucune compréhension : le Christ nous a laissé un si beau message rempli d’amour, de respect, d’égalité et d’espoir. C’est un message qui me parle, qui me fait vivre et que j’essaie le plus possible d’appliquer dans mon quotidien ; alors pourquoi l’Église ne 1’applique-t-elle pas à elle-même ? Bref, je suis ailleurs et pas fâchée d’y être…

Le type d’EKKLÈSIA auquel j’aspire

Mon idéal d’EKKLÈSIA est une communauté où tous et chacun, homme et femme, prennent possession de leur liberté. Dans cette vie communautaire et associative, toutes et tous s’engagent au mieux-être de chacun et se responsabilisent face à son agir. Soif de pouvoir et inégalité n’ont plus pignon sur rue. En fait, en décidant d’assumer sa liberté, on guide son agir à partir de valeurs prenant racine dans le message du Christ, ce qui signifie, au quotidien, de prendre le temps d’évaluer le pour et le contre à la lumière de sa relation à l’AUTRE. Tout compte fait, nous ne devons jamais cesser de nous questionner et c’est à partir de nous que nous devons trouver nos réponses, ce qui n’est pas toujours facile. C’est un travail de tous les jours et d’autant plus enrichissant qu’il nous invite à nous ouvrir à nous-mêmes, à l’autre et au Christ. Bien sûr, cette vision de l’EKKLÈSIA est un idéal, mais si vous partagez ce rêve ; n’est-ce pas là un premier pas vers notre résurrection et le Royaume Nouveau ?