ELLES SONT PLUS QUE TROIS A AVOIR SOIF •••

ELLES SONT PLUS QUE TROIS A AVOIR SOIF •••

Il semblerait que « des femmes.et des hommes de tous âges et de toutes conditions éprouvent présentement une gêne, une souffrance même, devant la présentation d’une pièce de théâtre qui les atteint dans leur dignité de personnes et dans leur foi religieuse ». Nous n’oserions pas douter de la véracité de ces sentiments. Mais l’heure de l’unanimité n’est plus.

Pour notre part, des membres du collectif de l’Autre Parole, après avoir vu « Les Fées ont soif », nous voulons dire notre profond accord avec cette pièce. Nous avons nous aussi des sentiments de révolte et de tristesse mais à l’égard des « censeurs » qui veulent faire taire cette parole audacieusement libératrice.

Nous sommes des femmes chrétiennes et féministes. La pièce « Les fées ont soif » nous a rejointes dans notre vécu de femmes. En  faisant craqueler, éclater le lourd masque de plâtre de Marie, Denise Boucher redonne à cette femme son corps, son historicité. Il peut être certes navrant pour ceux qui ont mis tant d’années à modeler un certain visage de Marie, de le voir s’émietter, « perdre la face ». Mais pour nous, Denise Boucher redonne au monde, Marie mère de Jésus. Ce n’est pas la biographie d’un personnage historique que nous offre l’auteur, c’est l’éclatement d’une statue qui, nous l’espérons, laissera émerger une femme au nom de Marie de Nazareth.

Cette malheureuse statue, placée sur un piédestal était loin de nous. « Déstatufier » Marie,. c’est la rendre au milieu de ses soeurs, c’est nous permettre de vivre des complicités avec elle. Une Marie parmi le monde, c’est une Marie solidaire du vécu de toutes les femmes. C’est amorcer l’espérance d’une libération collective. L’essentiel est là pour nous.

Nous n’avons pas le goût de faire le jeu de la liste des « pour » et des « contre ». Nous savons parfaitement qu’elle s’allongerait de part et d’autre. Mais nous ne voulons pas laisser croire que tous les chrétiens et toutes les chrétiennes se placent derrière la position des « contre-les-fées-ont-soif » •

Nous ne prétendons pas non plus faire nôtres tous les mots, toutes les répliques de cette pièce. Nous n’avons pas affaire ici à la vérité révélée. Nous sommes invitées à rencontrer la parole d’une culture, d’une femme qui trouve chez-nous de multiples connivences. Après avoir vu « Les fées ont soif » nos connivences sont assez nombreuses pour qu’on puisse dire oui et longue vie à cette pièce et avec un clin d’oeil on salue ces soeurs-fées du théâtre.

Judith Dufour-Vaillancourt Monique Dumais Marie-Andrée Roy

Article paru dans Le Devoir, 9 décembre 1978.