EST-IL POSSIBLE D’ETRE FEMINISTE ET CROYANTE ?

« EST-IL POSSIBLE D’ETRE FEMINISTE ET CROYANTE ? »

Le 25 mars dernier, Mme Louise Melançon présentait à 1’Université de Sherbrooke une conférence-débat sur le thème : « Est-il possible d’être féministe et croyante ? Quiconque s’intéresse le moindrement à cette question comprend vite à quel point il peut être inconfortable de porter en soi ces deux options simultanément et particulièrement dans une société où il semble que la majorité des femmes qui se proclament chrétiennes ne sont pas féministes, et que la majorité des femmes qui se proclament féministes ne sont pas chrétiennes.

Mme Melançon a (justement a. mon sens} défini le féminisme comme une solidarité avec le mouvement des femmes, devenu phénomène sociologique et non plus le fait de cas isolés, qui consiste pour elles à s’affirmer comme femmes à l’égal des hommes et à être – ou vouloir être – reconnues comme des êtres autonomes, 1ibres et responsables.  La remise en question de leur condition et de la discrimination qui leur est faite en raison de leur sexe non seulement modifie les rapports des femmes avec les hommes, ou des femmes entre elles, ou des femmes et des hommes avec les enfants, mais ébranle également les structures familiales, sociales, économiques et politiques de la société en faisant éclater les frontières entre le privé et le public.

Cette solidarité tire sa force du fait même que « malgré divers degrés d’engagement chez les femmes et des divergences d’analyse chez les militantes, il y a suffisamment d’éléments essentiels de rencontre pour retenir 1’adhésion de toutes 1es femmes conscientes de 1eur dignité ».

Avec cette option féministe, est-il possible d’être aussi croyante ! Mme Melançon répond oui. Bien sûr la Bible, la tradition judéo-chrétienne et l’enseignement officiel actuel de 1 ‘Eglise sont fortement teintés de sexisme. Le contraire serait étonnant puisqu’ils se situent dans une société qui l’est. Le principal point d’achoppement, c’est la justification théologique qui prend Dieu à témoin de cette discrimination sexiste. Est-il possible que le Dieu de libération ait voulu 1’inégalité des sexes (ou toute autre inégalité entre les humains) ? N’a-t-il pas voulu chaque être humain à sa propre image, autonome, libre, responsable ?

La tâche des femmes est maintenant de participer à la « désexisation  » du message révélé, de dénoncer le sexisme là où il se trouve et de mettre en lumière les éléments favorables à la libération et a 1’égalité. Il y va de la réputation et de la gloire de Dieu d’établir entre les hommes et les femmes des rapports plus humains, donc plus dignes de Lui.

Voilà, passablement résumée, la réflexion que nous a apportée Mme Melançon. Tout en endossant aisément ce qu’elle a développé, il demeure. pour moi, un point d’accrochage qui n’a pas été abordé ici et qui est probablement celui où accroche également le plus grand nombre de féministes : comment puis-je me sentir solidaire d’une Eglise qui véhicule tant le sexisme que nous dénonçons ? Car, bien sûr, ce n’est pas tant la relation personnelle Dieu qui cause problème que le développement d’un sentiment d’appartenance à un groupe qui s’appuie encore majoritairement sur des justifications contraires au féminisme. Il est possible de développer des solidarités d’Eglise sur d’autres aspects ou avec des sous-groupes restreints de cette Eglise. Mais il S’agit alors de solidarités soit temporaires, soit développées au niveau de valeurs mais éloignées de leurs applications pratiques. Si donc il est possible d’être à la fois féministe et croyante, la question qui demeure est plutôt celle-ci : est-il possible d’être à la fois solidaire du mouvement féministe et de 1’Eglise ?

Francine Bernier Animatrice

Service de Pastorale Université de Sherbrooke