MYRIAM

MYRIAM

Myriam : un prénom en train de redevenir à la mode, comme tant d’autres d’ailleurs eux aussi tirés de l’histoire biblique. Mais en le choisissant pour identifier notre groupe, nous n’avons pas cédé au goût du jour, nous avons plutôt souhaité rendre hommage à une héroïne dont la mémoire s’est trouvée obscure et presque occultée par la gloire de ses frères, Moïse et Aaron, puisqu’il faut les nommer. Le livre de l’Exode (Ex 15, 20-21) en parle comme d’une prophétesse entraînant à sa suite les femmes d’Israël dans une danse et un chant de louange à Yahvé après le passage à pied de la mer Rouge et la noyade de l’armée du Pharaon. Le cantique dit de Moïse, c’est aussi le sien.

Au livre des Nombres (Nb 12, 1-16) nous apprenons que Myriam et Aaron ont tous deux osé critiquer Moïse pour avoir épousé une Koushite, une étrangère donc. Yahvé n’est pas du tout content qu’on songe à semoncer son homme de confiance. Pour bien le faire comprendre il frappe Myriam de la lèpre. Curieusement Aaron s’en tire indemne mais, généreux, il s’inquiète du sort de sa soeur. Il prie Moïse de leur pardonner à tous deux leur offense à son égard. Celui-ci, bon prince, invoque le Seigneur pour obtenir la guérison de l’infortunée. Yahvé ne plaisante pas avec l’honneur de son serviteur, Myriam devra pâtir encore sept jours avant d’être délivrée de son mal. Ça lui apprendra ! La trace de Myriam se perd ensuite dans le désert… de l’histoire. Ses frères auront droit à plus de notoriété.

Notre groupe, constitué à la fois de Montréalaises et de Sherbrookoises, s’est plu à s’identifier à elle pour raviver le souvenir de sa solidarité avec son peuple, mais aussi de son audace et de son courage. Elle a osé critiquer un homme, son frère, son chef. On prétend que le ciel le lui a fart payer… Seigneur, que d’interprétations patriarcales on commet en ton nom !« Myriam », c’est la diversité même : une religieuse, une veuve, une célibataire, des femmes mariées, mères et grands-mères. Pas de candidate au martyre, mais un passé et un présent d’engagement pour la cause des femmes, chacune en son milieu. Voilà qui nous sommes. Nos viscères et nos artères nous rappellent à l’occasion que nous avons atteint une certaine maturité… Mais nous ne sommes pas mûres, cela est sûr, pour la retraite, la démission, le défaitisme ou la morosité. Trop de chantiers demeurent ouverts où tout, ou presque, reste à faire.

En dépit des distances à parcourir, nos rencontres ont lieu régulièrement et, toujours, amitié, confiance, analyse des expériences et des lectures, humour et théologie féministe sont au rendez-vous. Nous avons l’âge de nos projets, de notre espérance et de nos rêves. S’il n’en tient qu’à nous, L’autre Parole retentira encore longtemps, dérangeante, percutante et engageante.

Marie Gratton