L’autre Parole, BRÈVES, juin 2012

Saviez-vous que, le 18 avril dernier, la Congrégation de la doctrine de la foi (CDF), avec l’appui de la Conférence des évêques catholiques des États-Unis, sévissait fortement contre ‘ l’Assemblée des supérieures des communautés religieuses ’,  i.e. la LCWR (Leadership Conference of Women Religious). On leur reproche entre autre de promouvoir des thèmes féministes radicaux incompatibles avec la foi catholique. Mais cette condamnation se situe dans le contexte de l’opposition des évêques américains au plan des soins de santé de l’administration Obama, concernant en particulier des fonds octroyés aux institutions qui soutiennent la contraception et l’avortement. Le regroupement des religieuses n’avait pas soutenu la position des évêques sur cette question. Cette intervention de la Congrégation de la doctrine de la foi suit aussi la censure annoncée l’an dernier d’un livre de la théologienne Élisabeth Johnson de l’Université Fordham. Le responsable de la CDF est le cardinal William Levada, ancien  archevêque de San Francisco.   Source : GOLDSTEIN, Laurie. « Vatican reprimands a Group of Nuns and Plans Changes », New York Times, 18 avril 2012.

Le 21 février 2012, Johanne Philipps, membre de L’autre Parole, a donné une conférence à l’Université populaire Hochelaga-Maisonneuve, sur son sujet de recherche au doctorat en Science des religions à l’Université de Montréal. Son exposé s’intitulait :  » Laïcité et féminisme ». Johanne Philipps y met la table en nous expliquant que les institutions religieuses, quelles qu’elles soient, sont obligées de se plier au règles, aux lois et aux normes de nos sociétés laïques. À une exception près : l’égalité entre les hommes et les femmes. De fait, ces mêmes institutions qui, par exemple, doivent respecter les règlements de zonage, peuvent sans problème faire de la discrimination à l’endroit des femmes. Johanne Philipps s’interroge sur cette situation qui semble aller de soit en faisant un tour complet de la littérature scientifique et en nous exposant les raisons qui la poussent à la remettre en question. Si le sujet vous intéresse, vous pouvez visionner cette conférence sur YouTube, à l’adresse suivante :  http://www.youtube.com/watch?v=ea3xcpyISFo  ou en tapant directement « laïcité et féminisme » sur le moteur de recherche du site.

Saviez-vous que la théologienne américaine, d’origine cubaine, Ada Maria Isasi-Diaz est décédée le 13 mai dernier, à 69 ans, après un bref combat contre le cancer. Elle était professeure émérite à la Drew University, au New Jersey. Reconnue comme théologienne féministe de la libération, elle est à l’origine de la théologie mujerista par laquelle elle se voulait  la voix des femmes hispaniques aux États-Unis. Déjà, les femmes Noires avaient développé leur théologie womanist, considérant que les théologiennes blanches ne tenaient pas compte de l’importance de l’oppression et de l’aliénation dues à la couleur dans les expériences des femmes. Isasi-Diaz a suivi le même chemin pour les femmes hispaniques américaines, en partant de leur condition ethnique, de leur culture et leur vécu de foi.   Source : www.achtus.org/Ada-Maria-Isasi-Diaz.html

Saviez-vous qu’à Montréal, une vingtaine de femmes chrétiennes et musulmanes ont décidé de se rencontrer afin de mettre en commun leurs expériences de féministes croyantes au sein d’une religion patriarcale. Ces rencontres ont eu lieu au début de l’année 2012 au Centre Justice et Foi à l’instigation d’Élisabeth Garant, Leila Beider et quelques autres. Une première analyse a mis en lumière à quel point les enjeux sont semblables quoique vécus et exprimés de façon différente. Ces rencontres se sont déroulées dans un climat d’ouverture, de convivialité et de bonne humeur. Elles ont été appréciées à un point tel qu’on souhaite les poursuivre, toujours dans le but de mieux s’initier aux enjeux des luttes des unes et des autres.

Saviez-vous que dans son dernier livre intitulé De colère et d’espoir, Françoise David écrit : « Un fait me frappe : dans les médias et les salons, nous discutons du voile en l’absence des principales concernées. Nous parlons pour elles, mais pas avec elles. Nous leur prêtons des intentions sans avoir vérifié si elles sont réelles. Comme si leur parole ne valait pas la peine d’être entendue. » (p. 116)  Il est difficile de ne pas transposer cette analyse à la situation des femmes dans l’Église catholique. De fait, ce sont toujours des clercs, masculins, faut-il le préciser, qui parlent en notre nom dans les hautes instances de l’Église. Prétendant détenir la vérité à notre sujet, pourquoi nous écouteraient-ils ? Ainsi, peut-être les femmes catholiques pourraient-elles se garder de faire à leurs sœurs musulmanes ce qu’elles n’aiment pas qu’on leur fasse ?   Source : Françoise David, De colère et d’espoir, Écosociété, 2011.

Saviez-vous que, lors du deuxième volet de l’expositiond’ArThéo présentée à Montréal en avril 2012, notre amie Marie-Josée Riendeau a présenté une série de sculptures sur le thème de la Christa. Ce thème, si cher à L’autre Parole, a influencé l’artiste qui en a fait des œuvres tout en finesse et en candeur. Ses « crucifiées » et sa « piéta » expriment la souffrance des femmes, mais elles ne sombrent jamais dans le macabre. Elles témoignent plutôt une fraîcheur qui rappelle les premières œuvres chrétiennes. Une spiritualité féministe à l’œuvre ! Pour voir d’autres exemples des œuvres présentées, tant celles de Marie-Josée Riendeau que des autres artistes :  www.artheo.ca.

Saviez-vous que la Fondation Elizabeth Fry, qui oeuvre auprès des femmes incarcérées, a publié une série de brochures intitulée : Voyage des femmes dans la Bible. On y retrace l’histoire des grandes figures féminines de l’Ancien Testament. Le projet a été marrainé par la Congrégation des Sœurs de Sainte-Anne (Rêve d’Esther). Réjeanne Martin s.s.a. en est l’auteure, avec le soutien de la bibliste Béatrice Bérubé. Les fascicules adoptent la chronologie en cinq étapes habituellement reconnue dans la formation de l’Ancien Testament.  « Rédigée dans un vocabulaire simple et accessible, chaque fiche se présente comme un tout qui offre des pistes d’interprétation, des rapprochements avec l’histoire des sociétés actuelles et aussi des suggestions d’application à la vie personnelle. » (Fascicule d’introduction, p.2)  S’il est manifestement destiné aux femmes incarcérées, ce document peut intéresser un plus large public de femmes qui voudraient s’initier à l’Ancien Testament. De fait, on y dépoussière quelque peu ces histoires, en les rapprochant de nous. Vous pouvez télécharger ces brochures à l’adresse suivante : www.elizabethfry.qc.ca/ateliers_bibliques.html.

 Saviez-vous que Benoït XVI a confirmé le jeudi 10 mai 2012, la sainteté de la mystique allemande du Moyen-Age Hildegarde de Bingen. Il lui a déjà consacré deux catéchèses lors de ses audiences générales. Il n’est pas impossible qu’elle soit proclamée docteur de l’Église, ce qui permettrait sa canonisation formelle : elle a été béatifiée en 1244 par Innocent IV, inscrite au Martyrologe romain à la fin du 15e siècle, mais jamais canonisée.

Née en 1098 en Hesse rhénane, Hildegarde est entrée au monastère bénédictin en 1106, à l’âge de 7 ans, selon la coutume de l’époque. Même si elle n’avait sans doute pas reçu une instruction très poussée, ses visions témoignent d’une expression renouvelée des mystères de la Bible. Abbesse, et fondatrice d’abbayes, elle a exercé une fonction de prédication, en plus d’être musicienne, auteure-compositeure. Elle s’est aussi illustrée en médecine, comme une grande herboriste. On la considère en plus d’une grande mystique, comme une véritable intellectuelle.   Sources : www.osservatoreromano.va/portal/dt?JSPTabContainer.setSelectedwww.la-croix.com/Religion/S-Informer/Actualité/Hildegarde-de-Bingen-une-sainte.

Saviez-vous que la Mohawk Kateri Tekakwitha sera canonisée le 21 octobre prochain. Première Amérindienne à être sacrée sainte, Kateri est née en 1656 à Ossernenon (Auriesville, New York), lieu où les saints martyrs canadiens jésuites ont été mis à mort. Elle est née d’une mère algonquine chrétienne et d’un père iroquois. À l’âge d’être épousée, elle refuse tous les prétendants, et affirme son désir d’être baptisée. Elle le fut, le dimanche de Pâques 1676, par le jésuite Jacques de Lamberville. Pour éviter la persécution, elle vient s’installer dans la région de Kahnawake où elle fait sa première communion, en 1677, et prononce en privé le vœu de virginité en 1679. Elle décède en 1680. On dit que son visage qui était marqué par une maladie de peau subie durant l’enfance est devenu d’une beauté remarquable, un quart d’heure après sa mort. Le processus de canonisation a commencé en 1884. Elle a été déclarée vénérable en 1943, et béatifiée, en 1980,  par Jean-Paul II. Ses restes gisent à l’église Saint-François-Xavier de Kahnawake.

Source : www.jesuites.com/histoire/tekakwitha.htm.

Saviez-vous que selon l’ex-reporter de Radio-Canada et présidente du Conseil du statut de la femme (CSF) au Québec, Mme Julie Miville-Dechêne, l’image des femmes dans les médias ne serait pas en noir et blanc, mais tout en nuance. Elle souligne que depuis le début de sa carrière, dans les années 1970, elle a été témoin de l’avancée des femmes : « Aujourd’hui, à la télévision publique, les femmes occupent des places importantes, surtout aux nouvelles. » Bien que la direction générale de l’information soit encore l’apanage des hommes. Mme Miville-Dechêne signale que la parité est atteinte à la direction de Radio-Canada et que la présence des femmes est une avancée inspirante. Contrairement, aux médias écrits ou, par exemple, la rédactrice en chef du Devoir, Mme Josée Boileau est entourée de  trois hommes et une femme. Par ailleurs, la présidente du CSF relève qu’Internet favorise l’introduction de clichés sexistes, mais signale aussi que c’est à cet endroit qu’on retrouve une prise de parole forte des femmes telle que l’on peut le constater sur le site : www.jesuisfeministe.com.

Source : Le Devoir, lundi 5 mars 2012.

Saviez-vous qu’il existe une artiste du nom de Dina Shubin dont l’œuvre remarquable est de peindre des femmes, des personnages féminins. Diplômée de l’institut de Moscou, Faculté des arts, elle émigre au Canada, en 1999. Son objectif est d’exprimer le caractère divin de la femme. Elle a absorbé le meilleur des toiles des grands maîtres : son style rappelle Klimt, Modigliani et Giotto. On peut regarder ses œuvres sur YouTube et sur le site : www.crescenthill.com/gallery/dian_shubin.

Saviez-vous qu’on pouvait lire dans La Presse du lundi 16 avril le titre : Retour vers le futur… Ce titre accrocheur ne fait pas la promotion d’un nouveau film de science-fiction, mais traite plutôt de la contraception et de l’avortement. En effet, le 26 avril, le député conservateur Stephen Woodwort a déposé aux Communes la motion 312 qui a pour question centrale « Quand le fœtus devient-il un être humain ? ».  Le libre choix des femmes serait-il menacé 40 ans après l’arrêt Roe v. Wade et 23 ans après l’affaire Chantal Daigle ? Au Québec, certains groupes pro-choix s’inquiètent d’une réouverture du débat sur l’avortement. Sophie de Cordes qui est la porte-parole de la Fédération du Québec pour la planification des naissances voit dans cette motion une menace pour le droit à l’interruption de grossesse, mais également pour l’accès à certaines formes de contraception comme la pilule du lendemain ou le stérilet. Tandis que Margaret Somerville, éthicienne médicale à l’Université McGill, est convaincue de la nécessité de rouvrir le débat sur l’avortement et remet en cause un contexte centré sur les désirs de la femme. Mme Messier du Centre de Santé des femmes de Montréal signale que la loi canadienne sur l’avortement, qui n’impose pas de limite au nombre de semaines pour interrompre une grossesse, explique pourquoi plusieurs femmes provenant d’autres pays où l’avortement est interdit ou restreint viennent au Canada pour se faire avorter. Elle pense que s’il faut rouvrir le débat sur cette question, on doit réintégrer les cours d’éducation sexuelle dans les écoles afin d’éviter la prolifération d’informations erronées ou carrément fausses.  Source : La Presse, lundi 16 avril 2012.

Saviez-vous que les Olympiques au féminin, c’est du sport ? Lors d’une interview téléphonique accordée à la journaliste du Devoir, Melissa Guillemette, la présidente de la commission « Femme et sport » du Comité international olympique, Mme Anita L. DeFrantz a indiqué que tous les sports au programme des Jeux olympiques de Londres de l’été 2012 seront, pour la première fois, ouverts aux femmes. Il faut savoir que depuis les Jeux Olympiques de Montréal, la présence des athlètes féminines s’est considérablement accrue. En 1976, on en comptait 20,6 %, en 1984, le taux était de 23 % et en 2008, de 42 %. Cette année, 45 % des compétitions seront féminines. Par ailleurs, Mme DeFrantz signale que les femmes seront présentes dans tous les sports, mais il y a des disciplines où elles seront absentes, telles que la lutte où il existe deux disciplines : style libre et gréco-romain. Les femmes ne seront pas représentées dans la seconde. De plus, elle rappelle qu’il existe une demi-douzaine de sports qui comprennent des disciplines qui n’accueillent pas encore de femmes, tandis qu’une seule discipline est exclusivement féminine soit la nage synchronisée. Finalement, Mme DeFrantz, pense que malgré qu’il ait fallu attendre 2012 pour que les femmes soient admises dans tous les sports olympiques, « les avancées dans le domaine du sport sont toutefois une preuve qu’on peut arriver à l’égalité. »    Source : Le Devoir, mardi 17 avril 2012

Saviez-vous que les Olympiques au féminin, c’est du sport ? Lors d’une interview téléphonique accordée à la journaliste du Devoir, Melissa Guillemette, la présidente de la commission « Femme et sport » du Comité international olympique, Mme Anita L. DeFrantz a indiqué que tous les sports au programme des Jeux olympiques de Londres de l’été 2012 seront, pour la première fois, ouverts aux femmes. Il faut savoir que depuis les Jeux Olympiques de Montréal, la présence des athlètes féminines s’est considérablement accrue. En 1976, on en comptait 20,6 %, en 1984, le taux était de 23 % et en 2008, de 42 %. Cette année, 45 % des compétitions seront féminines. Par ailleurs, Mme DeFrantz signale que les femmes seront présentes dans tous les sports, mais il y a des disciplines où elles seront absentes, telles que la lutte où il existe deux disciplines : style libre et gréco-romain. Les femmes ne seront pas représentées dans la seconde. De plus, elle rappelle qu’il existe une demi-douzaine de sports qui comprennent des disciplines qui n’accueillent pas encore de femmes, tandis qu’une seule discipline est exclusivement féminine soit la nage synchronisée. Finalement, Mme DeFrantz, pense que malgré qu’il ait fallu attendre 2012 pour que les femmes soient admises dans tous les sports olympiques, « les avancées dans le domaine du sport sont toutefois une preuve qu’on peut arriver à l’égalité. »    Source : Le Devoir, mardi 17 avril 2012

RESPONSABLES DES BRÈVES : Louise Melançon et Marie-Josée Riendeau

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MADELEINE PARENT

1918-2012

Une vie consacrée à défendre les droits des travailleuses

Carmina Tremblay, Phoebé

Dès l’âge de 7 ans, Madeleine Parent est indignée devant les injustices commises envers les employées du couvent où elle est pensionnaire. Ces injustices la scandalisent tellement, qu’elle en tombe malade et que ses parents doivent la retirer du pensionnat.

Cette indignation devant les injustices la poursuivra tout au long de sa vie, qui sera consacrée à lutter pour améliorer les conditions de travail des travailleuses du textile en particulier, et les droits des femmes en général.

Ce qui impressionne dans le parcours de Madeleine Parent, c’est cette fidélité et cette constance dans l’engagement qui ne se sont jamais démenties. Après plus de quatre décennies de travail dans le monde ouvrier et de militantisme syndical, on la retrouve à sa « retraite », active militante au sein du mouvement féministe, au Centre des travailleurs immigrants, à la Ligue des droits et libertés, dans les associations d’appui aux femmes autochtones et issues des communautés culturelles, etc.

Après des études en sociologie à l’Université McGill, où elle milite dans plusieurs organisations étudiantes, elle scandalise sa génération en devenant, non pas une simple intellectuelle de gauche, mais aussi une organisatrice syndicale, un métier alors réservé aux hommes. Les dirigeants d’alors ne la considéraient que comme une secrétaire. Qu’à cela ne tienne,  on la retrouve quand même aux premières loges des grandes luttes syndicales de l’époque, notamment au sein du syndicat des Ouvriers unis du textile d’Amérique (OUTA). Défendant les ouvrières et les ouvriers du textile, elle sera arrêtée et emprisonnée à plusieurs reprises sous Maurice Duplessis. Elle subira d’ailleurs un procès pour sédition qui se soldera par un non-lieu en 1957 et qui aura été le plus long procès dans les annales judiciaires du Québec. Dans une entrevue diffusée à Radio-Canada le 19 mai 1974, dans le cadre de l’émission Gens de mon Pays, Madeleine Parent estime qu’« Au-delà de son antisyndicalisme, le ’Chef’ lui portait une haine personnelle qui n’était pas étrangère au fait qu’elle était une femme. Qu’une femme incite d’autres femmes à s’organiser, revendiquer et monter aux barricades apparaît comme une transgression à l’ordre établi. » « Ils (Duplessis et les patrons) cherchaient à démontrer qu’il y avait quelque chose de pas naturel, d’étranger chez une femme qui se bat pour les travailleurs », confiera plus tard la militante, en entrevue à Denyse Baillargeon 1. Mais rien n’arrête Madeleine Parent car elle a choisi son camp depuis longtemps et la profondeur de ses convictions et sa passion pour la justice l’appellent à poursuivre son combat dans ce camp des exploité-e-s et des laissé-e-s pour compte. L’avenir prouvera d’ailleurs que ses convictions étaient inébranlables, car jusque dans les dernières années de sa vie, on la retrouvera, infatigable, frêle, mais droite sur les tribunes, dans les événements et les manifestations, intervenant pour défendre les mêmes causes qui lui tiennent à cœur, entre autres à la Marche du pain et des Roses en 1995, à la Marche mondiale des femmes en 2000, au Sommet des Amériques en 2001, où elle marchera plusieurs kilomètres, malgré ses 83 ans,  portant une bannière par cette chaude journée du 21 avril.

Madeleine Parent militera aussi pour que les syndicats canadiens deviennent indépendants des grands syndicats américains auxquels, dit-elle, les syndicats canadiens sont trop inféodés. Au début des années 60, après plus de 15 ans de luttes, elle fonde avec son mari Kent Rowley le Conseil des syndicats canadiens, car le couple considérait que c’était aux travailleurs d’ici de décider ce qu’ils devaient faire ici.

Dans toutes ces luttes, ce qui impressionne toujours chez Madeleine Parent, c’est la grande douceur avec laquelle elle agit. Au cours des négociations syndicales, « elle rendait fous les négociateurs patronaux en y allant toujours tout en douceur. Après une nuit de négociation, c’était habituellement les avocats qui avaient l’air abattus et épuisés alors qu’elle paraissait toute fraîche, calme, coiffée, avec son collier de perles, continuant de se battre pour chaque principe » 2, relate l’écrivain et journaliste Rick Salutin. Dans le Globe and Mail du 16 mars 2001, on retrouve d’ailleurs un article sur Madeleine Parent, signé par le même auteur et intitulé : « Une volonté de fer et un collier de perles ». En effet, dans tous ses combats, Madeleine Parent ne perdra jamais sa douceur et sa dignité pour dénoncer des situations inacceptables et dire des choses très radicales.

Si Madeleine Parent est connue d’abord et avant tout pour son militantisme syndical, son action militante s’étend à plusieurs autres causes dont notamment le féminisme, où on la retrouve dans tous les combats : équité salariale, droit à l’avortement, congé de maternité, services de garde, pensions, défense des droits des immigrantes et des autochtones, etc., car dit-elle : « si les femmes ne sont pas toutes pareilles, elles peuvent toutes vivre dans la dignité ». Elle fut de la fondation du Conseil consultatif canadien de la situation de la femme et y a longtemps siégé comme déléguée du Québec.

Madeleine Parent, c’est aussi une « tisserande de solidarités », comme le relate le film de Sophie Bissonnette réalisé en 2002 : Madeleine Parent, Tisserande de solidarités. Dans ce film, Madeleine Ferron (signataire du Refus global) nous fait remarquer qu’alors que les médias attribuent souvent au Refus global le déclenchement de la Révolution tranquille, « La plus grande figure de l’époque, celle qui a le plus fait pour changer le Québec, n’est pas parmi les signataires du Refus global, c’est la syndicaliste Madeleine Parent qui menait à l’époque les grèves dans le textile ». Elle aura syndiqué plus de 25 000 travailleuses et travailleurs, tant au Québec qu’en Ontario, où elle travaillait à créer des liens de solidarité entre les travailleurs québécois et les travailleurs ontariens malgré la crainte de ces derniers face au mouvement souverainiste québécois. De même, au sein du mouvement des femmes, Françoise David rappelle que «  Madeleine Parent a beaucoup plaidé – et avec succès – pour une solidarité qui dépassait les frontières du Québec » 3. Une solidarité, aussi, entre les femmes issues de différentes réalités à l’intérieur même du Québec. « Dans les années 1990, je trouvais, ajoute Françoise David, qu’elle nous avait vraiment fait prendre conscience de la diversité, de la pluralité du mouvement des femmes. » Madeleine Parent bâtissait des ponts entre le mouvement des femmes québécoises francophones et les groupes de femmes anglophones ou immigrantes.

Comme le dit si bien Josée Boileau en éditorial : « Les monuments de notre histoire, souvent, parlent fort, sont éclatants, excentriques, mythiques, idolâtrés. […] Il faudra bien pourtant apprendre à construire d’autres statues maintenant que Madeleine Parent, la menue, la discrète, est disparue. Se rappeler que le courage, celui d’affronter un Duplessis et de porter le syndicalisme dans des lieux qui y étaient réfractaires, n’est pas synonyme de grosse voix, de gros bras. C’est un message immense que de souligner ce qu’une force tranquille peut accomplir quand entrent en jeu des convictions profondes. » 4 Andrée Lévesque, la biographe de Madeleine Parent, souligne quant à elle que si « Madeleine Parent impressionne par l’étendue et l’éventail de son militantisme […] c’est la profondeur de son engagement, qui n’a jamais défailli, qui force le respect et l’admiration. » 5

Pour moi, une question demeure comme un mystère : d’où tirait-elle cette ardeur, cette détermination, cette persévérance dans l’engagement ? Car, comme le dit Monique Simard : « Elle était totalement dévouée à la cause […]. C’était l’engagement d’une vie, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. […] C’était comme une mission pour elle. » 6 D’où lui venaient cette force, cette ténacité, ce courage ? Car, comme le dit encore si bien Josée Boileau : « C’est une grande exigence que de chercher à mener une vie aussi cohérente, qui résiste au chant des sirènes de la popularité, du confort, des compromis, de sa place dans l’histoire. Qui ne se grise pas non plus de sa marginalité ? » 7

Souhaitons qu’à défaut d’être un modèle à suivre, Madeleine Parent soit une inépuisable source d’inspiration pour nous et pour les générations à venir.