L’AUTRE PAROLE POUR L’ORDINATION DES FEMMES

L’AUTRE PAROLE POUR L’ORDINATION DES FEMMES

Le Collectif de femmes chrétiennes et féministes L’autre Parole a promu, depuis sa fondation en 1976, la reconnaissance pleine et entière de l’égalité des femmes avec les hommes dans l’Église et la société. Cette égalité implique, notamment pour les femmes dans l’Église, le droit d’accès à l’ensemble des ministères.

La récente « Lettre apostolique du pape Jean-Paul II sur l’ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes » nous oblige à prendre à nouveau la parole pour signifier notre opposition catégorique à ces propos rétrogrades et antidémocratiques. En effet, cette lettre met en péril la liberté de pensée, de parole et d’action dans l’Église. Elle promeut non seulement un Peuple de Dieu soumis et bâillonné mais elle cautionne implicitement les régimes politiques de type totalitaire qui nient la liberté d’expression des personnes.

En voulant contraindre les croyantes et les croyants à adhérer à sa vision religieuse, Jean-Paul II nous nie toute autonomie de réflexion et de recherche. Il tend à soumettre nos consciences, à museler notre parole afin de maintenir le statut quo dans l’Église et d’éviter toute transformation significative de cette institution.

Le pape met de l’avant un modèle d’Église qui va à l’encontre des valeurs démocratiques alors que le magistère se sert abondamment du droit à la liberté d’expression, qui prévaut dans les grandes institutions démocratiques, pour faire valoir son point de vue à travers le monde.

Dans nos sociétés, l’égalité de droit -et de plus en plus de fait- est reconnue aux femmes. Les chrétiennes et les chrétiens qui ont fait leur cette option pour l’égalité ne croient plus au discours de l’Église lorsqu’elle énonce que l’exclusion des femmes du sacerdoce est en accord avec le plan de Dieu ou qu’elle « n’a en aucune manière le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l’Église ». Par son entêtement misogyne, le magistère a perdu beaucoup de sa crédibilité. Nous nous réjouissons devant les différentes expressions de résistance qui se manifestent partout. C’est là une promesse d’avenir, une manifestation de la maturité des consciences (à laquelle l’Église n’a pas beaucoup collaboré) qui ne permet plus une soumission aveugle au magistère. La croyance au sacerdoce royal de toutes et tous les baptisés se traduit maintenant dans une option pour une Église véritablement égalitaire.

Nombre de travaux de commissions officielles et d’études théologiques et bibliques tendent à démontrer qu’il n’y a pas d’obstacles théologiques à l’ordination des femmes. Seul prévaut l’attachement excessif à une pratique historique d’exclusion des femmes. Ce sexisme apparaît aujourd’hui intolérable et commande des pratiques de transformation radicale.

Par ailleurs, nous ne voulons pas promouvoir un sacerdoce proprement féminin à partir de qualités qui seraient intrinsèquement féminines. Nous ne croyons ni à un sacerdoce masculin ni à un sacerdoce féminin. Pour nous, il ne devrait y avoir qu’un ministère ecclésial accompli par des femmes pu des hommes qui sont des sujets sexués dans l’histoire. Même si l’avènement de l’ordination des femmes n’offre pas de garantie absolue quant au renouvellement ecclésial, nous pensons qu’il favoriserait, à tout le moins, la réalisation d’une Église moins patriarcale.

Contrairement aux prises de position antérieures, la récente déclaration de nos évêques démontre clairement qu’ils ne sont nullement solidaires de la quête d’égalité des femmes dans l’Église. Ils obéissent aveuglément à la loi canonique alors que celle-ci est porteuse de discrimination à l’égard de la moitié des membres et qu’elle leur cause un préjudice grave. La solidarité des évêques à l’endroit des femmes d’ici devrait dépasser nettement le rôle de messager auprès du pape. Ne serait-il pas temps qu’ils envisagent d’ordonner des femmes qui sont présentées par leur communauté chrétienne, posant ainsi un geste prophétique qui permettrait la réconciliation des femmes et des hommes et l’affirmation d’une Eglise beaucoup plus évangélique ?

Notre option pour l’égalité s’appuie sur l’attitude libre, interpellante, dérangeante de Jésus. L’Église est aujourd’hui conviée à faire un pas de plus sur la voie de la justice et de l’équité, à se dépouiller de son « vieil homme » sexiste qui fait ombrage à sa capacité de refléter l’Espérance de Jésus-Christ. Les femmes ont toujours été une force vive dans l’Église. Leur accès au ministère ordonné impulserait, à l’aube du troisième millénaire, un nouveau Souffle à l’Église de Jésus-Christ.

Dans la conjoncture actuelle, nous ne pouvons qu’encourager les différentes pratiques de résistance : lettres de protestation, manifestations, grèves de messe, etc. Et même, il nous semble que l’obstination du magistère à ne pas reconnaître la capacité des femmes à gérer le sacré ne peut être qu’une incitation à explorer des pistes alternatives pour continuer de partager « le pain et le vin » dans un esprit de communauté de disciples égaux.

Thérèse Hachette,

Marie-Rose Magella,

Marie-Andrée Roy