L’ÉCRITURE AU FÉMININ

L’ÉCRITURE AU FÉMININ

Aïda Tambourgi, Vasthi

En participant à une réunion du groupe Bonne Nouv’ailes  portant sur « l’écriture au féminin », j’ai évoqué la façon dont j’ai rédigé mes livres, à savoir que je composais mes poèmes en vaquant à diverses occupations. Et voilà que cela sert de leçon !  A vouloir trop bavarder, on est pris à son propre piège.  On a sauté sur l’occasion pour me demander de rédiger un article parlant de « l’écriture au féminin » qui évoquerait ma propre expérience.

J’avoue que je n’avais jamais réfléchi à cet aspect de la question.  Je veux bien relater ma propre démarche, mais loin de moi l’idée de faire de mon expérience le prototype de « l’écriture au féminin ».  Bien plus, tout le monde comprend qu’il ne s’agit pas là du mot écrire pris au sens littéral, mais d’un état où la personne est habitée par le thème qu’elle entend développer et auquel elle pense sans relâche.

En tout cas, en ce qui me concerne, cela est vrai à coup sûr.  Je me revois assise dans le métro en train de composer des vers d’un ou de plusieurs poèmes, en bougeant discrètement mes doigts pour calculer le nombre de pieds de vers que nécessite la poésie classique.  Je me revois en train d’essuyer le plancher de ma salle de bains tout en composant un autre texte.  Je me revois surgissant de mon lit la nuit pour noter en toute hâte une ou deux strophes qui s’imposaient à moi.  Je me revois abandonnant pour quelques minutes les préparatifs d’un plat pour ne pas  perdre d’autres strophes qui remontaient de l’intérieur de moi-même sans crier gare, etc.

Bon, et alors ? Est-ce cela « l’écriture au féminin » ?  J’ai du mal à le croire.  Je crois qu’il serait utile de distinguer l’écriture d’un roman ou d’un livre de poésie de l’écriture d’un livre scientifique.  Certes dans les deux cas, le thème qui nous habite occupe une bonne partie de notre temps, mais alors que dans le premier cas, on laisse libre cours à l’inspiration et à l’imagination qui peuvent prendre forme à n’importe quel moment du jour ou de la nuit, dans le second cas, on reste assis le plus souvent devant une table de travail, car cela nécessite beaucoup de recherches, de notes à prendre et à structurer.  D’ailleurs, j’ai effectivement expérimenté cette différence en ce qui concerne l’écriture de mes deux livres.  Certes, ce que j’ai exprimé précédemment s’applique aux deux, mais il faut préciser que pour le second livre qui évoque l’histoire des femmes dans la Bible, il a bien fallu que je commence par m’attabler pour prendre connaissance du contenu, me laisser imprégner de ces histoires avant de les reprendre et de laisser parler mon inspiration en fonction du contexte d’aujourd’hui.

Voilà en gros le fond de mon expérience.  Encore une fois, est-ce qu’il s’agit là de « l’écriture au féminin » ? Ou encore y a-t-il à proprement parler une écriture au féminin ?  Je laisse à d’autres le soin de le prouver. Certes, il est raisonnable de penser que les femmes et les hommes différent les uns des autres.  L’égalité ne présupposant nullement la similitude, il est donc possible d’évoquer un style différent en rapport avec nos différences.  Mais doit-on penser qu’il y aurait un modèle unique d’écriture au féminin auquel toutes les femmes feraient appel lorsqu’elles deviennent écrivaines ? Je crois plutôt qu’il y a une manière d’aborder les textes, de les comprendre, de les interpréter en fonction de ce que nous sommes et de notre vécu.  Autant dire qu’il s’agit d’un style différent en fonction de la personne qui écrit.