LES FLOTS DE MAGTOGOEK

LES FLOTS DE MAGTOGOEKSi

nous nous rencontrions au bord du fleuve ? Marjorie Beaucage

 Marjorie Beaucage est une Franco-Métis du Manitoba, engagée à faire le pont, à créer des nouvelles relations entre cultures et à imaginer d’autres façons d’être à travers sa caméra.

 Les rencontres qui rassemblèrent toutes les participantes, le soir, au début des matinées et le dimanche matin, prirent la forme de rituels. Les femmes formaient un grand cercle. Un long tissu, fait de différents bleus, serpentait sur le plancher de la salle et symbolisait les flots du fleuve.  Il y eut du mouvement : des symboliques, des prières, des chants, des danses, des regards partagés. Il y eut des paroles de femmes : des paroles sacrées, des poésies, des échanges, des mots d’enseignement, d’engagement et de sagesse, des récits d’expériences. Les Européens qui s’installèrent sur la terre que nous appelons maintenant le Québec et le Canada, arrivèrent par le fleuve que les Mohawks appelle Magtogoek. C’est au bord du Magtogoek, à Montréal, que les femmes de la rencontre Créons la justice, Reconnaissons les différences se sont rencontrées. Marjorie Beaucage raconte la symbolique du fleuve.

L’invitation de venir au bord du fleuve, un endroit où les femmes se sont toujours rencontrées pour puiser de l’eau, pour laver les vêtements, pour se raconter des histoires et pour se donner des conseils, est une très vieille tradition dans ce pays. Nous l’avons actualisé et transformé en une Rencontre interspirituelle de femmes. Puisque nous appartenons à différentes traditions, le défi consistait à créer un espace pour reconnaître nos différences plutôt que d’être absorbées par un seul courant. « Installer son campement » à la Rencontre, au bord du fleuve, cela signifiait se sentir bienvenue, reconnue et en sécurité et prendre sa propre place. Le premier soir, les trois « R », Respect, Relations et Responsabilité, furent adoptés comme les trois principes d’action pour guider l’autoformation de chacune et la recherche de nouvelles manières d’être ensemble. Le plus grand défi dans le projet collectif de reconnaître les différences est de « déprogrammer » les manières habituelles de nous rencontrer et de faire de la place pour que quelque chose de nouveau puisse arriver.

Les « campements » furent organisés en fonction des quatre directions et des quatre saisons de naissances. Puisque chaque personne humaine est née, chaque personne humaine a sa place dans le Cercle de la Vie.  Un bon point de départ pour reconnaître les différences est de reconnaître les dons de chacune reçues de son propre héritage de naissance.

Magtogoek est un chemin liquide. Comment abordons-nous ce fleuve de changement ? La différence, c’est comme les flots qui nous traversent, qui font des vagues en soi et tout autour de soi… Pouvons-nous nager dans ces flots ? Construisons-nous des barrages ? Des ponts ? Avironnons-nous sur le fleuve pour l’admirer ou pour exploiter ses ressources, pour entrer dans le Cercle de la Vie ou pour se déplacer sans remarquer au passage la Vie qui est là ?

Les échanges, les ateliers et les rituels de la Rencontre Créons la justice, Reconnaissons les différences furent des occasions de naviguer sur ce fleuve de différentes manières. Les femmes pouvaient aussi s’asseoir sur la berge, seule ou avec d’autres. Les femmes choisissent ce qu’elles font…

Et quand le temps fut venu de lever le camp et de mettre en oeuvre des actions pour créer la justice, ce fut difficile de trouver nos alliées naturelles pour l’engagement. Il y eut un malaise. Certaines attendaient un « plan d’action » qui ne vint pas. Cette situation fut une autre occasion de reconnaître les différences. À la fin, les femmes furent invitées à dire leurs engagements, leurs réflexions, leurs actions ; à demander aux autres ce dont elles avaient besoin. Il y eut aussi le temps des remerciements.

Magtogoek coule toujours… Les flots de ses eaux sont larges et profonds, rapides et mouvementés, étincelants à la pleine lune… toujours changeants…

metakwé’oyasin…
toutes mes relations

(Traduction libre par L’autre Parole)