( Est 1, 1-22) L’indépendante

L’indépendante

Et voici l’histoire de Vasthi,
La reine qui a su résister
À l’ordre donné par son mari,
Assuérus, roi tant redouté.

Ce jour-là, se trouvaient au palais
Le peuple et les grands officiers.
Un banquet somptueux s’y offrait,
Petits et grands y étaient conviés.

Les richesses du roi s’étalaient
Devant tout le peuple réuni.
Chacun admirait et contemplait
Avec un grand sentiment d’envie

Le roi parlant à ses invités.
Il agissait avec complaisance.
Il avait ordonné de traiter
Les pauvres gens avec bienveillance.

Soudain son esprit fut traversé
Par un désir orgueilleux et fou,
Sa femme devait être exhibée
Pour flatter sa vanité d’époux.

Car elle était superbement belle
La reine Vasthi, nous dit-on.
Tous les regards se portaient vers elle
Dès qu’elle entrait dans une maison.

Ses eunuques vinrent près de lui,
À peine les a-t-il appelés.
Prenant la parole, il leur dit :
Allez chez ma femme sans tarder.

Dites à la reine de venir
Sur-le-champ, auprès de son époux.
Parée et belle, tel est mon désir,
Qu’elle s’habille selon mes goûts.

Mes invités doivent l’admirer,
Elle est pour moi objet de plaisir.
Il faut que tous puissent apprécier
Mon choix, sans défaut, et l’applaudir.

De son côté, la reine Vasthi
Avait invité ce même jour,
Pour une fête, quelques amies
Elle se plaisait dans leurs discours.

Quand les eunuques interrompirent
Sa réception pour l’informer
Du caprice du roi, de son désir,
Elle répondit sans hésiter :

Retournez chez le roi et dites-lui
Que la reine décline son appel.
Elle se tourna vers ses amies,
La causette reprit de plus belle.

On rapporta la nouvelle au roi
Qui fut pris de colère à outrance,
N’est-il donc plus le maître chez soi ?
Vasthi doit payer cette insolence.

Les sages du palais convoqués,
II les consulta sur la sentence
À infliger à sa dulcinée.
Sa faute est : la désobéissance.

Après de longs palabres, les sages
Firent part au roi de leurs pensées :
II faut la bannir pour que l’image
De tous les hommes soit préservée.

Toutes les femmes seront portées
À sous-estimer dans leurs maisons
Leurs maris, et puis à dédaigner
L’ordre que d’eux elles recevront.

Il vaut mieux donner une leçon,
Puisque la faute a été publique.
Voilà pourquoi nous la condamnons
Pas de place ici aux hérétiques.

Le sort de Vasthi en fut jeté :
Détrônée pour avoir un beau jour
Osé enfreindre un ordre donné.
L’homme triompha comme toujours.

Les sages voulaient mater les femmes ,
Le bonheur de l’homme était en jeu.
On pouvait éviter bien des drames,
En éteignant bien vite le feu.

Faut-il rappeler que la sentence
Devait leur servir pour l’avenir.
Les femmes ont gardé le silence,
Mais ont conservé le souvenir !

Un simple geste d’autonomie
A valu le rejet d’une reine.
Comment évoluer dans la vie,
Avec cette image que l’on traîne !

L’ordre fut très vite restauré,
La femme retrouva sa mission :
Servir l’homme dans sa maisonnée,
Et faire preuve de soumission.

Fort peu de gens connaissent l’histoire
De Vasthi, cette femme exemplaire,
Dont le geste nous laisse entrevoir
Qu’elle n’a pas eu peur de déplaire.

Bien des femmes encore aujourd’hui
Payent cher pour leur indépendance.
Par bonheur, aucune n’est bannie,
L’homme est astreint à la tolérance.

( Est 1, 1-22)

AIDA TAMBOURGI, THÉOLOGIENNE