MARIE L’ESPRIT ET LA FEMME

MARIE L’ESPRIT ET LA FEMME

l’élection de Marie, c’est l’histoire d’une rencontre désirée par Dieu et désirée par Marie. Sa foi, sa confiance en Dieu enlevait toute barrière. Il ne faut pas négliger non plus la présence de l’Esprit qui correspondait à une attente fondamentale en Marie, celle d’être révélée à elle-même •.• A travers 1’expérience de la gratuité, Dieu a pris le risque de croire en Marie . Il a déposé entre les mains d’une femme asservie par le contexte socio-culturel de son époque, son projet ardemment désiré : s’incarner au coeur de l’humanité pour lui apporter la libération . Par le fait même, Marie se retrouve engagée dans une histoire qui la dépasse. Elle, une femme au quelle sa société ne reconnaît pas de droit reçoit de Dieu une mission des plus bouleversantes : participer activement à son projet. Il est bien évident que Marie a pris conscience progressivement de 1’action de Dieu sur elle et qu’elle a dû y consentir pour que le dessein de Dieu se réalise. Dieu en se révélant, a révélé Marie a elle-même. Il lui a fait découvrir ses grandes possibilités. Sous 1’action de 1’Esprit elle obtenait le dynamisme, la capacité, la force de se réaliser. Sans la réalisation de Marie, la réalisation du Royaume n’aurait été que supercherie. Dieu venait libérer les hommes de leur servitude et non les asservir. Cela exigeait donc une participation lucide de Marie. Celle-ci a vécu l’expérience d’une foi active, l’expérience d’un départ, d’un bouleversement et d’une prise de conscience. Répondre ‘oui’ au dessein de Dieu impliquait nécessairement une action engagée voire même désintéressée, puisqu’en s’engageant elle endossait l’espérance du monde. C’est donc dans un acte réfléchi, libre et adulte que Marie a donné son adhésion. Comme nous, Marie a découvert au coeur même des réalités, l’action de l’Esprit sur elle et en elle. Elle n’a pas vécu cette expérience pour elle-même, elle a été décentrée d’elle-même pour être mise en route vers le monde. C’est cette véritable mise en route, physique et spirituelle, que l’Esprit exige de tout croyant.

L’Esprit est la preuve que Dieu veut la réalisation de tous. Dieu aurait pu choisir une toute autre façon de se révéler, sans necessa1rement passer par 1’incarnation. Au contraire, il a voulu montrer à tous, hommes et femmes : qu’il éta1t poss1ble de se réaliser. En prenant pour exemple une femme injustement dévalorisée par la culture de son époque, il lui permettait non seulement d’être reconnue comme personne, mais lui donnait la possibilité et le dynamisme pour s’affirmer.

L’Esprit est venu bouleverser 1’histoire pour assurer à la femme qui a été trop longtemps effacée, l’assurance de sa non-insignifiance. Il l’arrache d’un destin qui lui semblait jusqu’alors indiscutablement imposé, pour 1’inciter la recherche progressive d’elle-même. Evidemment, les obstacles sont encore nombreux et la femme devra les surmonter pour parvenir à se réaliser. Le plus difficile sera d’annihiler ces images profondément empreintes dans 1a cu1ture et 1a tradition. C’est seulement à cette condition que l’on pourra reconnaître que la femme n’est pas vouée exclusivement à la fécondité humaine, mais qu’elle jouit aussi du dynamisme de l’Esprit dans sa fécondité sociale, politique, spirituelle …

Par la pleine réalisation de Marie, de sa propre vocation dans la fécondité, l’Esprit nous assure son soutien tout engendrement. Et. »au fond de chaque être humain gît cet idéal de ‘maternité’, c’est-â-dire de mise au monde de quelque chose qui demeure pour les génération futures » …(_l) Pour le chrétien, son engendrement est appelé à être des plus féconde et 1’enseignement de Jésus sur ce sujet est des plus explicites : « Car quiconque fait la volonté de mon Père … celui-là m’est un frère et une soeur et une mère …  » (Mt. 12, 50). En Jésus, nous avons tous a être frère et soeur. Nous sommes appelés à  mettre au monde Jésus, â 1’incarner dans nos vies.

C’est justement dans ce contexte de fraternité, que nous avons être soucieux de l’engendrement de chacun, de la réalisation de chacun. Le chrétien doit développer un esprit critique devant les diverses situations qui se présentent à lui et prendre au sérieux toutes discriminations. Il n’a pas le droit de rester passif devant les revendications féminines. Il doit dénoncer toute attitude qui s’écarte de 1’exigence évangélique.

Jacinthe Poulin Bacc. en théologie

Université de Sherbrooke

(1) R.N.D. no. 5, mai 1979, p. 8.