Non ! à la déclaration de Rome sur l’ordination des femmes

Non ! à la déclaration de Rome sur l’ordination des femmes

Au lendemain de la publication de la lettre apostolique Ordinatio Sacerdotalis, un vent de protestations balayait le monde catholique dans son entier.

Des voix se sont élevées de partout pour manifester une attitude de non recevoir. Au Québec, le réseau Femmes et ministères1n’a pas tardé à réagir et dès le 15 juin 1994, le collectif L’autre Parole donnait son appui à ce réseau.

Afin de maintenir vivante la force de résistance des chrétiennes et des chrétiens « debout » devant cet abus de pouvoir des autorités romaines, la revue L’autre Parole reproduit dans ses pages de larges extraits des textes suivants :

1. la réaction du réseau Femmes et ministères au vote historique de novembre 1992 : L’Église recroquevillée ;

2. la requête présentée à Mgr Jean-Guy Hamelin, lors de la publication de la lettre apostolique « Ordinatio Sacerdotalis » en mai 1994 ;

3. la lettre réponse de Mgr Jean-Guy Hamelin au réseau Femmes et ministères.

  1. L’Église recroquevillée2

La nouvelle de l’ouverture de l’Église anglicane à l’ordination des femmes et l’attitude de fermeture du Vatican à la même réalité ont suscité une double réaction de la part du réseau Femmes et ministères. L’Église recroquevillée rappelle les raisons évoquées par le réseau pour dénoncer l’attitude romaine. En voici des extraits :

« Comme membres du Réseau Femmes et ministères, nous avons accueilli avec allégresse la bonne nouvelle du vote de l’Église anglicane en faveur de l’ordination des femmes. (…) Mais comme catholiques, nous sommes profondément attristées de l’attitude de non-recevoir des autorités vaticanes devant cette compréhension renouvelée du ministère par une autre Église chrétienne. Il nous apparaît inadmissible que l’Église de Rome ne se laisse pas au moins interpellée par les motifs théologiques qui ont présidé … (au vote de l’Église anglicane en faveur de l’ordination des femmes). Par ce refus, ne se trouve-t-elle pas à pratiquer ce qu’elle-même juge comme un obstacle au dialogue ? En effet, dans un document catholique récent sur « Les réflexions et orientations concernant le dialogue interreligieux et l’annonce de l’Évangile », les auteurs signalent que « la résistance, le manque d’ouverture qui conduisent à une attitude défensive, voire à l’agressivité », représentent une difficulté majeure pour l’établissement du dialogue. N’est-ce pas plutôt cette attitude de fermeture qui retarde le processus de réconciliation entre les Églises plutôt que l’admission des femmes au sacerdoce ministériel ? De là à faire porter aux femmes l’odieux d’entraver le processus de réconciliation et d’unité entre les Églises, il n’y a qu’un pas.

(…) de plus en plus de théologiens et d’exégètes catholiques s’accordent pour dire que l’on ne peut tirer du choix de Jésus des raisons déterminantes pour défendre une position ou l’autre en cette matière. Or, comment prétendre prôner l’égalité et l’unité au nom de l’Évangile du Christ tout en continuant d’exercer une discrimination à l’endroit des femmes sur la base de leur appartenance sexuelle. Cela devient de plus en plus intolérable dans la société et dans l’Église et relève, à la rigueur, du contre-témoignage ».

2. Requête présentée à Monseigneur Jean-Guy Hamelin, président de la Conférence des Évêques Catholiques du Canada3

Après avoir exprimé « leur espoir de poursuivre le dialogue », les membres du réseau Femmes et ministères regroupent, sous quatre têtes de chapitre, leur dissidence face à la lettre Ordinatio sacerdotalis. Voici des extraits de cette requête :

« Une entorse à l’égalité »

(…) Au regard des valeurs d’une société moderne et démocratique, il est incohérent d’affirmer, au plan des principes, l’égalité fondamentale des femmes et des hommes dans le plan de Dieu et de maintenir du même souffle une pratique, fut-elle séculaire, qui exclut les femmes de l’accès à l’ordination sacerdotale, du seul fait qu’elles sont de sexe féminin.

(…) Ne voit-on pas qu’à force de laisser les femmes, agentes de pastorale, à l’écart du ministère ordonné, non seulement on les maintient irrémédiablement dans une sous-catégorie, mais on accentue aussi une injustice notoire dans la structure même de l’Église ?

« L’intelligence au service de la foi »

(…) Là où nous attendions une invitation au dialogue, nous nous retrouvons devant un document qui exige de tenir pour définitive une position « considérée de différents côtés comme ouverte au débat  » (Lettre, no. 4).

(…) Les recherches entreprises sur la question des ministères, aussi bien en exégèse qu’en ecclésiologie, montrent qu’on a tout intérêt à scruter l’héritage évangélique et l’interprétation que la Tradition en a donné.

Loin d’arriver à un point de saturation, ces recherches demandent à être approfondies, discutées et confrontées à la sagesse de toute l’Église, en tenant compte de l’expérience des autres Églises chrétiennes.

« Une résistance nouvelle »

(….) Pour ne mentionner que quelques-unes des résistances qui se sont exprimées depuis le concile Vatican II, citons les cas suivants :

a) Au Synode des évêques, en 1971, (…) En réponse à la recommandation adoptée par tous les évêques alors réunis, le pape Paul VI mit sur pied une Commission d’études sur la vocation et la mission de la femme dans la société et dans l’Église, mais en lui retirant explicitement la question de l’ordination.

b) (…) alors que des Églises membres de la communion anglicane commençaient à ordonner des femmes prêtres, à Rome la Congrégation pour la Doctrine de la foi invitait la Commission biblique pontificale à s’interroger sur les fondements bibliques de l’exclusion des femmes du ministère ordonné. Les membres de cette Commission répondirent, à une forte majorité des voix, qu’il est impossible de prouver par le recours à des textes du Nouveau Testament que Jésus n’a pas voulu ordonner des femmes. Or le document Inter insigniores, publié par ladite Congrégation à la fin de l’année 1976, ne tient pas compte de cette opinion scientifique majoritaire.

c) À la suite du Synode romain de 1987 sur la vocation et la mission des laïques dans le monde, le Conseil permanent du Synode des évêques recommanda la formation de plusieurs groupes de travail, dont l’un devait explorer les questions posées au sujet des ministères exercés par les femmes. Jean-Paul II approuva la constitution des comités, à l’exception de celui qui devait examiner la participation des femmes aux divers ministères.

d) Quelques semaines avant la publication de la dernière Lettre de Jean-Paul II, alors qu’un projet de texte circulait sous le manteau, des théologiens, des évêques et même des cardinaux consultés en auraient découragé la publication mais leur voix, une fois de plus, n’a pas été écoutée ».

Ces considérations permettent aux auteures de cette requête de poser à l’évêque de Rome un certain nombre de questions, telles que : de quelle Église tient compte la position exprimée dans la dernière Lettre apostolique ?

(…) où et comment pourront s’exprimer désormais les questions qui ne manqueront pas de se poser à la conscience des fidèles, à l’intelligence des théologiennes et des théologiens, à la vigilance des pasteurs, si ce n’est à l’intérieur de notre Église ?

(…) l’enseignement de la Lettre apostolique de mai 1994 risque de provoquer des divisions plus profondes, tant à l’intérieur même de notre Église qu’entre les Églises chrétiennes.

« Obéir, c’est aussi résister » (Dominique Chenu, o.p.)

(…) Pour leur part, les femmes ne cesseront pas d’affirmer leur droit à la justice et à l’égalité. Elles le font au nom de leur foi en une Bonne Nouvelle de liberté, au nom de leur amour de l’Église, communauté de disciples, au nom d’une Tradition vivante qui concilie, à la fois, le sens offert en Jésus-Christ et la disponibilité au temps présent.

(…)

nous demandons à la C.E.C.C. de prendre les dispositions nécessaires afin d’assurer la poursuite des recherches sur la participation des femmes à la vie, à la mission et aux ministères ecclésiaux quels qu’ils soient.

Cette requête, initiative du réseau national FEMMES ET MINISTÈRES, a reçu l’appui d’un grand nombre de personnes : 725 signatures dans une première pétition ; 1 200 signatures dans une deuxième pétition.

3. Lettre-réponse de Monseigneur Jean-Guy Hamelin au réseau Femmes et ministères4

La réponse de Monseigneur Hamelin ne se fait pas attendre. Blé se veut rassurante. « Votre lettre prend d’autant plus de relief qu’elle est appuyée par la signature d’un grand nombre de personnes très engagées en Église. J’y ai remarqué les noms d’hommes et de femmes qui collaborent étroitement avec nous, les évêques, dans la responsabilité des Églises particulières. L’étroite communion qui nous unit dans notre tâche quotidienne nous rend d’autant plus sensibles au malaise qui vous habite actuellement. Permettez-moi de vous dire que nous voulons qu’un climat de dialogue imprègne nos relations mutuelles sur cette question comme sur les autres. Notre sensibilité pastorale se refuse à restreindre notre rôle à diffuser simplement l’enseignement de l’Église, elle exige que nous recherchions les moyens pour qu’il soit bien compris et accueilli.

(…) nous nous refusons à voir dans la déclaration du pape un obstacle pour intensifier nos efforts dans ce sens.

(…)

Tous et toutes ensemble nous sommes l’Église. Vous y êtes engagées autant que nous le sommes, vous y êtes attachées autant que nous, vous l’aimez comme nous l’aimons. Je formule le souhait que nous nous accompagnions mutuellement dans cette passée un peu plus ardue. Un travail d’approfondissement de la question des ministères est pertinent, il permettra sans doute d’ouvrir des voies peut-être pas encore suffisamment explorées pour la place des hommes et des femmes dans l’Église. Il faudra le poursuivre dans un climat de vérité et de confiance. Dans cette perspective nous ne manquerons pas de nous situer lucidement au sein et dans le cadre de la communauté catholique universelle. À la lumière de la présente expérience, il y aura peut-être à revoir nos manières de communiquer et de travailler ensemble. Une telle démarche, espérons-le, pourra nous aider à faire évoluer des mentalités et nous conduira à conforter notre foi, même si cela se fait au prix de sacrifices et de recherches difficiles ».

Pour conclure ce dossier, je vous réfère au paragraphe ci-dessous tiré d’un communiqué de Femmes et ministères daté du 2 juillet 1994.

« L’accueil réceptif et le ton pastoral de la lettre de Mgr Hamelin permettent d’espérer que le dialogue se poursuivra à l’intérieur de l’Église. Le groupe FEMMES ET MINISTÈRES ne connaît pas, cependant, les modalités tangibles qui seront adoptées pour faire suite à la demande des (1925) signataires. Ceux-ci pressaient la C.E.C.C. « de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la poursuite des recherches sur la participation des femmes à la vie, à la mission et aux ministères ecclésiaux quels qu’ils soient ».

Textes colligés par Yvette Laprise, Myriam et Hélène Saint-Jacques, Bonne nouv’ailes

1 FEMMES ET MINISTÈRES est un réseau autonome de femmes engagées en Église au nom de leur fol et soucieuses de travailler à la reconnaissance des ministères des femmes dans une Église dynamique et missionnaire. Il a été fondé à Montréal, en 1982. Ses membres, dispersées dans une douzaine de diocèses du Québec, de l’Ontario et de l’Ile-du-Prince-Édouard, enseignent dans tes facultés de théologie ou travaillent dans les mieux de la pastorale. Chacune des membres, selon son champ d’action, a développé des liens avec de nombreux regroupements de femmes ou avec des associations d’études théologiques.

2 Pierrette Daviau et Micheline Lagué, « L’Église recroquevillée*, Le Devoir. Montréal te 30 novembre 1992, cahier B, p. 8.

3 Femmes et ministères, « Requête présentée à Monseigneur Jean-Guy Hamelin, président de la Conférence des Évêques Catholiques du Canada (C.E.C.C.) », Le Devoir. Montréal, le 29 Juin 1994, cahier A, p. 2.

4 Lettre de Monseigneur Jean-Guy Hamelin, évêque de Rouyn-Noranda, président de la C.E.C.C., te 30 juin 1994, à Madame la présidente de « Femmes et ministères*.