PRÉTRESSE D’UN SOIR

PRÉTRESSE D’UN SOIR

Lucie Leblanc- Donnes Nouv’Ailes

Lors du colloque, le groupe Bonnes Nouv’Ailes décidait de travailler davantage la symbolique féministe en célébrant plus régulièrement. L’article qui suit raconte une de ces célébrations.

Le temps file. Il est cinq heures déjà. Dans quelques heures, je jouerai un grand rôle… celui de prêtresse. L’excitation fait soudain place è l’anxiété… Et si ça ne marchait pas ? Et s’il n’y avait pas de filles ? Et si, et encore si. Pas aussi évident que ça ne paraît, d’investir le champ religieux, de l’apprivoiser et le faire nôtre ! !

C’est une question de mon « chum » qui me rappelle soudainement è la réalité … perdue que j’étais dans mes pensées. Je sens bien dans sa voix une pointe de moquerie : « … ton « kit » est-il prêt ? » Mon « kit », comme l’appelle insidieusement mon chum, c’est une nappe de coton que ma grand-mère maternelle a brodée, il y a de ça quelques lustres ; c’est aussi des cierges, du vin, du pain frais et un plat de grès que j’ai « tourné » moi-même. Plus modestement, il va sans dire, ça me rappelle le Dinner Party de Judy Chicago qui nous avait donné, lors de son exposition àMontréal, un bel exemple du travail artisanal des femmes. Ces travaux de femmes, à travers les âges, n’ayant jamais été considérés comme assez dignes pour s’ériger au rang de L’ART. L’art étant évidemment un fief masculin. Je sens soudain que, même è travers les objets, il y 0 une trame de fond qui rallie les femmes entre elles.

Je déambule maintenant dans les corridors de l’U.Q.A.M., l’enceinte de la célébration. C’est plutôt moche comme ambiance. Heureusement que je n’ai pas attendu d’être ici pour avoir de l’inspiration. B-1052… c’est le nom du lieu sacré ! ! A partir d’un local froid, je devrai transformer l’emplacement, l’espace d’un instant.

J’installe donc les quelques objets que j’ai apportés, j’allume les bougies et relis paisiblement mes notes. Les filles ne tardent pas à arriver. Après nous être donné un aperçu des « hauts et des bas » de nos différents quotidiens, la célébration commence.

Le partage sur les textes et le fruit de nos réflexions communes portent sur l’unicité. Unicité, entre autres, de notre expérience de chrétiennes et de féministes dans l’Église et difficulté pour cette dernière de reconnaître notre champ d’investigation, voire de nous reconnaître. Dans ce climat d’intimité et d’échange de nos paroles, le partage du pain et du vin ne se pose pas comme une hérésie. De la même manière que pour les « leaders » des premières communautés chrétiennes (hommes ou femmes), notre soif de s’unir au Dieu de Jésus-Christ par le biais des espèces est loin de nous sembler osée.

Malgré mes appréhensions, la magie s’opère et nous vibrons au même diapason. C’est à regret que nous nous quittons jusqu’à la prochaine fois, où une autre du groupe sera prêtresse d’un soir.