Réactions à la lettre de Jean-Paul II sur la non-admission des femmes à l’ordination en dehors du Québec

Réactions à la lettre de Jean-Paul II sur la non-admission des femmes à l’ordination en dehors du Québec

Eh ! oui, on m’a demandé de faire connaître des réactions hors Québec au sujet de la lettre apostolique du pape Jean-Paul II sur l’ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes, datée du 22 mai 1994. J’ai beau avoir des contacts ici et là sur la planète Terre, je ne pourrai vous rendre compte que de certaines réactions à travers le monde au sujet de cet écrit qui nous a de nouveau secouées.

Commençons par les Maritimes

Le 5 août 1994, le comité diocésain Femmes en Église de Moncton, Nouveau-Brunswick, faisait parvenir une requête à Mgr Jean-Guy Hamelin, président de la Conférence des Évêques catholiques du Canada (C.E.C.C.), et à Mgr Donat Chiasson, archevêque du diocèse de Moncton. Cette requête qui a reçu l’appui de près de 1 700 personnes souligne deux points principaux :

la nécessité d’un véritable partenariat entre les hommes et les femmes :

« Nous demandons à la C.E.C.C. de prendre les dispositions nécessaires pour garder la question ouverte et de poursuivre avec ténacité et selon l’Esprit de l’Évangile, la réflexion déjà amorcée en Église sur le développement d’un partenariat réel dans les ministères ecclésiaux quels qu’ils soient ».

une participation à la prise de décision :

« Dans ce contexte de discrimination réelle, nous demandons à la C.E.C.C. de poursuivre les démarches pour enlever les obstacles contenus dans le Droit Canon et les traditions ecclésiales qui empêchent la femme baptisée de participer dans tous les aspects de la vie ecclésiale incluant la participation à la prise de décision aux divers degrés de la hiérarchie ».

Dans sa réponse datée du 15 novembre, à madame Angela Bourgeois du Comité diocésain « Femmes en Église » de Moncton, Mgr Jean-Guy Hamelin l’assure « que tous les efforts nécessaires seront faits au niveau de la Conférence des évêques pour que se poursuive la réflexion sur le développement d’un partenariat réel dans les ministères ecclésiaux ». Il souligne également que « tout au long des années et particulièrement dans le cadre des synodes romains, nous avons plaidé pour que disparaissent tous les obstacles qui empêchent la femme baptisée de participer dans tous les aspects de la vie ecclésiale incluant la participation à la prise de décision aux divers degrés de la hiérarchie ».

Et c’est vrai, nous en savons gré aux évêques québécois et canadiens qui ne cessent de battre le fer du patriarcat dans l’Église, mais les résistances demeurent bien fortes.

En Colombie Britannique

Une féministe de Colombie Britannique, Pearl Gervais, ayant connu la Requête présentée au président de la Conférence des évêques du Canada, signée par des milliers de personnes au Québec, a décidé d’entreprendre une action similaire dans sa province. Elle m’a fait parvenir sa lettre de protestation qu’elle a adressée à plusieurs personnes conscientisées à la question de l’ordination des femmes, les enjoignant de recueillir des signatures pour une publication dans le Island Catholic News de Victoria, C.B. De plus, une célébration des femmes s’est tenue à la cathédrale St. Andrew’s, le 17 septembre dernier.

À l’émission Jour du Seigneur de Radio-Canada

Jour du Seigneur est une émission de la télévision de Radio-Canada qui présente à chaque dimanche une célébration eucharistique, provenant de différents lieux du Canada. En janvier 1995, deux célébrations ont été présidées par des femmes, des pasteures qui ne sont pas de l’Église catholique, bien sûr ! Le 8 janvier, nous avons vu la pasteure Claire Christin, de l’Église réformée, région de Montréal, tandis que le 22 janvier, la pasteure Betty Marsh de la First Presbyterian Church d’Edmonton présidait une liturgie oecuménique pour souligner l’ouverture de la semaine de l’Unité des chrétiens et des chrétiennes. C’est une excellente façon de rendre visibles les femmes dans la présidence d’assemblées liturgiques et j’en ai félicité le réalisateur-coordonnateur de cette série d’émissions, André Daris, qui est un prêtre du diocèse de Rimouski. Voyez tout ce qui peut sortir de bon de Rimouski ! ! !

En France

Le bulletin international Femmes et Hommes en Église, no 59 de septembre 1994, rend bien compte comme à l’accoutumé des différentes réactions suscitées par la Lettre de Jean-Paul II en Belgique : Lettre ouverte au cardinal Danneels et aux évêques de Belgique, en Espagne, lettre du Collectif des femmes en Église (dans l’Église) de Barcelone.

On a voulu situer la réaction négative dans un contexte positif. C’est ainsi qu’à Paris, le 16 octobre, « pour la fête de Thérèse d’Avila », on a célébré une messe d’action de grâce pour toutes les femmes ordonnées du monde. C’est à la paroisse de la cathédrale américaine, avenue Georges V que la célébration a eu lieu. La Révérende Rosalie Hall, prêtre épiscopalienne de la paroisse nommée, présidait la célébration, tandis que la Révérende Judith Rose, récemment ordonnée prêtre dans l’Église d’Angleterre, avait été invitée à prononcer l’homélie et à témoigner de son expérience lors d’une séance d’échanges et de travail après la célébration. Cette manifestation avait été organisée par un collectif de six groupes, mixtes ou féminins, qui travaillent à défendre la cause des femmes, à renouveler les ministères et à susciter un vrai partenariat des hommes et des femmes dans l’Église. Ce sont : l’Alliance internationale Jeanne d’Arc, l’Association européenne des femmes pour la recherche théologique, Droits et libertés dans les Églises, Femmes et Hommes en Église, le Forum oecuménique des femmes chrétiennes d’Europe et le Groupe Orsay. Marie-Thérèse van Lunen Chenu a rendu compte de cette belle manifestation dans Le Bulletin Droits et Libertés dans les Églises, no 25, décembre 1994, ainsi que dans Relations, no 607, janvier-février 1995.

En somme, mon tour d’horizon qui est plutôt bref m’a permis de constater que la voix magistérieile dans l’Église catholique ne peut plus imposer des restrictions ou des démissions, sans susciter de vives réactions. En effet, les chrétiennes et chrétiens au coeur libre et ouvert savent désormais que l’obéissance à l’esprit évangélique et ecclésial appelle des prises de parole pour que le message de salut en Jésus soit annoncé en toute vérité.

Les réactions sont de deux ordres :

celles qui visent à créer des réseaux de solidarité et de communion en une même espérance, c’est l’action par des lettres océanes qui recueillent des milliers de signatures ;

celles qui sont axées sur des actualisations, des actions de grâce où sont mises en scène des femmes qui ont déjà été ordonnées dans des ministères, ce sont les célébrations réalisées à l’émission Jour du Seigneur et à Paris.

Monique Dumais, Houlda