REVER UN IMPOSSIBLE RÊVE… OU LE SYNODE SUR LES LAÏCS

REVER UN IMPOSSIBLE RÊVE… OU LE SYNODE SUR LES LAÏCS

Francine Cabana- Rimouski

II y a quelques semaines déjà, de nombreux Québécois ont vu leur rêve nationaliste prendre fin en quelque sorte. Avec lui, René Lévesque semble avoir apporté dans la tombe les espoirs et les énergies de beaucoup de personnes d’ici. Tous/ amis comme ennemis, ont fait valoir les qualités de cet homme, son grand dévouement à la cause du Québec et sa lutte farouche pour donner un pays aux Québécois, malgré les défauts et les limites inhérents à toute vie humaine.

Je n’ai jamais été une militante politique très active et même si, comme tout un chacun, la campagne référendaire avait soulevé en moi un vent de patriotisme, je n’ai pas donné suite à cet engagement d’un moment Par contre, comme chrétienne, comme femme, comme laïque, il y a des années que je « milite » dans l’Église. Et quand on a annoncé la tenue d’un synode sur les laïcs, je me suis mise à rêver, à rêver d’être reconnue comme membre à part entière de l’Église de Jésus-Christ non seulement par les chrétiens que je côtoie chaque jour, mais aussi par les dirigeants hiérarchiques de notre Église.

Le synode est terminé et il faut bien constater que, officiellement, peu de retombées sont à prévoir, du moins au sujet des femmes. Sans crainte de déplaire, nos évêques canadiens ont essayé à maintes reprises de faire avancer ce que j’appellerais la cause de la femme ». Leurs interventions se sont heurtées à un mur. Rien de tout cela, semble-t-il, ne transparaîtra dans les recommandations finales transmises au Pape. Et pourtant, cette fois-ci ils n’étaient pas seuls. Lors de synodes précédente (1971,1974, 1983), les délégués canadiens avaient été tes seuls à intervenir sur ce sujet Mais cette année, trente-deux évêques venant de tous tes continents, ont explicitement abordé cette question. Ont-ils été entendus ?

Le Très Saint Père, et avec lui toute la curie romaine, attend-il que toutes les femmes engagées au service de leur communauté respective soient mortes ou sorties de l’Église pour reconnaître vraiment leur contribution dans la vie de notre Église ? Je laisse la réponse à l’imagination de chacune et de chacun.

Je pense important de préciser ici que je ne désire pas être prêtre, du moins pas dans le modèle actuel. Ma déception ne vient donc pas de ne pouvoir « accéder » à un ministère ordonné. Simplement je trouve pénible que, au moment où lentement dans notre société on fait de plus en plus place à la femme, notre Église tire de l’arrière tandis qu’elle devrait selon la philosophie de son fondateur, promouvoir l’égalité entretous les humains. Que l’on cesse de nous dire qu’il faut respecter les mentalités des pays moins avancés dans la cause de la femme. Jésus n’a pas craint lui, de passer pardessus les interdits de son temps pour parler ouvertement aux femmes et leur donner la place que leur refusait une société toute masculine. N’a-t-il pas fait des disciples de plusieurs d’entre elles ?

Dernièrement à « Second Regard », un évêque africain est venu dire que le rôle que les évêques plus progressistes veulent faire tenir aux femmes dans leur diocèse respectif,

ne serait pas admis dans son pays. Il nous faut, bien sûr, respecter cette culture et ne pas la briser. Mais la nôtre ne mérite-t-elle pat la même considération ? A force de vouloir maintenir à tout prix les femmes occidentales dans une condition culturelle qui n’est pas la leur, ne risque-t-on pas de créer chez elles un mouvement de désengagement ?

Serait-ce alors le temps de remettre l’Église entre les mains des Églises locales et de vivre enfin la collégialité votée au Concile Vatican II ?

En 1977, la revue Prêtre et Pasteur suggérait une célébration pénitentielle où elle empruntait des passages du « Rêve » de Martin Luther King. j’ai le goût ici de paraphraser le texte de la revue et de l’appliquer à la situation que nous vivons présentement, du moins à la façon dont je la ressens 1.

Il y a près de 2000 ans, le Christ est venu sur terre.

Il apportait la joie, la paix/ la fraternité.

Il a laissé à ses successeurs la mission que lui avait confiée son Père.

2000 ans ont passé.

Dans notre Église, la paix n’existe pas vraiment.

Beaucoup de femmes et d’hommes vivent sans joie.

Nous sommes loin d’être considérés comme des frères et des soeurs les uns par les autres.

Et pourtant Jésus n’est pas venu en vain. A cause de lui, beaucoup d’hommes, beaucoup de femmes, beaucoup de jeunes croient en une Église meilleure et luttent pour qu’elle s’établisse, pour que la mission que leur a laissée Jésus s’accomplisse vraiment

Ce sont des laïcs, chrétiens et chrétiennes, quelque peu désorientés qui auront fêté Noël, cette année. Nous n’avons pas la paix au-dedans de notre Église. Notre Église est malade des divisions, clercs-laïcs, femmes-hommes, qui la hantent.

Et pourtant l’espérance de paix et de bonne volonté, apportée à toutes les femmes et à tous les hommes de notre Église, ne peut être balayée comme le rêve pieux de quelque utopiste.

Comme laïques et laïcs nous sommes personnellement victimes de rêves avortés, d’espoirs saccagés, mais malgré cela, il faut encore rêver, parce que dans la vie, il ne faut jamais se résigner.

Il faut rêver que les femmes et tes hommes un jour se lèveront et comprendront enfin qu’ils sont faits pour vivre ensemble comme des frères et des soeurs, dans la mission que leur a laissée Jésus.

Il faut rêver qu’un jour la justice ruissellera comme l’eau et la droiture comme un fleuve puissant.

II faut rêver aujourd’hui qu’un jour toute vallée sera exhaussée, que toutes les montagnes de division et de non-considération seront abaissées, que tes chemins raboteux des rapports clercs-laïcs seront aplanis, et que tes chemins tortueux de la mésentente entre les hommes et les femmes seront redressés, que la gloire de Dieu sera enfin révélée à toute personne et que toute chair, enfin réunie, la verra.

Il faut encore rêver que, grâce à notre foi en Jésus-Christ, nous serons capables dans les années à venir, comme femmes et hommes, laïcs engagés, de repousser au loin les tentations du désespoir et de jeter une nouvelle lumière sur la vie de notre Église.

Oui, grâce à cette foi, nous sommes capables en nous unissant de hâter le jour où la paix et la bonne volonté régneront, où dans notre Église il m’y aura plus ni hommes ni femmes*, mais seulement des chrétiennes et des chrétiens engagés ensemble en étroite collaboration à faire advenir te règne de Jésus-Christ.

Ce jour-là, sera un jour merveilleux.

Les étoiles du matin chanteront ensemble et les filles et les fils de Dieu pousseront des cris de joie.2 

1 Prêtre et Pasteur,octobre 1977, Vol. 80, no9, pp. 499-500.

2 Les extraits du Rêve de Martin Luther King ont été tirés de : KINO, Martin Luther, La seule révolution, Casterman, 1968, pp. 114-115.