No. 107 – Roulons la pierre du fondamentalisme

Liminaire

Avant d’écrire ce liminaire, j’ai longtemps réfléchi sur le thème de ce numéro: le fondamentalisme.

Au printemps dernier, le monde entier, par médias interposés, avait le regard tourné vers le Vatican.

On assistait en direct à la longue agonie d’un pape, puis à ses funérailles en présence de toutes les têtes couronnées de la planète. Puis ce fut l’élection de son successeur et son intronisation solennelle dans la basilique Saint-Pierre de Rome devant une foule exceptionnelle. Du jamais vu en Italie. Durant ce temps d’effervescence religieuse, des commentaires tantôt élogieux, tantôt critiques, tantôt interrogatifs et autres allaient bon train.

Quelle image l’Église projetait-elle à cette occasion ? Une Église triomphaliste, pyramidale, centralisatrice et autoritaire? Une Église cléricale, confortée dans son pouvoir de domination et d’exclusion? Une Église qui refuse d’entendre ceux et celles qui osent penser autrement? Enfin quelle image peut projeter une Église se disant infaillible et non sexiste mais n’admettant que des hommes dans sa hiérarchie ?

Quelques mois plus tard, la Collective L’autre Parole, réunie en colloque à Québec, sous le thème Roulons la pierre du fondamentalisme , centrait sa réflexion sur cette face cachée de l’Église institutionnelle. En se disant: « Nous sommes aussi l’Église », le groupe des femmes féministes et chrétiennes que nous formons entendait diagnostiquer le cancer pernicieux qui ronge sournoisement cette institution depuis des siècles.

Qu’est-ce donc que le fondamentalisme? À quoi réfère-t-il ? Pourquoi est-il important de le débusquer ?

En écrivant cet article, je me suis rappelé, quel choc j’avais ressenti en apprenant que la foi chrétienne ne vient pas directement de Dieu mais passe par bien des intermédiaires avant de nous atteindre. Cette prise de conscience m’a amenée à douter pour la première fois de l’authenticité de ma foi et à la questionner. Existerait-il une différence entre foi et croyance ?

Pour moi, foi et croyance ne sont pas des concepts équivalents. La foi est de source divine et s’inscrit au plus profond de tout être humain. La croyance vient de l’entourage. C’est l’adhésion affective ou sentimentale à une idée, une opinion, un système de pensée, une doctrine travestie en vérité. La foi est unique, les croyances sont multiples. Le fondamentalisme reposerait sur la confusion de ces deux plans. Par exemple, s’appuyer sur la volonté divine (plan éternel) pour affirmer que le sacerdoce ne peut être réservé qu’aux hommes (plan temporel), c’est du fondamentalisme. Donner une forme statutaire à une disposition temporelle sans admettre aucune discussion, aucun débat, ce ne peut être qu’une croyance travestie en vérité et non un article de foi. En prétendant dire la vérité on l’emprisonne.

La foi n’est pas une croyance passive mais un processus actif extrêmement puissant. Qu’y a-t-il de commun entre la Vie, cette énergie universelle fondamentale sans cesse en mouvement qui traverse toute la création en respectant la nature de chaque être, et le fixisme rigide du fondamentalisme religieux désincarné, autoritaire, qui brime les consciences et infantilise ses adeptes. Le mystère échappe à toute formule… Cette prise de conscience m’a fourni une clé de discernement pour mieux assumer ma responsabilité dans la croissance de ma foi.

Plus tard, quand j’ai connu l’existence de l’évangile de Marie, ce fut un autre choc. Ce manuscrit, antérieur aux Évangiles canoniques, présente Marie- Madeleine comme disciple, témoin et apôtre au même titre que les autres apôtres. Jésus n’a donc pas été entouré que de disciples mâles. Cette mémoire occultée par l’ordre patriarcal ne peut être que du fondamentalisme.

Je me sens inconfortable dans cette institution pyramidale dont le sommet est si haut qu’il ne voit plus ce qui se passe en bas, sur le terrain. Je préfère une Église pauvre et miséricordieuse à une Église sûre d’elle-même mais qui étouffe les consciences au lieu de les m éveiller. Ce qui nourrit mon espoir, malgré tout, c’est l’existence de réseaux de résistance qui refusent de perpétuer une culture centralisatrice et cela partout dans le monde C’est aussi ma foi dans la vie de l’Esprit où il n’y a rien de figé une fois pour toute. L’Esprit ne se laisse pas enfermer dans une formule fusse-telle proclamée « ex cathédra ». L’essentiel ne peut se réduire à une question de pouvoir et d’autorité. S’il est nécessaire qu’une Église visible et extérieure se mette en place pour organiser la vie des communautés, il est indispensable de garder vivante l’Église invisible, intériorisée pour assurer l’authenticité et la pérennité de la révélation dans ce qu’elle a de plus profond.

Je crois que le premier critère d’authenticité de notre foi serait de nous rendre attentifs à la Vie. Les femmes ayant une approche naturelle de la vie « vécue »
leur inclusion dans la direction de l’Église rendrait cette dernière plus conforme à l’Évangile.

J’ose espérer que ces quelques réflexions à propos du fondamentalisme vous mettront en piste pour aborder les textes substantiels que des théologiennes et des chercheuses chevronnées ont bien voulu élaborer pour nous les transmettre.

Vous trouverez dans ce numéro à la suite du déroulement du colloque :

Un mémorial à trois voix pour souligner le décès de Rita Hazel, l’une de nos membres.

Une nouveauté : Un billet à votre adresse.

Un saviez-vous que….différent.

Bonne lecture,

Yvette Laprise
Comité de rédaction