No. 17 – LA VIE DES FEMMES N’EST PAS UN PRINCIPE

LE MANIFESTE DU CEP SUE LA PLACE DES FEMMES DANS L’ÉGLISE

par Anne Fortin

Un groupe de Québec, « Chrétiens pour une Église populaire » a publié cet automne son Manifeste sur la place des femmes dans l’Église. Cette publication est importante, car elle est le signe du passage, chez des chrétiens engagés pour des valeurs de justice et d’égalité, des luttes populaires et ouvrières aux luttes des femmes. L’apparition de telles questions, dans un groupe non spécifiquement identifié comme féministe, est le signe que la place des femmes dans l’Église et la société n’est pas un problème périphérique, mais qu’elle est au coeur des préoccupations pour la justice. Cet élargissement d’horizon ouvre la porte à de nouvelles solidarités entre groupes chrétiens: nous constatons que nos luttes ont plus d’un terrain commun. Je me propose donc de présenter brièvement le contenu du Manifeste du CEP.

1) La situation actuelle des femmes dans l’Église.
Le document du CEP est très concis et il va directement au coeur des problèmes. Il montre que la situation actuelle des femmes dans l’Église est directement influencée par l’enseignement de l’Église qui a toujours valorisé deux rôles pour les femmes: soit la vie religieuse, soit la vie d’épouse et mère. Ces deux rôles se résument en fait à un »seul, la maternité, qu’elle soit spirituelle ou physique.Si, dans la société civile, les droits des femmes ont beaucoup avancé depuis cinquante ans, rien ne semble avoir changé dans l’Église, précisément à cause de ces rôles omniprésents.

Ainsi, les tâches, nombreuses, qu’accomplissent les femmes dans l’Église, sont toujours des tâches de « seconde zone », sous l’autorité du clergé mâle. La principale contradiction de l’Église est dénoncée: on prétend reconnaître une égale dignité aux femmes, mais dans les faits, c’est l’inégalité des droits qui prévaut. Ceci est illustré dans le Manifeste par trois situations de fait. Premièrement, la participation des femmes aux prises de décision est empêchée par l’interdiction de l’accès au sacerdoce aux femmes. Deuxièmement, la restriction des rôles sur le plan liturgique est une autre manifestation de l’inégalité réservée aux femmes. Enfin dans le discours sur la contraception, on peut se demander quelle place est faite à la réalité vécue par les femmes. Le Manifeste demande à la fin de sa brève analyse: « Qu’en est-il de la parole et de l’expérience des femmes dans tout cela? »

2) La sexualité et le corps des femmes dans l’Église.
Pour le CEP, le coeur du problème de la place des femmes dans l’Église est la sexualité et le corps de la femme. Ce serait la peur du corps de la femme qui aurait déterminé l’attitude envers les femmes de l’Église hiérarchique (composée exclusivement d’hommes célibataires). En imposant le modèle de la Vierge Marie aux
femmes, l’Église a valorisé la virginité comme mode de réalisation de soi, au détriment du mariage. La femme qui refuse la virginité est renvoyée à sa spécificité biologique – la femme est une tentation, une occasion de péché, elle est le sexe – au détriment de la « globalité de sa personne ». Où peut se situer dans l’Église la
femme qui voudrait vivre activement sa sexualité? Comment, entre la virginité et la prostitution, les femmes peuvent-elles être elles-mêmes? (on se rappelle les trois modèles dénoncés dans « Les Fées ont soif »; vierge-mère-prostituée). Dans cette partie du Manifeste, on aurait pu souhaiter que la réflexion théorique ait
été davantage illustrée par des exemples tirés du vécu des femmes.

3) Les femmes dans les Évangiles et dans l’Église primitive.
Si le corps des femmes pose encore un problème à l’Église, le Christ lui a pourtant eu une attitude libératrice et révolutionnaire face aux femmes. Jésus a reconnu l’égale dignité des femmes et des hommes et n’a pas eu peur de transgresser les tabous de son temps en « reconnaissant le droit des femmes de répondre à l’appel de Dieu » (p. 29) • Aujourd’hui, les femmes parlent de l’abolition des inégalités et des rapports de domination à partir de leur certitude d’être également aimées de Dieu.

Le Manifeste se termine par treize recommandations qui s’adressent autant à l’Église institutionnelle qu’à toutes les femmes chrétiennes» Les recommandations
ajoutent beaucoup à la valeur du Manifeste. Elles partent vraiment du vécu, de l’observation des réalités de la vie en Église, et elles visent une réelle prise en charge de cette vie en Église par tous ses membres, femmes et hommes. Les recommandations sont claires, simples et directes. A leur lecture, nous pouvons toutes et tous nous sentir responsables du changement dans l’Église. Le CEP propose des outils pour commencer dès maintenant à changer le visage de l’Église. Soulignons les recommandations six et douze où l’on demande que des femmes élaborent une réflexion théologique qui intègre leur vécu, « … qu’elles réfléchissent sur leur corps, leurs responsabilités et leur participation dans l’Église » (12). Cela nous rappelle que tout est encore à faire et que le travail commencé (dans L’autre Parole, par exemple) doit tendre à avoir une incidence sur la vie des femmes dans l’Église du  Québec.

On ne peut que souhaiter que ces recommandations soient entendues et comprises par l’Église (pas seulement l’institution, mais aussi le peuple de Dieu), car elles sont véritablement l’expression d’une conscientisation à l’égalité des droits des femmes, là où ces droits sont peut-être le moins respectés dans notre société.
par Anne Fortin

Si vous désirez des exemplaires du « Manifeste sur la place des femmes dans l’Église », écrivez aux
« Chrétiens pour une Église populaire »
C,P. 305, Suce. Saint-Sauveur
QUÉBEC (Québec)
G1K 6W3