SILHOUETTES et PRÉJUGÉS

SILHOUETTES et PRÉJUGÉS

Soirée d’ouverture du colloque

Christine ternaire, Bonne Nouv ‘ailes

Elles s’appelaient Marion, Line, Laetitia, Misère…  Ce soir là, nous en avons tracé les  images grâce à des photos et des coupures de silhouettes de femmes, grâce à des objets choisis pour les représenter  et… à partir de nos préjugés.

 Partir de notre expérience ?

 Car parler des prostituées dans une soirée de colloque traditionnellement vouée à nos expériences de femmes, c’était parler de nos préjugés. C’était dessiner des portraits de femmes que nous côtoyons parfois dans nos quartiers, mais que nous méconnaissons le plus souvent.

 « Je suis une bien mauvaise sujet » disait Madeleine, la prostituée de Denise Boucher (Les fées ont soif). Nous en convenions toutes, lors de cette préparation de colloque. Comment donner corps à ces femmes dont l’expérience est si loin de la nôtre afin de les reconnaître comme nos sœurs ?  Il s’agissait de souligner cet éloignement au moyen de symboles, en dévoilant le nom de la personne choisi et en déclarant ouvertement nos préjugés, nos malaises, notre révolte et notre accueil.

Déroulement de la soirée.

 Les femmes avaient eu, au préalable, à réfléchir sur une prostituée de leur choix qu’elles présenteraient  comme leur sœur.

 Au début de la soirée, chacune a été invitée à choisir un visage (photos de magazines), ainsi qu’un objet symbolique ( menottes, sac à mains, condoms, seringue, boîte de pilules, bouteille de bière…) placés  sur des tables. Sur le mur se découpaient déjà autant de silhouettes sans tête que le nombre de participantes.

 Quand chacune a repris sa place, les présentations commencent.

 À tour de rôle, les participantes se présentent devant l’auditoire en tenant à la main un visage de femme qu’elles vont placer sur le corps de l’une des silhouettes puis déposent l’objet choisi sur une table. Des paroles sobres, remplies d’émotion , des expressions de révolte,  de compassion accompagnent ces gestes.

Émotions et sentiments des femmes.

 Voici quelques expressions recueillies lors de ce partage :

– J’éprouve un profond malaise face à ma sœur parce qu’elle met sa vie en danger, avec insouciance, peut-être par amour de l’argent.  Elle exerce un métier dégradant qui, de ce fait, dégrade l’ensemble des femmes. Elle a une vision négative d’elle-même, vit sa sexualité de façon malheureuse et avilissante. Elle se laisse dominer par des hommes, souvent des hommes violents….  Elle ne fait rien de sa vie, ne fabrique rien de son propre esprit. Elle me rend triste et me fait peur….

 – Je la respecte parce qu’elle est d’un grand courage et qu’elle souffre. Elle exerce souvent son métier pour les autres, souvent pour ses enfants. Malgré tout ça, elle réussit à survivre et cherche le bonheur. Elle sait écouter des histoires malheureuses et souvent d’une grande violence. Elle semble toujours de bonne humeur ! Elle sait séduire ; elle pourrait peut-être m’apprendre…  C’est une personne humaine, une femme comme moi, une fille de Dieu-e comme moi, ma sœur…

 Jeu de miroir

 En guise de préparation à cette soirée, nous avions demandé à deux femmes s’adonnant à la prostitution d’imaginer ce que représente pour elles une femme chrétienne.  Voici ce que nous avons recueilli .

 « Ma sœur s’appelle Marguerite, elle est gentille, mais pognée. L’objet qui la représente le mieux est une Bible. »

« Ma sœur s’appelle Denise. Si je vends mon corps pour de l’argent, elle, elle vend sa  liberté pour une bénédiction. Par contre, elle est bien fine.  L’objet qui la représente le mieux est une chandelle. »

 Que l’on regarde à partir du bateau ou du rivage, la distance est la même….

 Et si nos rêves et nos réconciliations pouvaient faire en sorte que…

 Zora sourit   (chanson de clôture de la soirée) : Des phrases sur les murs

Des regards de travers

Parfois quelques injures

Elle n’en a rien à faire 

Elle distribue ses sourires

Elle en reçoit autant

Zora sourit, effrontément Zora sourit, insolemment.

(JJ Goldman)