UNE IDÉOLOGIE QUI POLLUE NOS ONDES

UNE IDÉOLOGIE QUI POLLUE NOS ONDES

Louise Lebrun – Bonnes Nouv’Ailes

Pour mille et une raisons, on peut aimer ou haïr la série télévisée « Lance et compte ». Moi qui ai aimé « Lance et compte I », j’en suis venue à détester « Lance et compte II ». Pourquoi ? Parce qu’à chaque émission de la deuxième série, on nous sert sous différentes versions la recette des « gagnant-e-s ». En voici quelques-unes :

– Si vous êtes classé le deuxième joueur d’une équipe de hockey, juste derrière le meilleur, tassez, écrasez le premier joueur, la vedette qui vous tient dans son ombre, même si celui-ci est votre meilleur ami. Si vous êtes l’entraîneur d’une équipe de hockey, dénigrez publiquement l’entraîneur adverse, histoire de lui faire perdre ses moyens, surtout s’il est votre meilleur ami.

– Si vous êtes mannequin « classe internationale », pour obtenir une promotion, ne rejetez pas le harcèlement sexuel de votre patron. Faites comme « s’il n’y avait rien là », ça fait partie de la « game ».

_ Si vous êtes un multi-milliardaire qui fait chanter tout le monde avec son argent, même son propre fils, dites à votre fils : « Ça va, j’ai compris », en écrasant une larme de repentir et vous recevrez instantanément l’absolution pour toutes vos fautes, tout en demeurant aussi riche et aussi…

Dire qu’il y a 2 500 000 spectateur-trice-s qui ont reçu cet édifiant message pendant treize semaines !

Par les temps qui courent (ou qui boitent !), il y a dans l’air et sur les ondes une idéologie bien « crapaude » parce que mine de rien… mine de rien, elle nous dit : « Ben, voyons donc, qu’est-ce que tu demandes là ? Si tu VEUX réussir dans la vie, tu PEUX le faire. » Par réussir, entendons belle « job » payante en vue, grosse maison, gros « char ». Si tu ne réussis pas, entendons : si tu ne réussis pas à en mettre plein la vue, si tu es plutôt pauvre, pas très bien habillé-e, un vieux « bazou », un emploi précaire, parfois chômeur-euse ou assisté-e social-e, c’est que tu ne voulais pas assez, tu es lâche, un-e « pas bon-ne », un-e perdant-e ».

Mais voilà que, sur une autre longueur d’onde, des gens s’unissent pour exprimer leur vive inquiétude face à un pays qui « se transforme rapidement en une société très nettement stratifiée de gagnants et de perdants »1. Ces gens, ce sont les membres d’un comité de travail composé de représentant-e-s d’Églises, de syndicats, d’organisations populaires et de groupes de femmes. Ils ont publié un document intitulé Le temps de s’unir, appel à la solidarité.

Dans un premier temps, le document brosse un tableau dramatique de la pauvreté au Canada, des inégalités sociales et des disparités régionales. Il dénonce certains mythes concernant la santé économique du Canada. Mais surtout il pose la question suivante : « Voulons-nous poursuivre le cours actuel, à savoir une société fondée sur des valeurs et des priorités orientées principalement vers le marché, ou bien voulons-nous nous lancer dans une voie différente et bâtir une société et une économie qui soient enracinées dans les valeurs et dans les priorités de la solidarité sociale ?2 « 

Dans un deuxième temps, le document propose une série de politiques et de stratégies fondées sur la solidarité sociale. Ici on peut être plus ou moins d’accord avec tes solutions proposées. Et voilà que le débat commence !

Ce que les auteur-e-s veulent, c’est que le document soit utilisé par nos groupes afin de stimuler une réflexion collective sur des politiques de rechange. Même si je n’endosse pas au départ toutes les solutions suggérées, il m’apparaît urgent que tous les individus et les groupes de bonne volonté se solidarisent publiquement avec la position globale du document. Disons haut et fort que ce que nous voulons, c’est une société plus humaine fondée sur la solidarité sociale plutôt que sur les priorités dictées par les lois du marché. Faisons-le, ne serait-ce que pour brouiller certaines petites ondes bien « crapaudes ».

(Pour se procurer le document Le temps de s’unir, appel à la solidarité, téléphoner à Jean-Guy Casaubon : (514)527-8291, ou encore écrire à François Aubry : 1601, av. De Lorimier, Montréal, H2K 4M5)

1 Comité de travail pour la solidarité sociale, Le temps de s’unir, appel à la solidarité, nov. 1987, p. 6.

2 Idem, p. 11