Mon point de vue sur l’ordination des femmes

Mon point de vue sur l’ordination des femmes

Lorsque j’ai commencé à assister aux réunions mensuelles de l’AFEAS (Association Féminine d’Éducation et d’Action Sociale) dans ma paroisse, à la fin des années 1960, j’y suis allée, comme bien d’autres, pour rencontrer d’autres femmes, partager mes préoccupations de mère de famille, prendre un congé des enfants, au moins une fois par mois. Je m’y suis impliquée petit à petit par intérêt pour les dossiers et parce que j’ai réalisé que nous vivions dans un monde d’inégalité et d’iniquité entre les sexes faisant de nous, les femmes, des êtres inférieurs, aux capacités, aux droits et aux pouvoirs limités et aux devoirs presque illimités, prescrits, la plupart du temps, par les hommes. Je me suis impliquée parce que j’ai compris que nous pouvions faire bouger des choses, influencer nos gouvernements et aider les femmes à améliorer leurs conditions de vie.

Le cheminement que j’ai fait m’a rendue sensible à de multiples formes de discrimination envers les femmes et, comme catholique pratiquante, je suis devenue de plus en plus soucieuse de la place que l’Église fait aux femmes. Mon raisonnement était fort simple, peut-être même simpliste, aux yeux de certains et certaines. Si nous avons pu faire bouger la société face à son ouverture à la place des femmes dans bien des domaines, même si cela n’a pas été et n’est pas encore facile, ce n’est pas l’effet du hasard. C’est parce qu’enfin, de plus en plus de gens croient au potentiel des femmes, prennent conscience des injustices à leur endroit et réalisent qu’on ne peut que s’enrichir d’un réel partage des pouvoirs et des responsabilités. Selon moi, la même logique devait prévaloir en Église. Erreur.

Pourquoi est-ce donc si compliqué en Église ? Alors qu’on nous reconnaît le droit à l’égalité et à l’équité dans la société civile (pas à 100 %, je l’admets), qu’on reconnaît nos capacités à assumer les plus hautes fonctions, pourquoi serait-ce différent dans l’Église ? Ne sommes-nous pas toujours les mêmes personnes ? Je ne peux m’empêcher de me rappeler les luttes que nous avons menées, les résistances auxquelles nous nous heurtons encore lorsqu’on touche aux postes de pouvoir, aux métiers et aux professions traditionnellement réservés aux hommes. Quand, en plus, on peut s’accrocher farouchement à la Tradition de l’Église, à de savants écrits, interprétés par d’autres savants, le mur semble presque infranchissable. Pourtant, je me serais attendue à plus de compréhension, plus de justice, plus de volonté de partage, justement parce que c’est l’Église.

Mais non. Pure illusion. Ce que j’ai compris du dernier message du Pape, c’est que nous devrons nous contenter de notre sort, que nous sommes toujours très utiles (ça je le sais), que l’Église a besoin de nous (et elle en aura besoin de plus en plus à cause du manque de prêtres) mais à la condition que nous limitions nos actions à l’intérieur d’un cadre pré-établi par d’autres et même que nous pouvons nous compter chanceuses de pouvoir en faire autant. Et surtout, j’ai compris que le débat est clos et qu’il est inutile d’en reparler. En plus, j’ai senti que ça faisait l’affaire de bien des gens (prêtres, évêques, laïques) qui sont bien contents de pouvoir s’appuyer sur l’autorité du Pape pour dire « c’est dommage, mais nous ne pouvons faire plus ». Cela m’a fait mal profondément, dans mes tripes de femme, de chrétienne, de catholique engagée dans mon Église. Pour la première fois je me suis dit « qu’est-ce que je fais là » et je me le demande encore. J’en suis même à penser, moi qui ne suis pas une « radicale », qu’il nous faudrait peut-être réagir collectivement et nous retirer de tous ces lieux où nous sommes si utiles, si indispensables. Le vide serait si grand qu’il aiderait probablement à reprendre le dialogue. Je continue à y penser.

Lise Drouin-Paquette,

conseillère municipale à Sherbrooke,

ex-présidente provinciale de l’AFEAS