Jésus guérit des femmes.
Histoires de transformation
Pierrette Daviau, groupe Déborah de L’autre Parole
Dans les Évangiles, les femmes occupent des rôles importants, souvent en marge des récits principaux, mais avec une signification théologique profonde. Jésus « était accompagné des Douze et de quelques femmes ». Marie de Magdala, Jeanne, Suzanne sont nommées ainsi que plusieurs autres. « Elles assistaient Jésus et ses disciples de leurs biens » (Luc 8,1-3). Si elles représentent, pour certains, le côté de la faiblesse, elles évoquent aussi celui des affections. Modèles de foi, de discipleship et de témoignage, leur présence souligne l’universalité du message du Christ. Plusieurs d’entre elles sont mentionnées par les synoptiques dans des récits de guérison. Luc surtout, les met en relief comme des personnes attachées à Jésus présenté comme un homme sensible. Nous en retenons quelques-unes parmi les plus connues et signalées dans la plupart des récits synoptiques : la belle-mère de Pierre (Marc 1,29-31 ; Luc 4,38-41 et Matthieu 8,14-15) ; la femme atteinte d’une perte de sang (Matthieu 9,20-22 ; Marc 5,21-43 et Luc 8,43-48) ; la femme courbée (Luc 13,10-17) ; la fille de Jaïrus (Marc 5,35-43) ; la fille d’une Cananéenne (Marc 7,24-30 ; Matthieu 15,21-28) ; la pécheresse pardonnée (Matthieu 26, 6-13 ; Luc 7,36,-8,3).
Des touchers thérapeutiques de Jésus
La belle-mère de Pierre
À Capharnaüms, en entrant chez Pierre, Jésus voit immédiatement sa belle-mère alitée et atteinte d’une violente fièvre. « On parla à Jésus de la malade. Il se pencha, la saisit par la main et la fit se lever ». Quelle tendresse dans ce geste ! Jésus se fait présent à son corps, s’approche d’elle, lui prend la main : son toucher est agissant, opérant : « la fièvre la quitta et elle les servait ». Tout juste guérie, elle sert tous ceux présents et non pas seulement Jésus. Quelle force y avait-il chez la belle-mère de Pierre, tout juste libérée d’une forte fièvre ? Sans doute l’attachement à ses hôtes et la force venue du Maître ! Ainsi, Jésus l’aide non seulement à se relever, mais à accomplir sa mission, son service d’hôtesse. Sans paroles inutiles, il agit dans le silence de l’amour et avec la force de l’Esprit. Épisode significatif, plein d’affection, de sagesse et d’humanité.
La femme courbée
Alors qu’il enseigne dans la synagogue un jour de sabbat, Jésus voit une femme « ayant un esprit infirme depuis 18 ans qui l’empêchait de se relever ». Elle était courbée. Elle ne pouvait nullement se redresser. De vains efforts, sans doute, avaient été faits pour qu’elle retrouve une position normale. Captive de son état, elle marchait à tâtons dans sa vie, sans jamais croiser un regard. La voyant, Jésus l’interpelle avec bienveillance : « Femme, tu es délivrée de ton infirmité. Et il lui imposa les mains. À l’instant elle se redressa, et glorifia Dieu ». On ignore son nom ni sa provenance ni quel est cet esprit impur qui la possède. Cette femme courbée n’a rien demandé, mais Jésus sent qu’elle a besoin d’un contact, d’une présence pour se relever, d’une parole de clémence pour la libérer. Sa guérison est instantanée et totale. Délivrée, déliée, « cette fille d’Abraham » peut maintenant lever la tête, regarder le ciel et louer le Seigneur avec reconnaissance. Alors que le chef de la synagogue exprime son indignation, car c’était le jour du sabbat, Jésus en profite pour lui donner une leçon. Et tout autour « la foule se réjouissait de toutes les choses glorieuses qu’il faisait ».
La fille de Jaïrus
La guérison de la fille de Jaïrus est un récit biblique où Jésus ressuscite une jeune fille de douze ans. Ce chef de synagogue désespéré accourt et se jette aux pieds de Jésus, le suppliant de guérir sa fille, gravement malade. « Ma petite fille est à toute extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive ». Jésus partit avec lui, mais en route, on lui annonce qu’elle est décédée. Alors, Jésus rassure le père : « Ne crains pas, crois seulement ». Paroles importantes d’encouragement à cet homme religieux qui doit encore augmenter sa foi. Arrivé à la maison, Jésus dit aux gens présents : « Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L’enfant n’est pas morte : elle dort ». Il fait sortir tout le monde qui se moquait de lui. Devant les parents et trois de ses apôtres, Jésus prend la main de l’enfant – et prononce cette parole « Talitha koum », ce qui signifiait « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! Alors, la fillette se réveilla de son sommeil de mort ». Instantanément, elle se mit à marcher. Pour marquer davantage sa résurrection, il « ordonna qu’on lui donne à manger ». Dans cet épisode, c’est encore par le toucher qu’il agit auprès de l’adolescente. Autre respect du corps et de la dimension incarnée des gestes et des paroles de Jésus.
Jésus se laisse toucher et changer
L’hémorroïsse
En route vers la maison de Jaïrus, la marche de Jésus est interrompue. Les évangiles de Matthieu, Marc et Luc relatent l’histoire « d’une femme souffrant de pertes de sang depuis douze ans ». Ayant vu plusieurs médecins et dépensé beaucoup d’argent, son mal avait empiré. Inguérissable, elle est mise au ban de la société du fait de son infirmité, signe d’impureté. Venue par derrière la foule, elle se tient à distance comme un paria, et veut s’approcher de Jésus pour le toucher : « Si je pouvais seulement toucher son vêtement, je serais sauvée » ; […] « Et aussitôt la source de son sang fut desséchée ; elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal ». Or, « Jésus sentit une force sortir de lui ; qui m’a touché ? » Et il regardait alentour pour voir qui avait fait cela. Or, la femme, prise de crainte et tremblante, sachant ce qui lui était advenu, vint et tomba à genoux devant lui. Il ne lui fait aucun reproche, Jésus lui dit : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal ». Cet accueil plein de compassion s’opère dans une relation filiale, intime et même secrète. Davantage que la santé, Jésus lui offre la paix et le salut ! Ne pourrait-on dire qu’elle s’est accordée elle-même sa guérison, grâce à sa foi, en s’approchant de Jésus et en le touchant. Ce miracle est « sanctionné » comme signe du salut arrivé pour la femme.
La fille de la Cananéenne
Jésus est assis à table avec ses disciples. Arrive une Cananéenne, une femme étrangère, d’un peuple de mauvaise notoriété. En précisant son origine païenne, Matthieu dénonce la séparation entre Israël et les Nations, entre Juifs et non-Juifs. Cette femme vient demander à Jésus de guérir sa fille, aux prises avec un démon impur. Jésus ne s’en occupe pas, il ne l’écoute même pas ! Il précise qu’il n’a été envoyé qu’aux enfants d’Israël ! Mais la femme insiste, elle reprend les cris des psalmistes : « Aie pitié de moi, Seigneur, Fils de David, ma fille est cruellement tourmentée par le démon ». Cette interpellation témoigne de sa foi. Après son silence, la réponse de Jésus est négative. Son indifférence aux souffrances d’une mère et de sa fille est incompréhensible. Mais la femme le supplie à nouveau. Et Jésus répond, l’excluant pour une troisième fois : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens ». Quelle insulte ! Serait-il venu seulement pour les Juifs de son époque ? Elle n’aurait donc pas le droit d’y prendre part ? Elle reprend : « Oui, Seigneur, mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres ». Quelle répartie, reprenant les mots mêmes de Jésus : « les petits chiens ». Elle ne veut pas participer à la table. Elle reconnaît son identité et celle de Jésus ! Celui-ci se laisse finalement toucher, retourner. Et cède : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! Et sa fille fut guérie ». Quelle conversion de Jésus qui s’ouvre à l’étrangère ! Quel déplacement il réalise ! Elle pourra désormais avoir part à la Vie et pas seulement à quelques miettes !
La pécheresse pardonnée
Une femme de la ville, probablement une prostituée, ayant appris la présence de Jésus pénètre dans la maison du pharisien Simon. Elle se tient derrière à ses pieds : elle pleure et arrose les pieds du Sauveur de ses larmes, puis les essuie avec ses cheveux, les couvre de baisers et les enduit d’un parfum précieux. Or, Simon, impitoyable, proteste en lui-même, prêt à condamner cette femme. Jésus, qui lit le fond des cœurs, devinant ses pensées négatives s’adresse à lui, le reprochant de ne pas avoir accompli les règles de l’hospitalité envers lui alors que la femme lui a lavé les pieds. « Simon, je te le dis : si ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, c’est à cause de son grand amour ». Jésus sait bien que cette femme a besoin de salut, de paix, de pardon. Il lui dit : « Tes péchés sont pardonnés ». Paroles d’accueil et de miséricorde ! Les invités s’interrogent alors sur le pouvoir de cet homme de pardonner les péchés. S’adressant à la femme, Jésus lui dit : « Ta foi t’a sauvée. Va en paix ! ». Encore une fois, Jésus reconnaît la puissance de la foi et l’audace de cette femme qui a bravé tous les interdits à cause de son grand amour !
Conclusion
Les guérisons de Jésus, telles que décrites dans les Évangiles, manifestent sa compassion envers les malades et sa puissance divine. Pour lui, guérir, relever, redonner de l’autonomie, de la fécondité c’est contribuer à la transformation des personnes souffrantes ou handicapées en communiquant le dessein bienveillant de Dieu. Pour Jésus, l’interaction est étroite et réelle entre la guérison des corps et la transformation spirituelle : il se préoccupe de la totalité de l’être humain. Les miracles qu’il réalise transmettent la paix intérieure et réconcilient la personne avec elle-même ; ils contribuent à sa libération, à sa divinisation (Mc 2,1-12).