Six femmes en action dans la Bible Images, récitatifs et réécritures

Six femmes en action dans la Bible
Images, récitatifs et réécritures

Jo Ann Lévesque, groupe Déborah de L’autre Parole

 

Pour la préparation du colloque de l’été 2024, le groupe Déborah, de la collective L’autre Parole, choisissait de préparer l’animation du segment « Réécritures », un événement charnière de notre rencontre annuelle. Cette activité consiste à réécrire quelques versets de la Bible en lien avec le thème choisi, sous l’influence d’une théologie féministe incarnée. Ces textes sont souvent lus à la célébration ou encore publiés dans notre revue.

Au sein du groupe, il y a eu une approbation unanime et rapide des six textes sélectionnés. Ces passages sont liés à six femmes s’étant particulièrement illustrées en amenant Jésus à une prise de conscience, à une ouverture nouvelle. Ces scènes sont les suivantes : Guérison de l’hémorroïsse, Guérison de la femme courbée, Déborah, Rahab, la prostituée qui sauve son peuple, La femme adultère, La Samaritaine.

Comme il s’agit d’une activité exigeante qui demande réflexion, le groupe a pensé mettre en images les scènes bibliques proposées pour en faciliter l’interprétation dans un contexte moderne. Les versets à réécrire ont été présentés aux participantes de façon tout à fait originale, à la lumière du processus de création de l’autrice, en une série de six œuvres composées de dessins (pastels et peinture) ou de photos[1]. À ces illustrations s’ajoute, pour trois de ces textes, l’expression de récitatifs bibliques[2] qui facilitent leur intégration. À la suite de ces descriptions, nous présentons, en retrait et italiques, un extrait de la réécriture qui en a découlé.

Une nouvelle icône de la postmodernité : la femme aux menstruations abondantes (Marc 5, 25-34).

Cette œuvre (reproduite en page couverture du présent numéro de la revue L’autre Parole) est une photo générée par trois autres prises à des temps distincts d’ouverture de l’obturateur, de plantes qui longent le mur du côté est du Musée canadien de l’histoire à Gatineau. La photo est manipulée avec le logiciel Photoshop. Elle illustre l’intérieur de l’abdomen d’une femme. J’y vois les deux yeux, le gros cil et le nez de Dieue qui insufflent par ses narines une énergie qui parcourt le corps de la femme en la guérissant possiblement d’un fibrome ou d’un cancer. Les plans racinaires prennent la forme de veines colorées, même fluo, dans lesquelles circule l’énergie divine réparatrice. C’est ainsi qu’est captée ou imaginée l’intimité de Dieue en action de guérison. Réalisée avec des plans racinaires, cette icône est vivante.

[Dans cette réécriture, la question de Jésus, « Qui m’a touché ? », a été répondue par plusieurs femmes.] « Moi aussi, je t’ai touché ! On m’interdit de lire l’Évangile pendant les célébrations et je ne peux pas faire d’homélie. Je ne puis faire que des commentaires ou des témoignages. Je me sens inférieure et non respectée. » […] En attendant les propos [de toutes ces femmes], Jésus est tremblant de colère. Il leur dit : « Mes sœurs, votre foi m’interpelle. Vous avez tellement raison ! Allez ébranler les colonnes du temple ! »

La femme courbée, guérie et libre (Luc 13, 10-17)

Ce diptyque (p. XX), genre photo-roman, illustre le parcours de guérison d’une femme dont le dos bossu la fait pencher, ce qui lui donne de sévères maux à la colonne vertébrale. Elle se présente humble, courbée. Par sa foi aux propos de Jésus, elle se redresse, regarde devant elle, marche, confiante qu’elle est aimée de Dieue. Cette confiance la fait se diriger vers de nouveaux horizons, en toute liberté, avec une grande assurance intérieure.

Jésus était en train d’enseigner dans une maisonnée le jour du Seigneur. Voici qu’il y avait là une femme sous l’emprise de son mari depuis 18 ans. Elle aurait voulu le quitter. Courbée, elle en était absolument incapable. Quand Jésus la vit, il fut remué dans ses entrailles. […] Alors, la femme posa son alliance sur la table en signe de libération. Elle se leva, fille de Sarah, femme sereine, remplie de la force de Christa.

Déborah (Juges 4, 4-9)

Cette photo (p. XX) a été prise dans le Bas-St-Laurent, à l’extérieur de la galerie d’art de Marcel Gagnon, à Sainte-Flavie. On y voit plusieurs personnages dans l’eau ou près de la rive. C’est à partir de cette représentation de personnages qu’est raconté en très peu de mots le résultat de la puissance de la mobilisation de Déborah, qui rassembla plusieurs armées pour le roi qui gagnera la guerre. Elle prédit et sera invitée à donner son opinion sur des situations sensibles au roi. Elle est juge des situations. Dans un autre contexte, cette image peut aussi évoquer un groupe de migrant∙es accueilli∙es sur la terre canadienne. Une œuvre qui symbolise la force de la capacité stimulante et tranquille des femmes en action vers un même but.

Les Québécois×ses se rendaient auprès de Déborah pour régler leurs litiges. Un jour, celle-ci envoie chercher M. François Legault et lui dit : « Voici ce
que te suggère Dieue : va recruter des milliers de personnes immigrantes provenant de pays francophones et accueille-les au poste frontalier de Lacolle. […] François répondit […] : « Si tu m’accompagnes, j’irai ; mais si tu ne viens pas avec moi, je n’irai pas de l’avant. » « Soit, lui répondit-elle, j’irai avec toi ; mais sache que ce n’est pas à toi que reviendra le succès des programmes publics que tu vas entreprendre, car c’est entre mes mains que Dieue rédigera des politiques sociales pour le bien de tous et toutes.

La prostituée qui protège les siens (Josué 6, 25)

Ce dessin (p. XX) a été exécuté avec des crayons pastel et de la peinture à l’huile. Il symbolise le corps d’une femme à qui l’on a coupé la tête, comme un refus d’entendre les femmes ordonnées dans l’Église. Celles-ci semblent condamnées au silence. Pourtant, l’être profond irradie de l’intérieur, exprimant une énergie tellement puissante qu’elle vient protéger les siens dans toute la ville. Personne ne peut porter ombrage à l’être de la femme, même pas l’Église avec son hérésie de concevoir que le prêtre peut se substituer aux deux sexes. Dans le contexte de la scène biblique, Rahab, la prostituée, sauvera son peuple. Il est cruel que l’Église actuelle ne pense qu’au pouvoir masculin pour diriger le monde. Même le pape François, qui aimait indéniablement les femmes, s’est entêté à les reléguer au silence, en particulier dans son entrevue à 60 Minutes, sur CBC.

En direct de Gaza, l’édile […] annonce que Josué Netanyahu laisse la vie sauve à Rahabe Arafat, la palestinienne, ainsi qu’à ses sœurs avec qui elle milite pour la défense des droits des travailleuses du sexe. Rappelons que ces femmes ont risqué leur vie en apportant soins, réconfort et dignité aux otages originaires d’Israël, dans la bande de Gaza. Devant ce geste de transgression plein d’humanité, Kamala Harris interrompit ce matin dès l’aube l’envoi d’armes en Israël. Un nouvel ordre mondial est né !

La femme pardonnée (Jean 7, 3-11)

Cette œuvre (p. XX) a été réalisée avec de jeunes diplômé∙es qui se sont prêté∙es à l’exercice de mimer un moment très particulier de la scène biblique de la femme adultère, accusée par des vieillards. Alors que Jésus se retrouve seul avec elle, il se penche pour être à son niveau. Il la regarde, sans jugement, elle qui est encore timide, mal à l’aise avec ce qui vient de se passer, et il l’amène à se lever, à le regarder en la libérant de toutes accusations humaines. La tendresse de Jésus est désarmante dans cette scène.

Avant d’entrer chez lui, en revenant de voyage, François est abordé par son voisin qui lui dit avoir vu sa femme recevoir un homme de nuit, et ce, à plusieurs reprises. Il entre chez lui et, fou de rage, apostrophe sa femme en l’accusant d’adultère. […] Mais, oh miracle, la famille incite plutôt François à réfléchir à sa propre situation et invite le couple à la réconciliation.

La Samaritaine (Jean 4, 4-26)

Cette photo (p. XX), prise avec les mêmes jeunes personnages, illustre un moment où Jésus demande de l’eau à la Samaritaine. Elle est renversée par ce que Jésus vient de lui dire concernant ses nombreux maris et lui tend un verre d’eau pour qu’il étanche sa soif. Il aurait peut-être été intéressant de photographier la femme qui lui tend le verre et lui se versant lui-même de l’eau. Qu’importe les versions, le non-jugement, l’accueil comblant de Jésus métamorphose cette femme qui court ensuite vers son village avec le cœur excité de joie de se savoir véritablement aimée.

Conclusion

En bref, l’ensemble de cette conception d’images a servi à illustrer des moments intimes démontrant l’infinie bonté de Jésus à l’égard des femmes. Ces œuvres ainsi que les récitatifs bibliques présentant les textes se voulaient des amorces artistiques pour inspirer les participantes au colloque à produire leurs propres réécritures en petits groupes. Sans le savoir, l’autrice a utilisé une méthode ignacienne pour s’approcher des écrits de la Parole : une façon qui permet de s’introduire dans les scènes bibliques et de se laisser interpeller par elles. La conception des scènes a été une entreprise périlleuse, car elle exige un message clair à transmettre à partir de périscopes qui ont été conçus pour les premières communautés chrétiennes. Il y a toujours un risque de mauvaises interprétations. Cette méthodologie d’approche des écrits illustrés par des dessins et photos n’est pas des plus courantes, mais, pour l’autrice, elle demeurera une façon exemplaire de comprendre comment les écrits demeurent toujours aussi actuels. Elle permet de développer de nouvelles réinterprétations imagées des scènes bibliques dans le monde d’aujourd’hui.

[1] Ces œuvres illustrent le numéro, la page où elles se trouvent est inscrite entre parenthèses.

[2] Le récitatif biblique est une discipline qui allie la dimension corporelle et spirituelle de la personne en l’enracinant dans la tradition orale de la Bible (cf. dhttps://ecdq.org/decouvrir-les-recitatifs-bibliques/)