Liminaire
Le présent numéro est la suite du numéro 164, qui relatait le premier Synode des femmes d’octobre 2023. Alors que le numéro précédent se concentrait sur un seul événement, celui-ci offre une suite plus hétéroclite d’articles inspirés des diverses rencontres qui ont eu lieu depuis l’automne 2023. Il convient de les nommer ici, en ordre chronologique. D’abord, peu de temps après le premier Synode des femmes de 2023, un colloque organisé par le groupe Femmes, Politique et Démocratie, en collaboration de Femmes et Ministères et la collective L’autre Parole, a eu lieu à Québec le 8 décembre 2023. Intitulé Femmes et gouvernance : des rapports à changer entre l’État et l’Église ?, ce colloque s’intéressait aux relations entre l’État québécois et l’Église catholique, ainsi qu’aux conséquences de cette collaboration sur la vie des femmes d’ici et d’ailleurs dans le monde. En septembre 2024, L’autre Parole a organisé un deuxième Synode des femmes, qui s’est tenu cette fois-ci avant la tenue du deuxième synode romain. Cela nous a permis d’y inviter les délégué·es qui devaient s’envoler pour Rome quelques semaines plus tard, pour discuter de nos attentes et leur montrer notre soutien. Trois délégué·es se sont présenté·es à cette rencontre, qui a regroupé une soixantaine de personnes. Elle et ils nous ont d’ailleurs remercié·es pour l’énergie que cette rencontre leur avait insufflée pour affronter un mois d’octobre qui s’annonçait, une fois de plus, exigeant. Tous ces événements seront évoqués au cours de ce numéro 165, qui comporte trois parties.
La première raconte ce deuxième Synode des femmes qui s’est tenu à Montréal, le 7 septembre 2024. La question des femmes y occupait évidemment une grande place, mais Christine Lemaire nous explique que les circonstances ont voulu qu’il faille élargir le débat. On y a discuté de la question de la « coresponsabilité » des baptisé·es dans l’Église. L’autrice rend compte des discussions où les convergences se sont avérées beaucoup plus nombreuses et fécondes que les divergences. Sabrina Di Matteo, qui a participé activement à cette même rencontre, fait part de ses propres réflexions, en se demandant notamment si nous ne prendrions pas la question à l’envers, en nous concentrant sur les effectifs plutôt que sur les besoins d’une Église pour le XXIe siècle. Suit, dans cette partie, un texte de Pauline Jacob portant sur l’accession des femmes aux ministères ordonnés, propos qu’elle avait livrés à titre d’experte de cette question. Enfin, Johanne Carpentier et Carmina Tremblay racontent une célébration où les participant·es se sont rassemblé·es autour des délégué·es pour un rituel de bénédiction et d’envoi fort émouvant.
Dans une deuxième partie, c’est le synode romain lui-même qui est mis sous la loupe. D’abord, dans un texte émanant d’une allocution prononcée au colloque du 8 décembre 2023 tenu à Québec, Marie-Andrée Roy explique à un public qui n’est pas expert dans ce type de décorum, comment devaient se dérouler les deux rencontres romaines. Elle décrit le processus en question et s’interroge sur ses forces, qui suscitent l’espoir, et sur ses faiblesses, qui la portent à croire que le temps n’est pas encore à la célébration victorieuse des laïques dans l’ensemble et des femmes en particulier. Nous vous présentons ensuite deux entrevues qui gagneront à être lues ensemble, puisqu’il s’agit de rencontres avec Catherine Clifford, déléguée au synode. La première a eu lieu le 14 octobre 2023 ; la professeure avait alors profité d’une pause dans une journée chargée de délibérations pour s’adresser, grâce à la magie du Web, à l’assemblée du Synode des femmes réunie à Montréal. La deuxième entrevue, plus récente, porte sur la deuxième session du synode à Rome en octobre 2024. Catherine Clifford y traite de son élection à titre de membre de la commission de rédaction du document final du synode. La lectrice ou le lecteur pourra mesurer le temps écoulé entre les deux entretiens, les conclusions encourageantes à tirer de l’expérience de la déléguée ainsi que certaines déconvenues frustrantes. Cette partie se clôt sur des extraits des lettres que Marie-Andrée Roy a adressées à ses ami·es québécois·es en octobre 2024, alors qu’elle suivait à Rome hors les murs la deuxième session du synode, à titre de militante féministe. Soulignons que vous pourrez lire l’intégralité de ces lettres sur le site Web de L’autre Parole.
Une troisième partie présente des textes qui sont issus de l’événement le plus ancien, à savoir le Synode des femmes de Montréal d’octobre 2023. Deux femmes plus jeunes que la moyenne, pratiquantes dans l’Église québécoise, Joëlle Anna St-Arnaud et Shannon Lise Johnson, y expriment leurs grandes réticences à se dire encore de l’Église. Ces textes, les membres du comité de rédaction auraient souhaité qu’ils fassent l’objet de l’écoute que nous avait promis le pape François à l’origine de ce synode. Malheureusement, nous sommes bien forcées de conclure que les questions qu’ils soulèvent et les blessures qu’ils évoquent n’auront pas trouvé d’écho au cours de cet immense processus de consultation synodale. Il est permis de douter que le rapport attendu dans les suites du synode romain de la commission sur la question des femmes, présidée par le cardinal Fernández, préfet du dicastère pour la doctrine de la foi, améliore quoi que ce soit à ce triste constat.
Si bien qu’avec notre chroniqueuse Martine Lacroix, nous pourrons encore nous demander : mais… où sont les femmes ?
Christine Lemaire
pour le comité de rédaction