Marie-Madeleine

Marie-Madeleine

 

Je vous reviens de l’infiniment loin dans le temps et l’espace pour vous révéler ma peine d’avoir été passée sous silence dans l’histoire de mon amour…

 

Les hommes d’Églises ont mis beaucoup d’emphase sur la relation que Jésus a eue avec Marie, sa mère, et s’ils ont beaucoup valorisé cette relation, c’est qu’elle ne pouvait être sexuée !

 

Jésus et Marie ont été tous deux, a-sexués, dé-sexués pour justifier, motiver, sous-tendre le mépris et souvent la haine que les philosophes et les Pères de l’Églises entretenaient face au corps, cette partie de leur être qui pèse sur le sol et qui, par là, se trouve indigne, comme si l’esprit pouvait s’élever seul sans d’abord habiter un corps, comme si corps et esprit étaient deux entités détachées-détachables, comme si l’être humain n’était pas tout à la fois corps et esprit.

 

Les Écritures et la Tradition ne disant mot de la vie de Jésus, être sexué, moi-femme, je n’apparais que dans sa suite, on ne dit rien de nous, rien de notre histoire d’amour, d’ailleurs qui d’autre aurait pu l’écrire que lui ou moi ? Mais lui, il n’a pas écrit et mon texte à moi n’a pas été retenu : j’étais femme !

 

Me voici aujourd’hui : je veux rendre justice à mon histoire d’amour, lui rendre son historicité.

 

La première fois, j’étais dans une foule, un homme parlait de blé, de semence, de pain et d’eau vive, j’écoutais, je buvais les paroles de cet homme nouveau, comme je l’aimais déjà. Son regard s’est posé sur moi, m’a enveloppée et j’ai souri, » » II a parlé longtemps, puis il s’est retiré et j’étais là aussi : nous nous sommes parlé, compris, aimés…

 

Comme il était bon, chaque fois, d’être avec lui, de l’aimer et de me sentir aimée ; comme il était bon d’être ensemble, de regarder le jour sortir de son lit, de sentir la Création si belle tout autour de nous, d’écouter ensemble le même silence, d’être la à ses côtés, de sentir le contact qu’il avait avec son propre corps, le respect qu’il avait de lui-même et en l’Autre. Comme je l’aimais, comme il m’aimait aussi…

 

Bien sûr, il n’y a pas eu que nos beaux jours, les temps plus graves sont venus aussi : j’avais mal d’un mal étrange, je sentais mon amour couler, j’avais peur et lui aussi, comme nous étions proches !

 

En ces jours-là, il fut arrêté, jugé, condamné et je ne pouvais rien ; je les ai vus le charger de ce bois, je l’ai vu, lui, marcher écrasé sous le poids de tant de haine et même mon amour était impuissant à diminuer sa peine… Je les ai vus le crucifier, l’insulter, l’injurier et leurs rires grotesques blessaient jusqu’à l’âme… Je l’ai vu avoir soif et demander à boire, et j’ai frémi de sentir le vinaigre dans sa bouche asséchée et j’ai pleuré d’entendre leurs rires ; puis, il a abandonné la lutte et je suis morte avec lui. en même temps que lui…

 

Il pleuvait, le ciel était sombre et pesant, déchiré par des éclairs et moi, j’étais là un peu a l’écart, je voulais rester là tant qu’il y serait encore, je ne voulais pas le quitter, pas maintenant… puis j’ai vu un homme s’approcher, enlever Jésus de la croix et, j’ai rêvé d’être celui-là pour accueillir moi-même, dans mes bras, son corps encore tiède, l’envelopper d’un linceul, le déposer au tombeau et caresser ses cheveux, une dernière fois…

 

Après que l’homme eut roulé la pierre, je suis partie doucement ; comme à regret, j’ai marché jusqu’où nous dormions quelques fois et là, j’ai compris, j’ai su qu’il n’était pas mort, pas vraiment… je suis retournée au tombeau ; la pierre avait bougé, Jésus n’y était plus, je le savais…

J’ai levé les yeux et dans l’homme extra-ordinaire qui venait vers mol, j’ai reconnu Jésus-Ressuscité…

En toute féminitude,

Sherbrooke                                                                              Marie-Madeleine