A PROPOS DES PAPES

A PROPOS DES PAPES

A l’occasion de la mort du pape Paul VI, Michèle Beaudin, dans un article du journal Le Monde paru le 26 août 1978, pose la question suivante :

« L’Eglise a perdu les Chinois au dix-septième siècle ; les ouvriers au dix-neuvième. Perdra-t-elle les femmes au vingtième ? »

L’auteur rappelle que :

« Pie XII a fait à chaque fois, au cours de son pontificat, trois pas en arrière lorsqu’il s’était hasardé à  en faire un en avant. Proclame-t-il Thérèse d’Avila et Catherine de Sienne docteurs de 1’Eglise ? Il s’empresse, dans une allocution qui suit cette décision relativement audacieuse de rappeler que les femmes doivent se taire dans l’Eglise. »

Puis l’auteur ajoute que :

« l’encyclique « Hurnanae Vitae », où Paul VI choisissant l’avis de la minorité de la commission théologique contre la majorité de ses membres, interdit aux catholiques les pratiques non naturelles de contraception, imposant ainsi aux femmes la soumission à  une nature obscure et mal définie mais présentée comme expression de la volonté divine, une sorte de fatalité sacralisée. »

« Dans les dernières années du pontificat, une commission d’études sur les femmes dans l’Eglise est constituée sur l’ordre de Paul VI, mais le pape définit d’avance les limites de sa recherche, excluant de celle-ci toute réflexion sur l’éventualité d’ordonner des femmes. »

« En janvier dernier, la Congrégation pour la doctrine de la foi publie une déclaration sur la question de l’admission des femmes au sacerdoce ministériel dans laquelle les autorités religieuses, se retranchant, par l’impossibilité d’user d’arguments théologiques derrière une pratique disciplinaire et juridique constante refusent d’envisager toute évolution dans ce domaine. »

« En mars 1974, le pape donnait à l’Eglise une longue exhortation apostolique sur le culte de la Vierge Marie où une inquiétante anthropologie de la féminité se dessine .•.••• » comme celle-ci.

« Soyez bien sages et vertueuses, faites beaucoup de bonnes oeuvres et vous serez des reines comme Marie : Voilà le conseil moralisant, dans le style dont on est bien obligé de reconnaître le caractère mièvre et stéréotypé, que le pape donne aux femmes qui interpellent l’Eglise de façon de plus en plus pressante. Comment ne pas être inquiet d’un tel décalage entre la demande et la réponse, qui laisse prévoir, avec l’évolution de l’histoire, un véritable dialogue de sourds ?

Que les responsables de l’Eglise cessent enfin d’idéaliser sentimentalement la Femme tout en marginalisant les femmes ; qu’ils cessent de les considérer seulement à travers la virginité consacrée ou la maternité, présentée en elle-même comme un absolu ; qu’ils cessent de les traiter comme des enfants, avec ce paternalisme ecclésiastique si contraire à l’évangile (« N’appelez personne père car vous n’avez qu’un seul père, qui est dans les cieux ») ; qu’ils sachent voir aussi en elles des compagnes et des soeurs, témoignant ainsi de la révélation que le Christ nous a apportée, de la fraternité fondamentale de tous les êtres humains.

Comment, en effet ne pas être effarées, ajouterons-nous, devant cet écart constant entre les aspirations de plus en plus affirmées des femmes dans des pays où l’Eglise catholique recrute quand même une bonne part de sa clientèle et la pratique ainsi que le discours de la hiérarchie ecclésiale ? Cet écart devrait stimuler toutes les catholiques à réfléchir sur le grand scandale de l’image de la femme dans l’Eglise ; de la place qu’on lui a faite et du rôle qu’on lui attribue, autant dans l’histoire. l’exégèse, les constitutions, la pratique et le discours de l’Eglise.

L’écart est si grand entre les femmes dans leur réalité quotidienne et le pouvoir dans l’Eglise—à ce que je sache, il n’y a pas une seule femme cardinale et ce sont uniquement les cardinaux qui élisent le pape—-que nous pouvons prendre notre temps pour questionner l’Institution médiatrice entre notre Dieu et nos préoccupations spirituelles, pour savoir si c’est Elle qui va nous perdre ou si ce ne sera pas plutôt nous qui redorerons son blason en réécrivant le discours théologique au féminin. Ce faisant, on pourrait redéfinir les structures et . le fonctionnement d’une Eglise qui oublie, dans sa pratique et d’une façon proportionnellement  inverse à  son discours, les opprimés pour la lutte desquels elle a pourtant été fondée : les chinois ….qui se sont sauvés eux-mêmes .•••.les ouvriers .•••qui n’ont pas encore tous renoncés.•…•et les femmes ……qui partent en campagne.

Judith Dufour Vaillancourt