Brèves, octobre 2018

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Le testament de Marie

Le 17 juin dernier, à l’Église anglicane de Saint-Paul-d’Abbotsford, une quarantaine de personnes, assistait à la représentation de la pièce Le Testament de Marie, tirée d’un court roman du même nom, de l’Irlandais Colm Toibin. Interprétée par la comédienne québécoise Marie Tifo, cette Marie ne ressemble en rien aux Évangiles et à la tradition chrétienne.
Marie, qui s’est retirée à Éphèse depuis la mort de son fils, est traquée par deux évangélistes en quête d’anecdotes conformes à leur vision des faits. Ils dressent de son fils un portrait dans lequel elle ne le reconnaît pas et veulent bâtir autour de sa crucifixion une légende qu’elle refuse. Marie désapprouve ce que son fils a fait, ce qu’il est devenu, elle est scandalisée quand il déclare être le fils de Dieu. Cette mère souffrante voudrait revivre les moments lorsqu’il était petit, en famille. Elle raconte sa crucifixion, ne comprend pas comment elle a pu rester là, sans bouger à contempler cette horreur. Elle a honte d’être partie avant la fin, de s’être sauvée puis cachée avec Marie Madeleine. « Nous avons rêvé que mon fils était vivant et il y en a qui ont commencé à croire que notre rêve était réalité ».

Point de vue original sur une femme habituellement muette, l’auteur s’attarde à déconstruire « l’hypertrophie mariale » qui a enflé à travers les siècles. Jouée dans plusieurs villes, la pièce a fait scandale à New-York en 2013, où elle est retirée après deux semaines, sous la pression de catholiques outrés. (L.D.)

Sources :
Colm Toibin, Le testament de Marie, Paris, Éditions Robert Laffont, 2015.
Odile Tremblay, « Sous la voix de Marie », Le Devoir, 9-10 juin 2018, p. 5.
www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Le-Testament-de-Marie-un-contreEvangile-2017-05-11-1200846240
https://www.babelio.com/livres/Toibin-Le-Testament-de-Marie/754002

Lancement de l’ouvrage Une bible des femmes

Le 25 octobre 2018 à 17 h, à la Librairie Paulines de Montréal, aura lieu le lancement d’un ouvrage très attendu, Une Bible des femmes. Cette entreprise de réécriture de la Bible au XXIe par des femmes a été réalisée par une vingtaine de théologiennes, protestantes et catholiques francophones (européennes, africaines et québécoises), et co-dirigée par trois d’entre elles dont Pierrette Daviau, membre de L’autre Parole.

Cet ouvrage, dont le sous-titre est « Vingt théologiennes relisent des textes controversés », présente treize chapitres portant chacun sur des aspects impliquant des femmes dans la Bible, autant l’Ancien que le Nouveau Testament : visages féminins de Dieu, la thématique du corps de la femme, Marthe et Marie, courage des femmes, les étrangères, la violence, la subordination, la beauté, la fécondité, la maternité etc.

Lors du lancement, une conférence réunira cinq des vingt auteures : Pierrette Daviau, Isabelle Lemelin, Anne Létourneau, Lauren Michelle Levesque et Diane R. Marleau. Pour consulter l’invitation sur le site de la Librairie Paulines : http://librairies.paulines.qc.ca/librairie-de-montreal/activites-montreal/452-une-bible-des-femmes-lancement-conference. Bienvenues à toutes ! (N.L.)

Une recension sera publiée dans un prochain numéro de la revue L’autre Parole.

Se souvenir de …

L’autre Parole a le souci de valoriser les écrits de théologiennes féministes québécoises. À partir de cette impulsion, il est possible de porter attention à la contribution des théologiennes à l’échelle internationale. Certaines sont explicitement féministes, d’autres contribuent à briser des « plafonds de verre » : en tant que pionnières ou encore, par leur présence et la qualité de leur travail, en augmentant la représentativité des femmes dans les institutions académiques. Cette série vise à découvrir leur parcours et leurs réalisations.

… la théologienne féministe Beverly W. Harrison

Beverly W. Harrison a effectué des études doctorales en éthique à New York, à l’Union Theological Seminary. En 1968, elle devient professeure d’éthique chrétienne, et première femme permanente dans un champ d’élite de la théologie. Elle sera aussi la première femme présidente de la Society for Christian Ethics en 1983, alors que la présence des femmes dans le domaine est estimé à seulement 5%. En 1983, Harrison ose affirmer que le libre choix des femmes d’avoir des enfants est vital pour une société véritablement morale, ce qui est révélateur de sa capacité à réfléchir aux enjeux sociaux qui touchent particulièrement la vie et la santé des femmes.
L’intention de cette éthicienne : s’attarder à la biographie intellectuelle de collègues féministes peut être une forme d’activisme discursif contre la marginalisation, ou même une forme potentielle de confinement du discours féministe en éthique contemporaine chrétienne. Sur le site LGBT-RAN, Il est possible de découvrir le parcours intellectuel de Harrison, ses principales publications, ses engagements dans des associations, ses implications dans des projets communautaires et également dans la sphère politique. Très impressionnant. (M.D.)

Sources :
Beverly W. Harisson, « Our Right to Choose : Toward a New Ethic of Abortion »,1983, Boston, Beacon Press.
C. Melissa Snarr, « A New Discipline? Beverly Harrison and « Malestream » Christian Ethics », dans Journal of the Society of Christian Ethics, vol. 25, n. 2 (Fall/Winter 2005), p. 79-94.
Profile – Dr. Beverly Wildung Harrison https://www.lgbtran.org/Profile.aspx?ID=350

Nancy Huston interpelle le pape François

Les révélations concernant des prêtes ayant commis des abus et agressions sexuelles sur des mineurs en Pennsylvanie, Australie, Allemagne, Irlande, Pays-Bas mais aussi au Québec et au Canada, secouent l’Église catholique. Partout le même système qui a permis à des prêtres abuseurs de faire des dizaines de milliers de victimes avec la complicité de la hiérarchie ecclésiastique, leur permettant ainsi de récidiver ailleurs, plus loin. Dans une lettre adressée au pape François, l’écrivaine Nancy Huston mentionne que les prières, les excuses et les demandes de pardon ne suffiront pas à enrayer ce fléau. Selon elle, le vrai problème n’est ni la pédophilie, ni la perversion, mais le célibat des prêtres, érigé en dogme, pour des raisons plus ou moins avouables.

« Le problème, c’est que l’on demande à des individus normaux une chose anormale. C’est l’Église qui est « perverse » dans son refus de reconnaître l’importance de la sexualité et les conséquences désastreuses de son refoulement. […] La preuve a été refaite et refaite. Le célibat obligatoire des prêtres ne marche pas ». Dans cette lettre, elle invite le pape à faire preuve de courage et à lever l’injonction du célibat des prêtres « afin de protéger d’innombrables enfants, adolescents, hommes et femmes à travers le monde. […] Il est criminel de tergiverser alors que partout où il sévit, le massacre continue. » (L.D.)

Sources :
Nancy Huston, « Ce n’est pas un sacre mais un massacre », Le Devoir , 22 août 2018.
https://www.ledevoir.com/opinion/idees/534990/ce-n-est-pas-un-sacre-c-est-un-massacre
Aussi :
Sabrina Di Matteo, « Sans taire ma sainte colère », Présence-information religieuse, 17 août 2018
http://presence-info.ca/article/sans-taire-ma-sainte-colere
https://www.ledevoir.com/societe/537385/le-calvaire-de-l-eglise
https://www.ledevoir.com/opinion/editoriaux/534609/pretres-abuseurs-l-abime

Le droit à l’avortement : des reculs et des échecs

Au Guatemala, les organisations féministes préconisent le retrait d’un projet de loi qui permettait d’autoriser les avortements pour les adolescentes victimes de viol dans les 12 premières semaines de gestation. Face à la forte mobilisation des Églises catholiques et protestantes contre le projet de loi, les féministes ont jugé préférables de concentrer leurs efforts pour empêcher l’adoption d’un projet de loi « Pour la défense de la vie et de la famille » qui irait jusqu’à criminaliser les avortements spontanés et jeter en prison les femmes victimes de fausses-couches, soit entre 15 et 20 % des grossesses au Guatemala. Son adoption représenterait un recul historique.

En Argentine, à l’aube du 9 août 2018, le Sénat a rejeté par 38 voix contre 31, le projet de loi visant à légaliser l’avortement pendant les 14 premières semaines de grossesse. Bien qu’il ait été adopté par la Chambre des députés en juin, le projet de loi a fait face à une forte opposition et mobilisation de l’Église catholique. Patrie du pape François, celui-ci avait adressé une lettre aux Argentins les invitants à rejeter cette loi. (L.D.)

Sources :
https://www.lesoleil.com/actualite/monde/avortement-recul-des-feministes-au-guatemala-face-aux-eglises-47ca662b2100a4f61d2669e9111b4720
https://www.ledevoir.com/monde/ameriques/534159/argentine-avortement
https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2018/08/08/argentine-le-projet-de-legalisation-de-l-ivg-est-le-fruit-d-un-long-travail-militant_5340473_3222.html

Margaret Atwood soutient la lutte des Argentines

Dans un texte intitulé « Slave State » et publié dans le quotidien argentin, Uno Santa Fe, l’écrivaine Margaret Atwood prend position en faveur des Argentines. Elle écrit : « Les femmes qui ne peuvent pas décider si elles veulent des enfants ou non sont des esclaves, car l’État revendique la propriété de leur corps et le droit de décider de l’usage qui doit en être fait. Un enfant est un cadeau, donné par la vie elle-même. Mais un cadeau doit être librement donné et reçu. Il peut aussi être rejeté. Un cadeau qui ne peut être rejeté n’est pas un cadeau mais un symbole de tyrannie. […] Impose les naissances si tu le souhaites, Argentine, mais désigne au moins cette obligation par son nom. C’est de l’esclavage. »

Margaret Atwood est l’auteure de La servante écarlate, un roman qui a inspiré la série culte du même nom, devenu un symbole fort pour toutes les femmes à travers le monde. Dans cette série, qui connaît un succès remarquable en Argentine, les femmes sont privées de leurs droits et considérées uniquement comme des reproductrices. (L.D.)

Sources :
https://www.marieclaire.fr/la-tribune-de-margaret-atwood-pour-la-legalisation-de-l-avortement-en-argentine,1272023.asp

Des pionnières oubliées

Un récent sondage Léger réalisé en juillet 2018 nous apprend que 86 % des Québécois et Québécoises considère que l’avortement devrait être légal partout dans le monde alors que ce pourcentage n’est que de 53 % dans les provinces de l’Atlantique. Pourtant, il existe encore une sorte de honte à mentionner la contribution exceptionnelle de certaines femmes à la lutte québécoise pour le droit à l’avortement. Sinon comment expliquer que les nombreux hommages rendus à Lise Payette à l’occasion de son décès passent sous silence son rôle majeur sans cette lutte, ses prises de positions publiques à la fin des années soixante, sa participation à la mise sur pied du Comité de défense du Dr Morgentaler en 1973. En août, décédait la Dre Jeanne Saint-Amour, qui défia le gouvernement et commença, avec des médecins et infirmières de cinq CLSC, à pratiquer des avortements illégaux au Centre de santé des femmes (CSF) de Montréal en 1981. Qui connaissait cette pionnière ? Seul, un court texte du CSF de Montréal a souligné son engagement concret et indéfectible, sa solidarité envers les femmes. (L.D.)

Sources :
https://quebec.huffingtonpost.ca/2018/08/24/avortement-sondage-leger_a_23508883/
http://www.csfmontreal.qc.ca/wp/nouvelles/conference/

L’empreinte de Jeanne Saint-Amour sur l’accès à l’avortement au Québec

Le Rwanda, champion de la parité

Les femmes sont majoritaires au Parlement du Rwanda

Le 1er octobre prochain, la population du Québec est appelée aux urnes pour élire les députés et députées qui siègeront à l’Assemblée nationale. Les Rwandaises devraient nous inspirer. En effet, avec plus de 61 % de femmes à la Chambre des députés, le Rwanda arrive en tête du classement mondial, et ce, depuis 2008. La nouvelle Constitution (2003) du pays inscrit comme principe fondamental l’égalité hommes-femmes « avec l’attribution d’au moins 30 % des postes aux femmes dans les instances de prise de décision de l’État ».

Au Québec, au moment de la fermeture des mises en candidatures, le taux de candidatures féminines est passé de 29,6 % à 40 % entre 2014 et 2018, si bien que la zone paritaire est atteinte pour la première fois lors d’élections générales. Selon les partis politiques, le nombre de candidatures sur les 125 sièges à élire, se décline ainsi : Québec solidaire (QS), 66, Coalition avenir Québec (CAQ), 65, Parti libéral du Québec (PLQ), 55, Parti québécois(PQ),51. Combien d’entre elles seront élues le 1er octobre ? Les paris sont ouverts. (L.D.)

Sources :
http://geopolis.francetvinfo.fr/8mars2018-au-rwanda-les-femmes-sont-majoritaires-au-parlement-181629
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1124144/nombre-record-candidatures-feminines-quebec
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1123977/parite-femmes-assemblee-nationale-quotas-quebec-candidates-caq-francois-legault-laporte

Lectures inspirantes
Parler vrai -Manon Massé

Pour aller au-delà des images stéréotypées de la majorité des articles dans nos médias, pour découvrir qui était Manon Massé avant d’être un personnage public, aspirante première ministre du Québec, co-porte-parole d’un parti politique, il faut plonger dans ce récit qui présente quelques-uns des événements importants qui ont façonné qui elle est aujourd’hui.
C’est auprès de sa mère, dans la solidarité familiale auprès de ses tantes, qu’elle a pris conscience de la pauvreté, de la violence conjugale et plus particulièrement, des défis qui attendent les femmes monoparentales. En étudiant la théologie à l’université et plus particulièrement Matthieu 25,35-36 et 25,40, elle a eu « une illumination : mon chemin, il n’est pas en théologie, il est avec le monde, le monde des exclus. Ce monde, il a faim, il a soif, et il ne vit pas de miracles, sinon ceux qui se produisent avec peu de moyens dans les quartiers populaires de Montréal, que je vais apprendre à connaître en plongeant tête la première dans ma première vraie job [sic] : animatrice au Comité social Centre-Sud…» (p. 39) (M.H.)

Sources :
Manon Massé, Parler vrai, Montréal, Éditions Écosociété, 2018, 172 pages.
https://www.ledevoir.com/lire/528526/essai-quebecois

Journal d’Irlande – Benoîte Groult

Entre1977 et 2003, Benoîte Groult, l’auteure du célèbre Ainsi-soit-elle, a passé vingt-trois moments estivaux et printaniers en Irlande. Elle y tenait quotidiennement des carnets de pêche et un journal intime. Elle aimait, tout comme son conjoint, la pêche qui y était quasi miraculeuse. L’activité physique déployée après tous ces mois assise à écrire la charmait. Le manque de soleil, le froid et les vents du mois d’août ne la perturbaient pas. Cette quatrième maison qu’elle et son conjoint ont fait construire accueillait outre la famille immédiate et élargie, les ami.e.s ou collaborateurs et collaboratrices et, l’amant de madame Groult quand tout ce beau monde repartait. Le mari était absent, mais donnait son accord.

Le vieillissement tient une grande part dans ce livre et cette féministe de la première heure revient régulièrement sur les moyens mis en marche pour contrer ses effets qu’elle trouve néfastes. Bientôt sur notre site : une recension où il sera question des réflexions sur Kurt, l’amant, Paul le mari, l’écriture, la solitude et le soleil. (M.H.)

Sources :
Benoîte Groult, Journal d’Irlande — Carnets de pêche et d’amour1977-2003 — Texte établi et préface par Blandine de Caunes, Grasset, 2018, 430 pages.
À voir absolument : Quand les pouvoirs s’emmêlent
Lise Payette, Françoise David et Micheline Dumont l’ont répété, preuves à l’appui : les luttes des femmes ne sont jamais gagnées. La vigilance est indispensable car les reculs sont toujours possibles, surtout en temps de crise. Mais de nombreuses femmes font aujourd’hui une douloureuse prise de conscience : rien n’est acquis. De la Tunisie au Québec, en passant par la France et les États-Unis, le comédien Vincent Gratton va à la rencontre de militantes, d’intellectuelles, de politiciennes « inquiètes devant les reculs et les attaques causées par cette alliance sournoise entre le religieux (et pas seulement musulmane) et le politique ».

Le documentaire Quand les pouvoirs s’emmêlent « pose un regard critique sur les liens ambigus qu’entretiennent la religion et la politique au détriment des libertés des femmes à travers le monde. La question fondamentale qu’aborde le film est la fragilité des droits des femmes dans notre monde moderne. Le documentaire explore l’importance de la laïcité dans notre société et l’évoque comme une solution possible à l’égalité des droits entre tous les individus ». Réalisé par Yvonne Dufour et co-produit par Louise Déry et Michèle Grondin, le documentaire sort en salle le vendredi le 5 octobre 2018, notamment au cinéma Beaubien. (L.D.)

Sources :
André Lavoie, « Le féminisme sous toutes les latitudes », Le Devoir, 29-30 septembre 2018.
http://www.envedette.ca/stars/cinema/la-bande-annonce-de-quand-les-pouvoirs-s-emmelent-avec-vincent-graton-devoilee-1.7494736
http://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/premiere-heure/segments/entrevue/88650/quand-pouvoir-emmelent-droit-femme-graton-defour

Les Brèves est une publication de la collective L’autre Parole.

Comité de rédaction : Louise Desmarais, Jo Ann Lévesque, Mireille D’Astous
Rédactrices : Mireille D’Astous, Louise Desmarais, Nancy Labonté, Monique Hamelin
Révision linguistique : Louise Desmarais, Mireille D’Astous
Édimestre : Nancy Labonté

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