CÉLÉBRATION SUR LE TEMPS REGARDS FÉMINISTES ET SPIRITUELS

CÉLÉBRATION SUR LE TEMPS REGARDS FÉMINISTES ET SPIRITUELS

Le groupe Vasthi

ACCUEIL

Au son de l’antiphone O quam mirabilis (Tiré des Vêpres à l’Abbaye de Sainte-Hildegarde, composition par Hildegarde de Bingen, no9), les femmes sont invitées à s’assoir autour d’une grande table remplie de victuailles.

Les deux célébrantes accueillent les femmes. Elles animent en alternance la célébration.

PAROLES D’ACCLAMATION

Célébrante 1

Il était une fois le temps des femmes vu par les femmes.

OUVERTURE

Célébrante 2

Nous avons établi qu’il faut observer le temps.

Nous avons appris que la rencontre de Dieue se fait dans le présent.

Nous avons compris la radicale importance du présent.

Nous avons compris la radicale nécessité de l’ouverture à l’avenir.

Il faut comprendre le temps qui n’est pas seulement linéaire. Ainsi, il y a le temps mosaïque et le temps écosystème,

Le temps maillon et le temps panoramique,

Le temps multiple qui traverse nos vies.

Il y a le temps qui nous pèse et ce que nous voulons en faire,

Il y a le temps des ruptures,

Il y a le temps des aspirations à la transformation,

Il y a le temps de la prise de parole.

Comme nous l’avons vu hier, Nous ne voulons plus du temps patriarcal. Nous ne voulons plus du temps des femmes défini par les hommes.

LECTURE

Trois femmes lisent en alternance l’actualisation de La femme parfaite2 (2. D’après Proverbe 31,10-31)  vu par les hommes et chaque strophe est ponctuée d’un coup de gong.

La femme parfaite, tout homme en rêve,

Mais quel homme la trouvera ? Son mari peut lui faire confiance, elle prend tout en charge. Les femmes de l’assemblée répondent : Heureux homme !

Elle est debout quand il fait encore nuit.

Tandis que la maisonnée s’éveille,

Le lavage est terminé, les lunchs et le déjeuner sont préparés.

Sa marche rapide terminée, elle conduit les enfants à l’école.

Les femmes de l’assemblée répondent : Heureux homme !

Au travail, elle fait la joie de ses patrons, elle aime relever de nouveaux défis. Elle ne cesse de gravir les échelons et grâce à elle, le ménage s’enrichit.

Le midi, elle mange à peine pour conserver son poids santé.

Elle en profite pour faire ses courses : pharmacie, nettoyeur, épicerie.Les femmes de l’assemblée répondent : Heureux homme !

Elle rentre à la maison en vitesse, prépare le souper,

Surveille les devoirs des enfants, répond à leurs questions.

Joyeuse, elle accueille son mari après sa dure journée de labeur,

Écoute ses soucis, et sait satisfaire ses désirs.

Les femmes de l’assemblée répondent : Heureux homme !

Active dans sa communauté, elle est solidaire des plus démuni-e-s, Accompagne un parent malade, écoute et console ses amies.

Sur son visage, aucune trace de fatigue. Bien des femmes ont fait leurs preuves, mais elle les surpasse toutes. Les femmes de l’assemblée répondent : Heureux homme !

Du temps pour elle ? Qu’en ferait-elle ? Existe-t-il un temps des femmes ?

PRISE DE PAROLE DES FEMMES

Célébrante 2

Nous voulons le temps des femmes.

Célébrante 1

Je vous invite maintenant à prendre la parole et vous propose cette formulation :

Je ne veux plus que mon temps soit accaparé par…Je veux du temps pour…

LECTURES

La célébrante2

invite à tour de rôle les groupes à présenter leur réécriture.

Il y a un temps de silence de quelques minutes entre chaque lecture.

Première lecture :

Réécriture de la Visitation de Marie, Luc1,39-45

Marie nous rencontre

En cet instant, je prends le temps d’accueillir Marie dans mon jardin intérieur. Elle visite mes plates-bandes, celles de mes peines, de mes joies, de mes bobos, de ma santé, de mes amours, de mon travail, de mes militances, de mes passions.

Dès cet instant, nos fécondités se rencontrent et la Rûah nous décoiffe.

Alors je m’exclame : « Bénis soient les fruits de nos entrailles. Je rends grâce. La vivance tressaille d’allégresse. Oui, bienheureuses sommes-nous qui accueillons ce qui advient dans l’instant présent. »

Deuxième lecture :

Réécriture de Jésus et la femme adultère, Jean8,1-11

L’exclusion des femmes

Les membres de L’autre Parole, la collective chrétienne et féministe du Québec, réfutent l’injuste exclusion des femmes menée par les hommes dans la société et l’Église.

Ces derniers perpétuent cette tradition de siècle en siècle en proclamant haut et fort : ·la gérance de la langue française revient à l’Académie,·seul un homme peut tenir le corps du Christ à l’autel,·la femme est trop changeante émotivement et ainsi moins rentable au travail,·l’Église valorise le rôle de la mère, et la supériorité de l’homme demeure par nature.

C’est pourquoi les membres de L’autre Parole s’engagent dans un travail de déconstruction des traditions systémiques de l’exclusion des femmes. Elles s’attardent à la promotion de la vie des femmes en rédigeant des textes de conscientisation, de réflexion, des comptes-rendus de leurs échanges et de leurs colloques.

Aujourd’hui, elles proposent encore de nouvelles pistes d’ouverture et de changement d’attitude :·par une constante dénonciation du néolibéralisme et du patriarcat,·par la promotion de droits égalitaires femmes et hommes,·par la proposition de conceptions multiples du temps.

À leur suite, plusieurs femmes se lèvent et habitent leur temps avec toutes les richesses de leur être-femme !

Troisième lecture :

Réécriture de La samaritaine, Jean 4,1-30

Narratrice : Pauline, une moniale du Bon-Pasteur est très convaincue de sa vocation de cloîtrée et de sa mission qui est d’aller à la rencontre des brebis égarées. Elle s’est attelée à sa tâche avec enthousiasme, partageant son temps entre la prière et la rencontre des femmes marginalisées par la société. Elle a su les écouter avec compassion et une sollicitude intelligente.

Sans calculer son temps, elle a consacré sa jeunesse, sa maturité et même son âge d’or à panser leurs plaies, à les secourir, à chercher avec elles des solutions pour leur rendre la vie meilleure.

Certaines lui réclamaient un havre, d’autres la pitance, d’autres encore des solutions à leurs problèmes conjugaux, de drogue ou d’alcool. Quelques-unes demandaient qu’on les protège, qu’on les arrache des mains de leurs souteneurs, de leurs violeurs. D’autres avec étonnement ou arrogance hurlaient :

Les filles : « Toi, une bonne sœur, qui ne sais rien de la vie ni de la liberté, tu es bien naïve de croire que tu peux nous aider. »

Narratrice : Assaillie par des questions de toutes sortes, débordée d’avoir tant de problèmes sur les bras, elle respirait profondément et tentait de répondre avec calme et sérénité.

Pauline : « Si vous saviez l’amour qui m’amène et me pousse vers vous, vous ne seriez pas surprises. »

Les filles : « Tu connais ça, toi, l’amour ? »

Narratrice : Pauline répond :

Pauline : « De quel amour parlez-vous ? »

Narratrice : Certaines disent :

Les filles : « J’en ai connu moi des hommes ! »

Narratrice : D’autres ajoutent :

Les filles : « On s’est occupées de nos maris ivres morts, drogués qui ont fini par nous abandonner. Des hommes nous ont battues, nous ont exploitées. Est-ce que c’est ça de l’amour ? »

Pauline : « Vous êtes curieuses de savoir où moi je l’ai trouvé ? C’est en venant à votre rencontre, en consacrant mon temps —en fait toute ma vie —à vous écouter, à chercher avec vous des solutions à vos problèmes, à vous accueillir et à vous aimer comme des sœurs, sans vous juger. Peut-être voulez-vous savoir où je puise ce grand don d’amour qui m’habite ? C’est dans ma relation avec le grand amour de ma vie. »

Narratrice : Et là, elle leur montre la croix qu’elle porte sur son cœur.

Quatrième lecture :

Réécriture de Matthieu 20,1-16 Les ouvrières de la onzième heure

Le Royaume des cieux est comparable à une nouvelle cheffe d’entreprise qui embauche du personnel pour travailler à son usine.

Elle se met d’accord avec ses employés sur leurs conditions de travail et sur leur salaire. À leur demande, elle signe une convention collective.

Quelques jours plus tard, un groupe de femmes frappe à sa porte pour demander du travail. Elles proposent de travailler pour le même salaire, mais de s’organiser en collectif pour le réaliser. Tout en promettant le même rendement, elles partageront entre elles le travail, le feront à leur rythme et selon les talents de chacune.

Une semaine plus tard, le chef du syndicat frappe à la porte en colère de savoir que ces femmes gagnent le même salaire que les autres et font à la manière qui leur convient, selon leurs besoins et leurs capacités. En plus, elles ne font même pas du 9 à 5 !

« Qu’est-ce que c’est que cette histoire-là ?»La cheffe d’entreprise répond :

« Je crois que tous et toutes ont le droit de vivre en dignité, ce n’est pas la quantité de travail qui compte, mais la qualité globale du travail produit. De plus, je respecte votre contrat. Est-ce que tu vas me regarder avec ressentiment parce que je réfléchis autrement, j’agis autrement ? Dans le temps présent, tout est équitable.

J’ai décidé d’opter pour une radicale ouverture à l’avenir en développant un nouveau rapport au temps.

La justice n’est-elle pas de donner à chacune et à chacun ce dont il a besoin et non pas de donner égal à tout le monde.»Règle de vie : La valeur du temps n’est pas liée à la productivité.

Cinquième lecture

Règle de vie :

1.Découvre ce qui te nourrit.

2.Brise la statue : abandonne les images imposées, prie dans la liberté.

3.Fais-toi confiance : lis, écris, dessine, cuisine, jardine, chante et danse. Tous les moyens sont bons pour tendre vers Dieue.

4.Prie quand le temps t’est propice, prie quand tu te sens bien dans la prière. Prie quand tu peux, prie quand tu veux.

5.Parle à Dieue : rends grâce, demande, chicane, plains-toi, pose des questions… Offre-lui tes émotions du moment.

6.Prie avec ton corps. Respecte son énergie. Suis le rythme des saisons.

7.Prie dans la nature : émerveille-toi.

8.Prie avec tes sens et privilégie celui qui te permettra d’atteindre le sacré… Mais n’hésite pas à recourir aux autres sens : ils sauront te surprendre.

9.Retire-toi dans le silence quand tu en as besoin.

10.N’hésite pas à abandonner les rituels usés, qui ont perdu leur sens. Peut-être qu’un jour, ils retrouveront leur saveur.

11.Ose inventer, ose en parler. Ose réécrire les prières toutes faites.

12.Relie-toi aux autres. Autant que possible, prie, médite, célèbre ou émerveille-toi avec les autres. Donne-toi des moments de rencontre. Partage, écoute et aime. Goûte la communion des saintes.

13.Continue d’explorer d’autres manières de vivre ta spiritualité.

14.Fais confiance en Dieue : Elle te mène par des chemins inattendus.

15.Dis merci. Apprends à reconnaître la grâce dans ta vie.

16.Agis pour la plus grande gloire de Dieue.

Prise de parole des participantes

Célébrante 2

Je vous invite à partager le sens que vous donnez à ces réécritures et à cette règle de vie.

EN MÉMOIRE DE LA DERNIÈRE CÈNE

Célébrante 1

En rappel du dernier repas que Jésus a partagé avec ses disciples, nous boirons le vin et nous mangerons ces petites gaufres accompagnées des récoltes de petits fruits que l’été nous donne à profusion et que les femmes transforment en confitures pour le plaisir des sens.

Célébrante 2

Nous faisons mémoire :

de toutes ces femmes dont les noms ne nous sont pas parvenus parce que le temps de l’histoire était écrit par les hommes, de toutes ces femmes dont les règles de vie ont été écrites par des hommes.

Célébrante 1

Nous rendons grâce :

pour la petite flamme de rébellion et de liberté qui de tout temps a été le propre des femmes, pour les avancées d’hier qui ont permis que nous puissions prendre le relais de la transformation du temps des femmes.

Célébrante 2

Nous demandons la force de continuer la longue marche des femmes pour la réappropriation de leur temps, de leur parole, de leur vie.

Au son d’une musique propice à la méditation, Laudate Dominiumdes Vêpres solennelles de Mozart3, (3. Tirée de la bande originale du film L’accompagnatrice.Interprété par Laurence Monteyrol, n02) les femmes sont invitées à prendre une petite gaufre et la garnir de crème, de petits fruits et de confiture maison. Après avoir reçu une coupe de mousseux rosé, elles sont invitées à goûter ses produits de la terre et du travail des femmes et des hommes.

PRIÈRE DE CLÔTURE

Lecture à six voix de la réécriture de Qohéleth3 :

Ainsi parle Qohéleth

Chaque chose convient à son heure.

Mais qu’en est-il du temps des femmes ?

Dès son jeune âge, la femme apprend à travailler, à se sacrifier et à s’oublier. Elle mène une course contre le temps.

Bruit de gong

À chaque étape de la vie des femmes, il y a un temps…

Un temps pour voir le jour Un temps pour s’éteindre Un temps pour faire ses premiers pas Un temps pour se laisser mener Un temps de bonheur Un temps d’épreuve Un temps pour s’épanouir Un temps pour s’étioler Un temps pour devenir une jeune femme Un temps pour vieillir, rider et grisonner Un temps d’activité Un temps d’intériorité

Bruit de gong

À chaque étape de la vie des femmes,  il y a un temps…

Un temps pour naître  Un temps pour renaître Un temps pour la tendresse  Un temps pour les caresses Un temps pour le désir Un temps pour jouir Un temps pour les saintes Un temps pour les seins Un temps pour gémir Un temps pour la délivrance Un temps pour l’ovulation Un temps pour la contraception Un temps pour subir Un temps pour se prémunir Un temps pour donner naissance Un temps pour l’accueillir

Bruit de gong

À chaque étape de la vie des femmes, il y a un temps…

Un temps pour l’abondance Un temps pour la bombance Un temps pour les dinettes Un temps pour les diètes Un temps pour les nuisettes Un temps pour la « flanellette » Un temps pour les formes Un temps pour être en forme Un temps pour oublier Un temps pour se souvenir Un temps pour la tristesse Un temps pour la joie Un temps pour détruire Un temps pour reconstruire Un temps pour condamner Un temps pour pardonner Un temps pour vivre Un temps pour laisser vivre

Bruit de gong

À chaque étape de la vie des femmes, il y a un temps…

Un temps pour le compromis Un temps pour le refus de la compromission Un temps pour accepter Un temps pour protester Un temps pour la domestication Un temps pour l’émancipation Un temps pour honorer son père Un temps pour s’en affranchir Un temps pour dissimuler Un temps pour proclamer Un temps pour la dissidence Un temps pour la désobéissance Un temps pour s’isoler Un temps pour se regrouper Un temps pour le christianisme Un temps pour le féminisme Un temps pour l’analyse Un temps pour la création Un temps pour lire les écrits saints Un temps pour la réécriture Un temps pour la méditation Un temps pour la célébration Un temps pour L’autre Parole Un temps pour les Femen Un temps pour donner Un temps pour prendre Un temps pour recevoir Un temps pour donner Un temps pour dormir Un temps pour veiller.

Bruit de gong

À chaque étape de la vie des femmes, il y a un temps…

Un temps pour travailler, pour semer…Il y a un temps pour se reposer, pour récolter, pour jouir de ses œuvres.

Mais quand vient le temps de la retraite, sait-elle se reposer ?

La femme est sollicitée de toutes parts. Elle continue la plupart du temps à s’occuper du ménage, de la cuisine, de ses petits-enfants et de ses vieux parents s’ils vivent encore.

La femme n’a jamais appris à se reposer ; la femme se sent coupable si elle se repose.

Il y a un temps pour travailler,

il y a un temps pour se reposer.

Paroles de Dieue.

À la fin de la célébration, le chant Amazing Grace

4accompagne la distribution de carte sablier où il est inscrit « Le temps des femmes»5.

  1. Tiré de l’album Chants sacrés. Interprété par Barbara Hendricks, no 12.
  2. Voir en page couverture pour un exemple de carte sablier de Marie-Josée Riendeau