CHEMINS DE LUMIÈRE : L’ICONOGRAPHIE

CHEMINS DE LUMIÈRE : L’ICONOGRAPHIE

Denise Rioux f.j. – Saint-Pierre-de-Lamy

Ma découverte de l’iconographie en 1980-81 m’a fait prendre conscience qu’un rêve que je portais depuis trente ans devenait réalité : « faire un portrait du Christ et de Marie »…J’étais comblée.

C’est au Collège grec de Rome que j’ai réalisé mes deux premières icônes : Vierge de tendresse et Christ, avec un iconographe grec. Puis, inscrite à l’atelier d’icônes du Centre d’Études russes de Meudon, j’ai poursuivi mon apprentissage avec le P. Egon Sendler, s.j. Chose extraordinaire, je retrouvais dans ce travail tout ce que j’aimais : travail du bois, étude du dessin, préparation de la couleur [pigments secs détrempés dans le jaune d’oeuf, l’eau et le vinaigre de vin], utilisation d’une grande variété de beaux matériaux, richesse de la symbolique, intégration à la prière… travail de montée vers la lumière, travail qui reprend toute la vie.

Quand je suis revenue dans ma communauté à Fontenelle, les différents sujets réalisés, presque tous pour répondre à des demandes, m’étaient une expérience particulière, exigeante, éprouvante et comblante aussi, devant le Seigneur qui fait grâce et prend pitié. Les icônes du Christ, de la Théotokos, des anges Michel et Gabriel, de Jean le précurseur, de saint Joseph, des saints Pierre, Paul, André, Bernard, François, Angèle m’ont été une occasion d’approfondissement et de rapprochement du mystère de présence du Seigneur. Mais la main du Seigneur m’a été comme plus visible dans l’écriture de certaines icônes : Trinité, Notre-Dame-du- Rosaire, Pantocrator, Marie-Madeleine avec le Christ ressuscité et Illumination du Cardoner : saint Ignace de Loyola, le Pèlerin.

L’iconographie m’a aussi amenée à initier quelques personnes venues en ateliers de formation. Cela rendait plus urgente pour moi la nécessité d’un stage de perfectionnement en France, en 1986, puis à New-York avec un iconographe russe en 1990.

Des « jours-icônes » m’ont permis de rencontrer quelques milliers de jeunes du primaire. Des périodes-icônes ont aussi été présentées à des classes de polyvalentes et de Cégep. Des expositions didactiques : « Un chemin de Lumière » à Gaspé en 1985, « Héritage et Chemin de Lumière » à Kamouraska, New-Castle N.-B., Caneton et à la Galerie de l’UQAR (Université du Québec à Rimouski) en 1992 étaient autant d’occasions de faire découvrir les icônes. L’icône est plus qu’une production. Elle est prière et Présence. Elle est Tradition et se réalise en solidarité avec tous ces chrétiens qui, à partir de saint Luc ont médité, contemplé le Seigneur et nous ont transmis son visage, grâce à l’Esprit qui les assistait. Pour plusieurs personnes, c’était comme une redécouverte de leur foi, une interpellation de Celui qui est toujours avec nous. Quelques fois, j’ai été témoin d’une présence particulière,

d’une vie qui renaissait à la lumière… cela m’a rapprochée, non sans émotion, de l’entretien de Jésus avec Nicodème. Plusieurs enfants ou adultes rejoints par la lumière des icônes me retournaient cette lumière encore plus lumineuse. Ces regards purifiés, transfigurés m’invitaient à désirer cette transfiguration, selon le plan de Dieu qui créa l’homme et la femme à son image : Image resplendissante en Jésus, selon le témoignage des apôtres privilégiés.

Dans l’Église orientale, l’iconographie est acceptée comme un ministère. Autrefois il était réservé aux hommes ; aux femmes revenaient les icônes brodées. Ce bel héritage chrétien me fart entrer dans le prolongement de la maternité de Marie pour reprendre avec elle cette phrase du PS 109 : « Comme la rosée naît de l’aurore je t’ai engendré » et celle du PS 1 SA : Comme « les cieux proclament la gloire de Dieu… le jour au jour livre le récit de l’ouvrage de ses mains et la nuit à la nuit en donne connaissance »…. car les icônes ne se copient pas, mais naissent l’une de l’autre » , selon l’expression du moine Grégoire Krug.

L’iconographie m’apparaît comme un grand héritage de chrétienté. Après le schisme d’Orient, l’Occident en conserve le souvenir et la présence dans certains lieux privilégiés – voire dans les grandes églises de Rome – alors que nos frères orientaux dont les orthodoxes, maintiennent vivante la tradition de l’écriture des icônes, de leur vénération et de leur présence essentielle dans leur liturgie de gloire. En voyant l’importance et la place que nous avons redonnées à la Bible depuis trente ans, il était normal que l’icône arrive jusqu’à nous ; les deux ne s’opposent pas, elles s’aident mutuellement et témoignent de l’incarnation, de la réalisation du plan de salut dans la personne du Christ.

Je prie l’Esprit de m’assister, moi et toutes les personnes qui s’adonnent à l’iconographie, spécialement au Québec. Qu’il développe en nous la solidarité du peuple de Dieu qui nous pousse à un retour aux sources, à une connaissance de notre spiritualité, à un développement de la vie de prière et de la prière liturgique pour que naissent les icônes qui actualisent la Parole de Dieu et expriment notre foi aujourd’hui.

Ce ministère ne s’inscrit-il pas dans notre vocation baptismale qui nous fait prêtre, prophète et roi ? Peut-être en tant que femmes, avons-nous à découvrir la vérité, la grandeur et l’actualité du dessein de Dieu sous toutes ses facettes pour vivre cet appel baptismal du sacerdoce des fidèles ?…