En solidarité avec nos sœurs abusées

Lettre ouverte

Les membres de la collective féministe et chrétienne L’autre Parole ont tenu en août 2019 leur colloque annuel, sur le thème « Les abus sexuels dans l’Église catholique ». En raison des scandales sexuels qui secouent l’Église et ébranlent les consciences, le choix de ce thème s’imposait à nous. Nous étions craintives à l’idée d’aborder cette question sensible et délicate, mais aussi douloureuse pour certaines d’entre nous qui avons vécu de tels abus.

D’emblée, nous avons refusé d’orienter nos réflexions uniquement sur la réalité des abus sexuels perpétrés par des prêtres sur des mineurs, très largement médiatisés. Nous avons préféré nommer haut et fort une autre réalité, occultée, celle des abus sexuels à l’égard des femmes, religieuses et laïques, au sein de l’Église. Nous avons placé au cœur de notre réflexion nos sœurs manipulées spirituellement et affectivement, abusées sexuellement, violées et souvent obligées d’avorter. Contraintes au silence, ces femmes vivent dans la honte et la sidération.

Par cette lettre, nous voulons vous exprimer notre solidarité. Vous dire, publiquement, que nous reconnaissons cette souffrance qui est la vôtre et que nous voulons la porter avec vous. Loin de la minimiser, nous l’accueillons dans toute son ampleur et dans toute l’étendue des ravages qu’elle cause dans vos vies. Ce faisant, nous acceptons de regarder en face le visage défiguré de Dieue.

La honte ne doit pas vous assaillir, car elle n’est pas de votre fait. Elle appartient à ceux et à celles qui ont commis ces gestes, drapés de l’immunité dont jouissent les clercs au sein de cette institution patriarcale, rongée par la sacralisation du pouvoir mâle et par la misogynie de clercs, entraînant des abus de toutes sortes. Vous en payez le prix, et il est élevé.

En nommant l’innommable, nous voulons briser le mur du silence et de la honte et mettre au grand jour l’hypocrisie de l’Église-institution. Nous continuerons à dénoncer non seulement la discrimination, mais également l’infériorisation systémique des femmes au sein d’une institution qui aime déclarer que les femmes sont les égales des hommes « en dignité », mais non dans les faits. Nous ne sommes pas dupes ! Et notre colère est juste ! En l’absence de tout signe d’un véritable repentir, le temps n’est pas encore au pardon.

Sachez que nous sommes là, à vos côtés, pour libérer la parole et empêcher de dormir en paix et de tourner en rond ceux qui sont aveugles, sourds et muets.

La collective L’autre Parole
Mai 2020