Femmes faites chair

Extraits1

Corps de la femme qui saigne — l’hémorroïsse,
corps de la femme qu’on veut lapider — la femme adultère,
corps vierge qui enfante — Marie,
corps qui ouvre à l’amour — la bien-aimée du Cantique des Cantiques,
corps dynamisé,
corps abîmé — la femme courbée,
corps stérile et fécond — Sara, Rachel et les autres,
corps menacé avec la venue de la fin des temps,
corps appelé à la résurrection.

Dire le corps, les corps, à partir de la tradition judéo-chrétienne et à travers elle peut à prime abord étonner, scandaliser même, tant la pensée grecque dichotomisante corps/esprit a exercé un rôle prépondérant dans la transmission de la révélation chrétienne. Pourtant, s’il est une religion qui est obligée de parler du corps, c’est bien le christianisme, qui repose sur la foi en un Dieu incarné, fait chair. « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous. » (Jean 1, 14) (p.52)

Au fur et à mesure de mon écrit, je laisserai quelques vagues poétiques envahir le texte. […]. Peut-être entendrez-vous la marée montante, celle des jours frisquets de juillet 1980, sur une plage isolée du Bic, celle qui vous enivre de ses lames radieuses et écumantes, de ses jaillissements d’eau éclaboussants, celle qui vous communique de sa puissance renouvelée et continue. Si l’on parle d’incarnation, comment ne pas vous avoir indiqué le milieu inspirateur qui me porte ! (p.53)

Je ne connais pas, présentement [1983], toute la portée révolutionnaire du travail que j’ai entrepris : celui d’exprimer les expériences des femmes, de les valoriser, de les rendre le plus fécondes possible et surtout de les intégrer complètement à notre vie dans la foi chrétienne. C’est une tâche qui est merveilleuse, en ce qu’elle fait puiser à mes sources les plus vitales. C’est une tâche inquiétante, aussi, face à certaines femmes qui ne veulent pas sonder leurs entrailles fermées culturellement, face à certains hommes qui se sentent menacés dans leur moitié de perception de l’humanité. C’est une aventure où je fais confiance à toutes les fécondités, les miennes et celles des autres femmes, où j’ai foi et espérance en un support déjà là et à venir des sœurs et des frères. C’est en somme, un chant de délivrance où tout semble permis parce que sauvé. (p.70)

  1. Extraits lus en trois temps au cours de la soirée-hommage.
    DUMAIS, Monique. « Femmes faites chair », dans Élisabeth J. Lacelle (dir.), La femme, son corps et la religion, Approches multidisciplinaires, Montréal, Bellarmin, 1983, 248 p.