Incompatibilité de l’engagement libérateur
avec l’Église institution
Vivre dans l’église catholique romaine comme femme ? |
Joëlle Anna St-Arnaud
À l’occasion du Synode des femmes de Montréal, on m’a proposé de prendre la parole dans le cadre du panel des jeunes. J’ai été touchée de constater l’intérêt du groupe envers mon récit et je me suis sentie privilégiée que l’on m’ait accordé une liberté de parole dans le cadre de ce synode, organisé en parallèle avec le synode qui se tient au Vatican.
Qu’évoque le lien entre la fidélité à l’Évangile et l’engagement pour la justice ? La question invite en premier lieu à s’intéresser à un texte, celui de l’Évangile. Est-ce que cette fidélité au texte que j’interprète comme un récit de libération est liée à mon engagement pour la justice ? Je l’espère. La libération, je l’entrevois à travers les histoires des patient·es rencontré·es dans mon quotidien d’intervenante en soins spirituels. Des patient·es arrivé·es à l’hôpital pour des raisons qu’elles et ils n’ont pas choisies, sans être préparé·es, bien souvent, dans un contexte où de nombreuses contraintes sont au rendez-vous. Chaque histoire d’hôpital est unique, avec ses nuances et ses subtilités à saisir ; chaque histoire interpelle.
L’objectif des patient·es est de se libérer de l’hôpital, d’en sortir et de ne plus y revenir. Chaque hospitalisation est une histoire de sortie, mais parfois, la sortie se présente sous les traits de la mort, qui libère la personne hospitalisée de ses souffrances.
Poursuivant la réflexion, est-ce que cet engagement auprès des patient·es est compatible à un engagement dans l’Église ? Qu’est-ce qui ouvre des voies ou, au contraire, qu’est-ce qui fait obstacle ? Je ne crois pas qu’il y ait des possibilités de conciliation. Je ne vois que des obstacles, voire du danger. Je n’ai pas d’engagement au sens propre dans l’Église. Cependant, du fait de ma fonction et des liens avec des communautés religieuses, notamment catholiques, je me permets de dire qu’il y a à mon avis incompatibilité entre l’engagement pour la justice et l’engagement pour l’Église. J’ai surtout connu l’Église catholique dans sa forme de contrôle hiérarchique. Dans mon parcours, elle s’est présentée à moi comme une institution dont les membres représentent la supériorité morale et spirituelle, que ce soit notamment par le vêtement (le col romain) ou par les actes qui leur sont réservés (la confession et l’onction des malades).
Je suis peut-être pessimiste, mais je ne crois pas qu’il y ait possibilité d’ouvrir des voies en raison du système hiérarchique et discriminatoire. L’Église est un système qui soutient une élite mâle. Les autres – femmes, enfants, minorités sexuelles, etc. – sont vulnérables face au pouvoir de ce clergé à qui il est permis de les dominer, de les affaiblir. Il y a, à mon sens, un danger à rester dans ce système de pouvoir religieux.
J’ai eu assez de privilèges dans mon parcours pour pouvoir m’extirper des milieux religieux malsains, toxiques. D’autres n’ont malheureusement pas eu cette chance. Je pense notamment aux orphelins de Duplessis. L’Église catholique, main dans la main avec l’État québécois, les a abandonnés à leur sort dans une institution psychiatrique, un lieu d’abus de toutes les natures. Certains de ces orphelins sont morts alors qu’ils étaient encore enfants, certains enfants sont enterrés dans le sol, tout près des établissements de santé à Montréal, comme les enfants des pensionnats autochtones. S’il y a une voie à ouvrir, c’est peut-être celle de connaître la vérité, de reconnaître la dignité des enfants décédés.
Comment faire route ensemble en Église ? Si cela est un jour possible, j’aimerais bien que l’Église soit inclusive et, surtout, qu’elle nous prouve qu’elle a d’autres préoccupations que celle de la protection de son clergé. Peut-être la réponse se trouve-t-elle davantage en dehors de l’institution, dans les liens construits lors de rencontres en parallèle, comme ce que propose le Synode des femmes de Montréal.