LA COLÈRE, UNE SOURCE D’INFORMATION
Marcelle Bélanger, Houlda
Si je prononce le mot « colère » qu’est-ce qui surgit en votre mémoire ? Péché ? ! Et pourtant cette émotion, spontanée et involontaire peut être une source de précieuses informations.
S’il y a contradiction entre ce que je dis et ce que je ressens, la « vérité subjective » est inscrite dans mon corps. Si parfois, elle fait peur, c’est que le thermomètre est trop élevé et nous craignons un manque de contrôle. Encore là, vaut mieux se laisser instruire que de verser dans la crainte ou le mépris. Cette vision est beaucoup plus pacifiante et productive. C’est aussi une source d’information quand je suis face à la colère d’une autre personne. À force de regarder la colère comme don non négligeable, qui sait, si elle ne deviendra pas une vertu dans ma pratique ?
La colère de femmes dans Le Devoir, page E3 du cahier Culture des 8 et 9 janvier 2011
Voir rouge. Exploser. Mettre le poing sur la table. Sacrer. S’arracher les cheveux, jeter des insultes : les colères sont encore des déflagrations mal vues. « Comme si d’être en colère signifiait que les propos tenus étaient insensés », dit Martine Delvaux.
« Femmes en colère » par Philippe Couture est un article sur les pièces de théâtre à l’affiche : Projet Andromaque de Serge Denoncourt, Médée d’Euripide, Manhattan Medea de Da Loher, Ta yeule Kathleen de Sébastien David, À toi pour toujours ta Marie-Lou de Michel Tremblay.
« Le théâtre serait-il encore le lieu d’expression par excellence d’une colère féminine réprimée dans l’espace social ? »
« Si les grandes figures féminines de la mythologie grecque trouvent sur le proscenium un formidable lieu où déverser leur fiel, la colère féminine n’en est pas mieux considérée, plutôt perçue comme néfaste dans une société où Aristote et Platon chantent les vertus de la rationalisation et du contrôle de soi. »
« La colère n’est pas acceptée chez la femme autant que chez l’homme, surtout quand une femme se plaint précisément de son rôle de femme et de mère. Ce n’est pas très bien vu pour une mère d’exprimer son sentiment d’inadéquation. » Marie-Hélène Gosselin, comédienne.
« Chiennes d’écrivaines enragées » de Catherine Lalonde dévoile les Erynies, « terribles chiennes vengeresses », présentes dans l’écriture contemporaine. Catherine Mavrikakis et Martine Delvaux en appellent à « une écriture de la colère », à plus de femmes vociférantes. La liste des auteures rugissantes est longue. Elle se termine par Nelly Arcan. « Quand je parle d’elle, je ne peux le faire qu’en faisant entendre ma propre colère, confie Martine Delvaux, celle qu’elle suscitait chez moi par son œuvre et son personnage, et celle qu’a suscitée sa disparition. » Catherine Mavrikakis avoue : « Les écrivaines actuelles du bruit, celles qui participent à la cacophonie, au rugissement, à l’aboiement de la langue, sont dans un rapport colérique, en volonté d’agression, de faire de la littérature un espace dangereux, un espace violent. Une littérature qui peut aussi être un danger pour elle-même jamais très loin de l’autosacrifice. »
En finale, pour Mavrikakis en tant qu’écrivaine et chercheure : « la colère chez moi est une éthique, une politique, un facteur de changement. »