L’ENCYCLJQUE DE JEAN-PAUL II, LABOREM EXERCENS, ET LES FENMES

L’ENCYCLJQUE DE JEAN-PAUL II, « LABOREM EXERCENS », ET LES FENMES

Traditionnellement, après avoir fait le point sur un problème d’actualité, les papes rappellent, en une lettre encyclique, la position officielle de l’Eglise(1 ). Jean-Paul II a choisi, en 1982, de se prononcer sur le travail humain, dans la ligne des Léon XIII et Pie XII.

L’encyclique « C’est par le travail »(2)rappelant à plusieurs reprises « le principe « de lapriorité du travail sur le capital et rappelant que l’humanisation de la société passe essentiellement par ce postulat, se document mérite d’être lu et nous noue réjouissons de sa parution, Cependant, nous 1’avons parcouru avec les yeux et unesensibilité de femmes et il nous a .fallu de la patience pour savoir que nous étions vraiment concernées par cette lettre

LA FEMME ET SON IDENTITE

On parle sans doute de nous, femmes quand on parle de l’homme entendu dans son sens générique ; quelques fois, il est fait référence à l’homme et à la femme et, à d’autres reprises, on parle de personnes. Or ces renvois augmentent notre malaise car l’emploi fréquent du mot homme dans le reste de la lettre semble alors davantage identifier l’Homme-homme en exclusivité, donc ignorer la femme dans la majeure partie du texte. L’habitude ou la sémantique ont facilement fait cadeau à 1’Homme-homme de 1’identification générique,Comme l’habitude tient souvent lieu de certitude, il vaudrait mieux qu’une mise en garde soit faite, en présentation des textes officiels comme celui-ci, afin que l’Homme-femme y trouve son compte et que l’Homme-homme y perde un faux attribut.

 

fP.

Ce malaise perdure tout au long du texte. Lorsqu’il est fait mention de catégories de travailleurs : « ••• les femmes qui portent chaque jour la fatigue et la responsabilité de leur maison et de l’éducation de leurs enfants ••• »  ;(j il n’y a pas d’équivoquepour savoir qui porte la responsabilité de l’éducationdes enfants ; •••, mais quand on lit « ••• les hommes qui ont sur leurs épaules la grave responsabilité desdécisions destinées à avoir une vaste résonnance surle plan social ••• » on peut se demander s’il s’agitalors du terme générique ••• !

LA FEMME  ET  LA  FAMILLE

A côté de ces détails qui sont loin d’être sans importance puisqu’ils renvoient la femme à un problème fondamental d’identité, il y a un développement qui concerne les femmes. Elles sont, hélas, réduites à un concept, celui de famille. Dans  ce chapitre, on ne retrouve aucune trace des positions présentées par les féministes en Eglise lors du dernier synode sur la famille. (pp. 66  et 67) Par ailleurs, y prend place une définition du salaire familial dont la signification profonde rend tragique, pour la femme, tout espoir de se voir accompagnée par 1’Eglise dans sa quête de liberté, donc de plus grande humanité. En effet, on y appelle salaire familial, « un salaire unique donné au chef de famille pour son travail, et qui est suffisant pour les besoins de famille, sans que épouse soit obligée de prendre un travail hors de son foyer » (les soulignés sont de nous), Les rôles fixés et figés par la  variable sexe est une injure faite au couple homme-et-femme qui voit, dans son union, un contrat passé entre deux personnes égales afin d’assurer un projet de vie. N’est-ce pas à ce couple à déterminer lui-même les modalités de 1a répartition des rôles et des tâches ?

Jean-Paul II dit parfois de belles choses, et je lui en rends grâce Par exemple, dans un autre paragraphe, il parle de la  » ••• revalorisation sociale des fonctions maternelles » mais je lui fais grief de retomber tout de suite dans l’aveuglement en faisant porter, sur les épaules des seules femmes ces fonctions maternelles allant jusqu’à prétendre que l’équilibre psychologique des enfants est assuré par la présence au foyer de la mère. Que n’a­ t-il pas confiance en l’Homme-homme en lui retirant ainsi la possibilité éminemment humaine et importante entre toutes, d’assumer les fonctions dites maternelles. Ces fonctions (éducation, soin des enfants, présence attentive, etc.) sont le lot des humains : hommes et femmes. C’est là un bel exemple du gâchis que peut amener une position idéologique (machisme) au service de privilèges à sauvegarder.

LA. FEMME SUR LE MARCHE DU TRAVAIL,

Jean-Paul II1ensuite, émet le voeu pieux que « la femme puisse, sur le marché du travail, remplir ses tâches selon le caractère qui lui est propre ».              Pour un commis voyageur verbal des Droits de la personne, c’est là ouvrir une large porte à l’interprétation de ce « caractère propre »    donc forcément, à la discrimination. Ne serait-ce pas là un relent du concept théologique des natures différentes de l’homme et de la femme, absent de ce texte mais dont l’Eglise s’est longtemps et tellement servi· ? Aussi, en continuant la lecture, on ne sera pas surprise d’y lire le souhait que 1’homme­femme ne soit pas obligée de « payer sa promotion par l’abandon de sa propre spécificité au détriment de sa .famille ».

Si d’une part, Jean-Paul II, par promotion, parle des résultats obtenus par les luttes des femmes et qui leur valurent d’acquérir une place au soleil en tant que personne et que d’autre part, il pose en antagonisme, spécificité féminine et épanouissement en tant que personne, cela devient un discours détaché de la réalité, vide de sens, et qui n’a pas sa place dans une encyclique. Discours d’Homme-homme, car les femmes savent, elles, qu’elles ne perdent jamais ni leur utérus ni leur amour de cette fonction procréatrice quand elles luttent pour leur épanouissement.     Ces luttes servent précisément à ne pas réduire l’humanité de Dieu .dont les femmes sont aussi le reflet, à ces fonctions reproductrices, lesquelles sont leur seule spécificité et ne durent d’ailleurs pas toute leur vie.

LA FEMME ET LE TRAVAIL D’ENFANTEMENT :

Sur ce chapitre, les femmes trouveront, dans la présente encyclique, une autre de ces incohérences qui traversent le discours de l’Eglise et dont on ne s’aperçoit guère si on ne s’adonne pas à une lecture des documents officiels à partir des yeux, du ventre et du vécu des femmes. Aux premières pages de l’encyclique, le mot travail renvoie à « toute activité humaine qui peut et doit être reconnue comme travail parmi la richesse des activités dont l’homme est capable »(p.   Jean-Paul II ajoute à la page 18, « que la valeur éthique du travail reste liée au fait que celui qui l’exécute est une personne libre et consciente, c’est-à-dire un sujet qui décide de lui-même. » Et tout au long, la lettre encyclique revendique cette notion du sujet libre, acceptant le travail mais n’y étant jamais soumis, en rappelant que « celui qui vend sa force de travail n’est pas assujetti à le faire à n’importe quelle condition ».

La femme qui lit ce texte comprend que le travail d’enfantement trouve sa grandeur parce que cellequi s’y adonne est une personne ; que cette personnene peut être soumise aveuglément à la capacité

 

d’accomplir ce travail. Elle n’a pas nonplus à accepter les fatalités de cette possibilité dans n’importe quelle, conditionElle n’a pas à être assujettie. irrévocablement à ce travail. Et pourtant, 1’Eglise,en matière de contraception, ne laisse pasà la travailleuse, à l’Homme-femme, la détermination de sa fécondité. Elle ne lalaisse pas, en définitive, être fait pource travail en tant que sujet conscient et libre dans l’aventure humaine de la création•

LA FEMME ET L’INSTITUTION

Enfin, les allocations de la mère au foyer font partie des questions complexes et douloureuses que se posent les féministes des sociétés industrialisées. Or Jean-Paul VI, en les revendiquant, ne s’embarrasse ni de nuances ni de consultations auprès des premières concernées. La décision est prise, l’orientation est donnée. Or les évêques du Québec, viennent tout juste de nommer des répondantes diocésaines à la condition féminine ; qu’adviendra-t-il si la vérité continue de venir d’en haut ? Il est vrai que l’Eglise nous y a habitées, mais alors où est 1’espoir des femmes en Eglise ?

Cette question reste ouverte. En tout cas, il est certain que les femmes ne se mettent pas en marche vers l’assumation de leur destin terrestre pour se voir confinées au rôles de transmission et de soumission aveugle. Elles veulent être parties prenantes à la marche du peuple de Dieu vers la libération de tous les humains, et la suppression de toutes les oppressions.

Judith Dufour

en concertation avec des membres du .1er groupe de Motréal

{1) Cette position devient alors trop souvent confondue avec la foi de l’Eglise !