LES JEUNES FEMMES DU QUÉBEC

LES JEUNES FEMMES DU QUÉBEC

Rapport d’une étude du Conseil du statut de la femme (*)

Ce document produit par le Conseil du statut de la femme nous livre des informations très précieuses sur les jeunes femmes québécoises de 15 à 29 ans.

Qui sont-elles ?
Elles sont moins nombreuses que les jeunes hommes du même âge (19 % de l’ensemble de la population, alors que les jeunes hommes sont 21 %), et leur poids dans la population est plus faible qu’il y a 20 ans. Parmi elles, 8 % sont nées à l’étranger, 8 % appartiennent à des minorités visibles (surtout dans la grande région métropolitaine évidemment), et 1 % sont autochtones, en hausse).

Elles sont mobiles sur le territoire du Québec, plusieurs pour aller étudier en milieu urbain. Elles proviennent de familles plus réduites, et le quart sont enfants uniques. Leur fécondité sera sans doute inférieure à ce Ile de leurs mères qui déjà avaient moins d’enfants que la génération précédente. Et leur espérance de vie frôlera les 80 ans, alors que les hommes restent·· en arrière de 10 %.

Avec qui vivent-elles ?

Elles habitent souvent à la maison de leurs parents ( 50 % des filles, 61 % des garçons). On constate une hausse des jeunes mariés ou vivant en union libre qui cohabitent avec leurs parents : l’allongement de la scolarité étant la cause principale. Les jeunes femmes choisissent surtout l’union libre. Et la première naissance arrive en moyenne à 27 ans. Lorsque la rupture arrive, ce sont les femmes qui ont la responsabilité des enfants dans la presque totalité des cas. Un nombre croissant de jeunes, hommes et femmes, sont célibataires et vivent seuls. Quelque 7 % vivent avec des colocs, entre le foyer parental et leur propre foyer.

À l’école, que font-elles ?

Les filles d’aujourd’hui affichent une scolarité très élevée par rapport à leurs mères, et aussi à leurs compagnons (du DES aux Maîtrises). Les non-diplômés sont deux fois et demie moins nombreuses que les hommes. Cependant, elles sont encore davantage dans le champ des sciences humaines, des services à la personne, alors que leurs collègues masculins sont surtout dans les sciences appliquées ; il n’y a que l’administration des affaires où ils sont égaux en nombre. Leurs choix de carrière est encore relativement limité, bien qu’il tend à s’élargir, particulièrement à l’université. Mais leur scolarisation plus poussée et leurs meilleurs résultats scolaires ne donnent pas les fruits espérés quand elles s’insèrent en emploi.

À quoi s’emploient-elles ?

Depuis vingt ans, le taux d’activité des étudiantes suit une courbe ascendante : 8 sur 10, de 25 à 29 ans, sont en emploi. Les jeunes mères sont plus nombreuses sur le marché du travail ; elles s’interrompent moins longtemps après la naissance de leur enfant. La conciliation famille/travail est encore souvent le lot des femmes, ce sont elles qui assument le plus souvent les responsabilités avec les conséquences que cela produit sur la carrière. La précarité du travail est générale chez les jeunes : les femmes occupent plus fréquemment qu’avant des emplois non syndiqués, à temps partiel et autonomes. Plus présentes en administration et en santé, et aussi dans les sciences naturelles et appliquées, elles occupent moins d’emplois non qualifiés et font moins de travail de bureau. Elles sont moins en chômage que les hommes et quand elles quittent leur emploi, c’est généralement pour étudier.

Que possèdent-elles ?

Les filles récoltent 57 % des prêts et 65 % des bourses : par contre, elles ont plus de dettes à rembourser après leurs études. Mais leurs revenus d’emplois sont inférieurs à ceux des hommes ; l’écart salarial entre les hommes et les femmes est plus important entre 15 et 19 ans ; il se resserre chez les 20 à 24 ans. C’est la maternité qui fait reculer leurs revenus d’emploi : les pertes financières ne sont pas compensées par les programmes existants. Ce sont surtout les prestations d’assistance/emploi qui sont versées aux  filles, et plusieurs d’entre elles sont monoparentales. Les revenus des jeunes et des jeunes familles, comme on le sait, se sont détériorés depuis 20 ans et leur taux de pauvreté s’est aggravé. Moins de jeunes femmes que de jeunes hommes accèdent à la propriété, et le poids du loyer ou de l’hypothèque est plus lourd pour elles.

Les troubles de l’alimentation touchent davantage les jeunes femmes, entre 15 et 24 ans, que toute autre tranche de la population. Le phénomène est en augmentation et touche les filles de plus en plus tôt. Pour ce qui est du suicide, même si c’est une réalité plus fréquente chez les hommes, il a plus que doublé chez les jeunes femmes de 15 à 19 ans, de 1993 à 1998, mais la consommation d’alcool et de drogues est moindre chez les filles que chez les garçons, et l’usage du tabac a nettement diminué chez les filles depuis dix ans. Les jeunes femmes commencent leur vie sexuelle à 16 ans en moyenne ; elles sont deux fois plus nombreuses que les hommes à être traitées pour une MTS. 11 y a une hausse des grossesses chez les moins de 18 ans, et ‘ce sur une période de vingt ans ; et elles ont eu recours à l’avortement deux fois plus souvent. Les femmes de moins de trente ans correspondent à 41 % des victimes de violence conjugale. Et déjà à l’adolescence, elles subissent de la violence psychologique dans leurs relations amoureuses.

À quoi occupent-elles leur temps libre ?

Les jeunes femmes ont moins de temps libre que les jeunes hommes et le temps de leurs loisirs diminue avec l’âge. Elles consacrent davantage de temps aux sports depuis quelques années. Les sorties entre amis occupent une bonne partie du temps libre. et les filles. comme les garçons. de 15 à 24 ans. préfèrent le cinéma. Les filles lisent davantage que les garçons, et ont plus de diversité dans leurs

lectures.  Le tiers des jeunes femmes s’adonnent au bénévolat, mais de moins en moins avec l’âge, à cause des responsabilités familiales.

À quoi aspirent-elles ?

Le contexte social et économique a fait émerger une génération plus individualiste. Les jeunes font leur place en développant leurs aptitudes personnelles dans un monde de plus en plus concurrentiel. Leurs deux grandes valeurs sont reliées à la vie privée : la vie sentimentale et l’emploi. Mais l’environnement, la lutte à la pauvreté et l’égalité des droits sont aussi des enjeux collectifs importants à leurs yeux. Pour les jeunes femmes, le travail est un moyen d’épanouissement personnel, un lieu de valorisation favorable à la création de liens sociaux autant que le moyen de s’affranchir économiquement. Elles voient le partage des tâches de manière plus égalitaire, même si elles sont encore nombreuses à se garder la responsabilité des enfants. Le désir de maternité est présent, mais il n’occupe pas toute la place : il s’intègre à d’autres projets comme les voyages, les amitiés et autres réalisations.

Les jeunes filles se définissent moins comme féministes que comme humanistes. Le féminisme radical et collectif ne les attire pas, et leur souhait de relations plus égalitaires avec les hommes relève de leurs revendications plus individuelles ; elles veulent que les hommes participent à leur démarche. En cela, elles se distinguent de celles qui les ont précédées ; les regroupements de femmes les intéressent moins. Celles qui se mobilisent ont découvert, au fil de leurs expériences, qu’il n’y a rien d’acquis. Elles se voient mieux dans un féminisme  » de troisième vague « , (cf. J. Baumgardner et .A. Richards, Manifeste : les jeunes femmes, le féminisme et le futur) jugeant leurs mères de la  » deuxième vague  » trop sérieuses, manquant d’humour ! La culture aurait remplacé la politique comme lieu de militance.

Peut-être l’avance que les filles semblent avoir sur les garçons, leur réussite scolaire, leur inscription dans le monde du travail, etc. sont-elles des conséquences du mouvement social d’affirmation des femmes dans nos sociétés occidentales. Une nouvelle conscience féminine s’est transmise aux cadettes qui y mettent leur touche propre.

Elles semblent tirer profit des luttes menées par leurs aînées. Mais sauront-elles affronter tous les défis posés par les enjeux modernes ? Continueront-elles à s’imposer dans toutes les sphères d’activités, et inspirer les générations futures ?

Compte-rendu de Louise Melançon, Myriam

(*) Des nouvelles d’Elles. Les jeunes du Québec, Document d’information sur les jeunes Québécoises de 15 à 29 ans, Gouvernement du Québec. 2002, 97 p.