Lettre-hommage à Monique Dumais

À la sœur-féministe, la collègue, l’amie

Chère Monique,

Lors de notre dernier échange, pour notre anniversaire commun, le 9 août dernier, je t’annonçais ma visite, à l’occasion d’un projet de voyage en Gaspésie, en septembre… Tu ne m’as pas attendue… un autre rendez-vous t’attendait… Je ne le savais pas si proche… Je suis encore hébétée, dans l’émotion de ce départ rapide…

J’avais voulu faire mémoire, d’une certaine façon, de ce voyage du début de ma retraite, en septembre 1999, où tu m’avais reçue dans ton couvent, dans tes appartements… J’ai encore le souvenir vif de ton hospitalité, de ton écoute, de nos échanges, de nos confidences, de nos partages. Ces moments restent pour moi comme un condensé de ce que fut notre relation depuis le début, à partir de la première rencontre, en août 1976. Tu revenais de tes études en théologie à New York, et moi de Paris. Je répondis à ta lettre d’invitation aux femmes souhaitant former un groupe, un rassemblement de femmes croyantes — engagées dans l’Église, théologiennes ou à la recherche de leur évolution spirituelle — pour s’engager dans la mouvance des groupes féministes que tu avais connus aux États-Unis. Tu m’apparus comme une entraîneuse… Tu répondais à un élan intérieur qui t’a habitée toute ta vie. Le chemin que j’ai parcouru en te suivant, toi et notre groupe de L’autre Parole, a été déterminant pour mon développement humain et spirituel.

Les années 1980, notamment, ont été très riches en apprentissages de notre prise de conscience féministe, et de notre participation à ce mouvement des femmes que nous voulions voir prendre sa place dans l’Église. À l’occasion de nos voyages en France, ou à Boston (quelques mois de congé sabbatique en 1982), à Prague (le dernier), tu me faisais rencontrer des personnes avec lesquelles tu étais déjà en contact : quelle facilité tu avais pour établir des liens ! Ton goût pour les voyages s’exprimait aussi dans un tourisme enrichissant à travers des concerts et des visites artistiques. Tous ces jours passés ensemble étaient propices aux confidences, à des échanges sur nos vies, autant que sur le plan intellectuel. Nous apprenions à nous connaître, avec nos accords et nos différences. Ainsi se développait notre amitié.

À titre de collègue théologienne, tu as aussi été la fonceuse, lors des congrès de la Société canadienne de théologie (SCT) pour que nous présentions des ateliers sur les questions-femmes. J’ai pris ainsi le chemin des recherches en théologie féministe, comme toi, avec toi, ce qui était tout un défi. Il nous a fallu persévérer, rien ne nous était donné. Les fruits sont venus plus tard…

À travers toutes ces années de compagnonnage, je t’ai admirée pour ta grande énergie, ta force, ton rayonnement. Par-dessus tout, j’admirais ton talent pour l’écriture, avec la discipline que cela requiert. Tu as été très prolifique, exprimant généreusement tes idées, tes recherches, tes visions, sur le plan éthique ou théologique. Une écriture belle, riche, nourrie par tes expériences, une écriture très incarnée, une écriture comme une poésie. Souvent, tu puisais ton inspiration dans ce fleuve qui était ton environnement, qui faisait partie de ton territoire, de ton imaginaire, de ton âme, je dirais… Que j’aimais cet aspect de toi !

Au lendemain de la triste nouvelle de ton départ, j’ai commencé ma journée avec le livre de toi que je considère comme le plus personnel, et qui m’avait beaucoup touchée lors de sa parution : Choisir la confiance (Médiaspaul, 2001). Tu nous livrais alors le secret de ta personnalité, de ta vie finalement : « le plus beau cadeau » reçu de tes parents, dès tes premières années, la confiance… : « j’ai toujours senti qu’ils croyaient en mes possibilités, qu’ils me laissaient accomplir ce que je souhaitais, même s’ils étaient parfois surpris de mes audaces. » (p.9) Tu m’avais fait cette confidence, deux ans auparavant, lors de mon passage à Rimouski. La sécurité affective, l’estime de soi, ces fondations essentielles à la réussite de la confiance en soi, aux autres, à la vie, tu les avais reçues, avant de les transmettre par ta personne, par tes écrits, par tout ton engagement. Je suis tellement reconnaissante d’avoir été mise sur ton chemin pour en recueillir ma part !

Je termine en reprenant ce que tu écrivais en introduction de ce livre sur la confiance. Qui aurait pu mieux dessiner cette femme que tu es !

Tu seras toujours celle-là dans mes souvenirs…

Avancée dans la confiance1

La confiance
fait belle figure,
a de longues jambes
pour parcourir
avec patience
de vastes espaces.

Elle possède en elle-même
des dynamismes
qui la font progresser
sans fracas,
comme une marée
qui monte imperceptiblement
et finit par recouvrir tout le rivage.

Elle ne s’étonne pas
des difficultés ;
elle les voit
comme de nécessaires éperons
pour faire avancer
la monture de ses projets.

Seule, elle n’est jamais solitaire
Elle va vers les autres,
découvre leurs merveilles,
se laisse séduire
et crée avec son doux sourire
des relations durables.

La confiance est venue
prendre demeure chez moi,
elle m’assure
qu’elle sera une compagne
tendre et constante
pour les jours à venir.

  1. DUMAIS, Monique. Choisir la confiance, Médiaspaul, 2001.