Liminaire 150

Liminaire

Parler de la Sagesse incarnée aujourd’hui peut paraître risqué pour certaines personnes. C’est pourtant le défi qu’ont voulu relever les membres de L’autre Parolelors de leur colloque du mois d’août 2018. L’incarnation du féminin passe bien sûr par de nombreuses voies, mais, dans la Bible, elle est fortement représentée dans les textes sapientiaux, en particulier dans le Livre de la Sagesse, les Proverbes, Qohélet et Siracide. Si notre collective féministe et chrétienne s’y est intéressée, c’est que la Sagesse est souvent présentée comme la figure féminine du divin. Elle nous introduit à un renouvèlement de nos images de Dieue. Réfléchir et mieux découvrir comment elle s’incarne, c’est aussi nous pencher sur les qualités créatrices et féministes dans la Bible à travers nos expériences de femmes.

Pour entrer dans ce sujet quelque peu complexe, le groupe Bonne Nouv’ailes propose un cercle de parole et invite les femmes présentes à exprimer brièvement leur vision de l’incarnation de la Sagesse qui, par un poème, un chant, un souvenir, une expérience vécue. Partages d’une richesse nourrissante et d’une grande profondeur. C’est lancé ! Pour explorer encore ce thème, une des participantes confie comment la Sagesse s’incarne en elle à travers les processus de réflexion et de conscientisation vécus au cours de son cheminement dans L’autre Parole. Pour elle, la découverte et l’affermissement de la théologie féministe de la libération a permis à la Sagesse de prendre place dans ses expériences de vie.

Le samedi matin, à partir de lectures d’extraits de textes signifiants, six membres proclament divers visages de la Sagesse au cours de nos histoires de femmes du Québec. L’une rappelle des figures de femmes libératrices dans la Bible et souligne comment la Sagesse s’incarne dans nos corps. On proclame ensuite quelques extraits de la pièce Les fées ont soif dans laquelle les images de la Vierge Marie, proposées par la culture religieuse patriarcale, sont déboulonnées. Thème toujours actuel puisque cette pièce a été représentée en 2018. Deux extraits de textes de Monique Dumais sont lus : Se donner naissance : une première ligne de force éthique contenue dans les discours féministes et Une éthique de la créativité dans quelques discours féministes. Pour terminer, on propose à l’assemblée le Manifeste des femmes du Québec de l’an 2000, écrit par Hélène Pedneault et qui demeure toujours d’actualité. Lus avec intensité, ces textes de notre patrimoine féministe éveillent chez chacune émotions et fierté.

Un moment fort et très significatif pour les membres est sans contredit la célébration du samedi soir. Intitulée L’incarnation de la Sagesse, ce rituel commence par une procession avec le chant Recherchons la Sagesse pour manifester comment la Sagesse nous recherche autant que nous la désirons. Une danse, exécutée par l’une d’entre nous, met en scène une représentation de la Sagesse : « La Sagesse incarnée est venue m’habiter. C’est Dieue proche et fragile au cœur de l’Évangile » (Les sœurs Marleau).

Ce temps est aussi consacré à la proclamation des réécritures créatives réalisées par les participantes. On y retrouve des actualisations de Proverbes 30,24-33 et 8,22-31 ; Job 28,20-28 ; 1 Corinthiens 1,17-25 ; Jacques 3,8-18. Ces textes redits pour aujourd’hui trouvent tous écho dans nos vies de femmes du XXIe siècle. Pour terminer, nous rendons hommage à quelques femmes de notre matrimoine qui ont représenté des visages de Sagesse : Marie-Louise Trichet, fondatrice des Filles de la Sagesse, Monique Dumais, co-fondatrice de la collective, Marie Gratton et Yvette Laprise, membres de L’autre Parole, décédées encore récemment.

Pour terminer ce numéro, deux textes qui se rejoignent. L’un présente les réflexions d’une nouvelle participante au colloque et l’autre, une méditation sur « Elle est où la Sagesse ? ». Ce thème de l’incarnation de la Sagesse continue de nous habiter et de confirmer que Dieue est au-delà des genres, qu’Elle se rencontre dans la Création, dans la Bible et dans chacune de nos existences.

Excellente lecture !

Pierrette Daviau, pour le comité de rédaction.