PARLONS D’IMMIGRATION

PARLONS D’IMMIGRATION

Monique Dumais, Houlda

Avec le roman…

Je m’appelle Bosnia, Madeleine Gagnon, Montréal, VLB éditeur, 2005, 234 pages.

« En décidant de quitter la Bosnie-Herzégovine, elle s’était donné comme surnom Bosnia (son ancien prénom, Sabaheta). S’appeler Bosnia, c’était se donner une nouvelle vie, sans trahir l’ancienne, c’était quitter son pays sans l’abandonner tout à fait. » (p. 18)

Dans ce roman, Madeleine Gagnon veut aller par la fiction au-delà de son  émouvant essai  Les femmes et la guerre (VLB, 2000).  Avec l’histoire de jeunes amants réfugiés, Bosnia et Adem, elle veut opposer à la folie meurtrière les forces de résistance que sont l’amour, l’écriture et le droit humanitaire international.  Trois parties :  Bosnie-Herzégovine, France, Québec, marquent le rythme de ce livre, trois moments où l’apprentissage de la vie est différent. La première partie est la plus bouleversante sur le plan des violences meurtrières avec les bombardements, la mort des deux amies de Bosnia, la maladie psychiatrique de sa mère.  « Oui, l’enfer, c’est la guerre. » (p. 28) La deuxième nous fait découvrir le premier exil en France où un couple ami les accueille et les soutient dans leur démarche d’intégration. La troisième se déroule au Québec, où, surprise ! Bosnia séjournera à Rimouski chez Pauline, une psychanalyste retraitée. Elle s’éveille alors à l’écriture : « Je sais ce que je vais faire de ma vie, je vais écrire, et je vais écrire en premier un roman qui s’intitulera : Les oiseaux de Squatec. »  (p. 234)

C’est tout Madeleine Gagnon qui vibre dans ce livre, cette écrivaine originaire d’Amqui, qui a vécu quelques moments à Rimouski. S’y retrouve son engagement dans l’écriture, ce besoin d’écrire l’indicible, de garder contact avec la mémoire, quelque pénible que ce soit.

La première phrase du livre nous saisit : « Longtemps, j’ai connu le bonheur. » (p. 13) Le style de Madeleine Gagnon émeut aussi par sa concrétude : « Bosnia toucha, goûta les chaudes rigoles sur ses joues, oui, c’étaient bien des larmes, ces minuscules ruisseaux salés qui ne descendent pas des montagnes… » (p. 30) « L’exil est un doux rêve en même temps qu’un arrachement atroce. » (p. 78)

… et un document

Des nouvelles d’elles.  Les femmes immigrées du Québec, Québec, Gouvernement du Québec, 2005, 104 p.

C’est le temps de découvrir qui sont les femmes immigrées au Québec. Les statistiques proviennent du recensement de 2001. J’ai retenu quelques éléments qui m’apparaissaient plus significatifs.  Pour une information complète, consulter le document.

 D’où viennent-elles ? Aux trois premiers rangs : de l’Italie : 9.3 % ; de Haïti : 7.6 % ; de la France : 6.6 % ; pour un total de 358 675. Elles immigrent pour travailler, pour rejoindre la famille, pour trouver refuge.

Qui sont-elles ? 32 % ont entre 45 et 64 ans, 73 % connaissent le français en plus de plusieurs autres langues parlées le plus souvent à la maison. Elles sont de plus en plus scolarisées, 18.8 % ont un grade universitaire.

Quelle est leur religion ? Le portrait est diversifié au sujet des religions. « Celles qui se déclarent catholiques sont les plus nombreuses (47 %) suivies, de loin, des protestantes (12 %),  venant ainsi grossir les rangs des religions traditionnelles et dominantes de la société québécoise. Presque 10 % des femmes immigrées s’affirment musulmanes, un peu moins se disent orthodoxes chrétiennes (8 %), bouddhistes (4 %), juives (4 %), hindoues (2 %) et sikhs (1 %) » (p. 29).

Où vivent-elles ? Dans le Bas-Saint-Laurent, 0.7 %, au Saguenay-Lac-Saint-Jean 0.8 % ; dans la Capitale-Nationale, 2.8 % ; dans l’Estrie, 3.6 % ; à Montréal, 27.2 %, etc.

Que font-elles… dans la sphère privée ? Pour un grand nombre d’immigrantes, la maternité se superpose à l’expérience de la migration. 13 % ont formé une famille monoparentale. Dans les familles monoparentales immigrées, 84 % sont dirigées par une femme, contre 80 % pour l’ensemble des familles monoparentales québécoises. Plus de la moitié des mères immigrées monoparentales avec enfants mineurs n’ont qu’un enfant.

Que font-elles… dans la sphère publique ? Globalement, moins de femmes immigrées appartiennent à la population dite active ; 52 % contre 58 % pour l’ensemble des Québécoises âgées de 15 ans et plus. Ce sont des situations variables selon la période d’immigration, selon le niveau de scolarité, selon le continent ou la région de naissance, selon l’âge, selon la langue. La connaissance du français et de l’anglais joue un rôle dans la qualité de l’insertion en emploi.  Celles qui disent ignorer l’anglais et le français vivent les conditions les plus pénibles. Cependant la plus grande difficulté, c’est la déqualification professionnelle dans les premières années de leur arrivée. Ainsi, si 8 % des immigrantes travaillaient en gestion dans leur pays d’origine, elles ne sont plus que 2 % à le faire au Canada.  Par contre, à peine 4 % se trouvaient dans le domaine de la transformation et de la fabrication à l’étranger alors qu’ici, elles sont 18 % à gagner leur vie avec un emploi dans ce secteur.

Le cas du travail domestique en vertu du Programme fédéral des aides familiaux résidants. Depuis 2000, par exemple, quelque 240 personnes en moyenne par année sont accueillies dont les trois quarts sont des femmes. Elles proviennent essentiellement des Philippines.

À noter les filières d’entrée piégées : les épouses par correspondance recrutées le plus souvent par l’intermédiaire d’Internet, des travailleuses recyclées dans l’industrie du sexe.

Combien gagnent-elles ? Presque une femme immigrée sur 10 (9 %) est sans revenu, comparativement à 7 % des Québécoises et à un homme immigré sur 20 (5 %). La moitié des femmes immigrées sont concentrées dans les quatre secteurs les moins rémunérateurs où le revenu annuel médian oscille entre 12 292 $ et 16 043 $. Une bonne surprise, des femmes immigrées dans neuf régions du Québec, – surtout périphériques – , profitent d’un meilleur revenu que l’ensemble des Québécoises de leur région ; leur niveau de scolarité et la période d’immigration pourraient fournir une explication.

Comment vont-elles ? Les femmes immigrées sont en général en très bonne santé lorsqu’elles arrivent puisqu’elles doivent répondre aux normes relatives à l’admission, incluant l’état de santé.  Elles consomment moins de médicaments que les Québécoises dans leur ensemble, mais davantage que les hommes immigrés.   Plus de femmes que d’hommes des groupes culturels observés souffrent de symptômes d’anxiété et de dépression.

Que veulent-elles ? Le besoin le plus urgent et le plus important, c’est d’apprendre le français.  Suit la reconnaissance des compétences, surtout pour celles qui sont les plus scolarisées.   La lutte à la violence conjugale est une de leurs priorités comme c’est le cas chez les groupes de femmes en général. Elles aiment participer à la vie citoyenne et souhaitent un soutien aux associations et aux services destinés aux femmes immigrantes.

Voilà un document de grande qualité dirigé par Thérèse Mailloux. Les données scientifiques, la bibliographie en font un dossier solide, important pour des références. Son format est très beau ; de nombreux graphiques illustrent les propos du texte. Chaque partie est introduite par une photo d’une immigrée : 12 belles photos en tout.