PAROLES D’ANDREE PILON-QUIVIGER :

PAROLES D’ANDREE PILON-QUIVIGER :

« L’ÉDEM ÉCLATE »

Un cri, un ventre, un écrit qui tisse, déchire et retisse l’expérience d' »être », l’expérience « d’être .femme ». C’est à travers sa nudité de femme, de mère surtout, qu’Andrée nous permet de suivre le long chemin de  ses questions, de ses interrogations de foi. Elle a quarante ans « déjà » ••• ! Il lui reste ••• plume, papier, expérience ouverte sur le monde et mots de poétesse. Il nous reste à lire, à comprendre et surtout à être ébranlées au creux de nos questions existentielles ••• bouleversée au coeur de mon expérience d’enfantement, de maternage, de .féminitude et de foi.

Andrée est maman ••• elle nous livre : « De quelque part émerge un malaise dont je me refuse de chercher le nom » (P 21). Elle décrit les illusions, les mythes qui entourent et bercent les porteuses d’enfants ••• Celles qui imaginent être le « tout » pour ces petits êtres …. Mais n’est ce pas un « tout » qui possède un trou, un vide ? Oui, mères, nous sommes terriblement limitées, seules et petites ! Mon enfant, mon amour, je n’ai que moi-même à « t’offrir » (P· 30) ••• et plus loin : « L’arbre de vie émerge des racines périssables. • Mes enfants il n’y a pas de vérités pures ». Mais pourquoi tant de limites, pourquoi tant d’espoirs déçus ? •••  Il semble que nous n’ayons pas compris nos limites existentielles, nous avons fermé nos yeux ••• Ou plus justement : on nous a appris à  les baisser !

Ainsi nos grossesses, nos accouchements, ne sont-ils pas les expériences ultimes de nos limites et surtout de nos angoisses les plus profondes ?   Pour Andrée, son expérience globale de maternité est éclatement, solitude, angoisse et distance. Expérience qui nous renvoie cruement à la nudité de la Condition humaine. « Je te rends grâce enfant de mes amours et de mes pleurs, bourgeon de la Sauvage, qui détériore mes puissances mythiques et me situe les pieds dans l’étrier de la Condition humaine » p. 83.

Et Andrée nous chavire vers d’autres problématiques siennes :

Parler l’angoisse :

« Derrière la culpabilité grouille l’angoisse originelle.La honte d’être sexuelle, relève du sentiment d’infinitude » p. 42.

Parler l’amour :

 « Quand je t’aperçois dans l’embrasure de tes identités secrètes, je me lève au dedans et je m’avance ••• J’espère aux fondaisons, je me renie et je m’affirme » p. 93.

Parler la peur des richesses :

« Mais à  trop chercher le beurre sur le pain et à trop se passionner pour la finesse des tissus, on échappe à la saisie du souffle ténu qui passe dans le désert de la brise légère perceptible dans le seul silence » p. 105.

Parler la foi :

 Son cheminement de foi, si étrangement lié à la force, la soif et la succession de ses pas •••

arler l’Eglise :

« J’ai cherché 40 années le petit peuple nomade et je suis tombée sur la foule installée dans les sacrements dont il faudrait chercher longtemps de quoi ils sont signes » p. 107.                    ·

Parler les sacrements :

Ils sont tellement décrochés. de la réalité, tellement vides de sens qu’Andrée, à travers les entrailles de son expérience globale de la maternité, nous ouvre les pistes de son interprétation des évangiles et de sa compréhension des sacrements :

–                         « Je suis baptisée quand je signe mon coeur au centre d’une expérience vécue » p.  113.

–                        « L’esprit se donne là où, emmuré dans sa pauvreté, l’homme accomplit les pas décisifs en faveur de sa croissance » p. 117.

–                                      « Le pain et le vin, ensemble célébrés, sont le signe de notre appartenance humaine et symbole de l’altérité de Dieu » p. 118.

–                                      « Ila rencontre des différences constitue la « grande épreuve des mariées ». Et la fidélité réelle veut que chacun promeuve la vérité de l’autre, dût­ elle les séparer » p. 125.

Les paroles d’Andrée sont paroles de Femme et donc paroles de son corps : « Bienheureuse la Vierge vidée par la Sauvage. J’éclate. D’entre mes jambes coulent l’eau et le sang, sacrements des mystères de la vie » p. 60.

Si je vous ai tant réécrit les Paroles d’Andrée, c’est que le style de son écrit m’avait appelée ; j’espère qu’il vous appellera, vous, femmes, à votre tour !

En arrivant au bout de son chemin, je ne peux m’empêcher de vous livrer les derniers mots de son magnificat.

« Je te salue, Marie, debout contre le bois concret. Impuissance absolue du cri maternel. Echec intolérable du ventre possesseur. Ultime séparation par voit de déchirure. Je te salue violée par la Sauvage, quittée par le Fils et soumise au mystère » p. 138.

Béatrice Gothsoheck