Pour ne plus avoir peur 8 mars 2000

Pour ne plus avoir peur 8 mars 2000

Pour ne plus avoir peur de dire

Ce qui me touche, me chavire

Tout ce qui m’habite vraiment

Pour un instantDire le monde où je vis

Et nommer à mon tourLe passé, le présent

Marie-Claire Séguin.

Je vous regarde, et tout à coup j’entends une petite voix dans ma tête qui me dit : Qu’est-ce que tu fais là ? Je crois même entendre certains, certaines d’entre vous se dire : Elle ! Qu’est-ce qu’elle fait là ? Et si j’écoutais, je prendrais mes jambes à mon cou et je m’enfuirais loin d’ici. Mais j’entends aussi une autre voix, une voix qui vient du fond de mon être et qui me dit : Va, suis ton élan, ose, marche, entre dans ta vie. Voilà pourquoi je reste ici avec vous. Mais, il y a aussi une autre raison.

Pour moi, la journée des femmes c’est une merveilleuse occasion de faire mémoire ; faire mémoire de toutes ces femmes qui nous ont précédées et qui ont fait l’histoire ; mais aussi faire mémoire de nos expériences présentes qui nous inscrivent dans l’histoire, comme cette marche que l’on prépare.

Faire mémoire, c’est se redire, c’est revivre de l’intérieur les événements importants de la vie, de notre vie. C’est se rappeler comment, dans notre propre histoire, on a trouvé un chemin de vie, comment on a risqué l’avenir, comment on s’est vécu dans le passé, comment on se vit au présent pour sentir vers où cela nous conduit. Célébrer ensemble la journée des femmes, c’est faire mémoire pour nous donner espoir, pour nourrir notre espoir.

Vous savez, quand on risque un chemin, quand on se met à marcher, on est toujours seule au moment du départ. Mais, en partageant avec des amies j’ai réalisé que je ne marchais pas seule sur ce chemin et que, même si le chemin ne nous conduit pas toutes au même jardin, nous pouvons marcher ensemble, solidaires.

Mais c’est vrai, au début, on est seule, isolée, coupée du monde, comme une chenille dans son cocon : immobile, presque sans vie ; c’est le temps, comme dirait mon ami, des silencieuses besognes intérieures, qui font parfois beaucoup de bruit ; ceux qui nous entourent en sont témoins.

Puis un jour, on se remet à marcher dans un jardin abandonné, parfois depuis très longtemps ; alors on a très peur. On a très peur qu’il ne fleurisse plus, qu’il soit mort à jamais et qu’on meure avec lui. On doute de la puissance de vie qui est en lui, en nous. Alors, on cherche désespérément autour de nous des signes qui nous donneraient espoir, qui nous permettraient de croire que ce chemin qu’on a pris, c’est le bon ; qu’il nous conduit vraiment vers une vie plus pleine, plus belle, vers un jardin habité, fécond.

Et souvent, on ne trouve pas, on se décourage, on a envie de tout lâcher. Alors on se tourne vers ses amies, vers un Centre de femmes et, ensemble, on cherche, ensemble on se réconforte, ensemble on se redit vers quoi, vers où ons’en va ; que ce cocon dans lequel on se sent enfermée, c’est juste un passage et que, même si on ne la voit pas, même si on ne la sent pas, la vie est là, et qu’un jour on sera des papillons. Alors on continue de marcher, parfois courbée, parfois debout, mais ensemble, solidaires : pour ne plus avoir peur de vivre, pour ne plus avoir peur de dire, et dans mon cas, pour ne plus avoir peur de chanter…

HELENE DUFRESNE LOYER, SHERBROOKE