Présentation du Cahier : Paroles sur Les fées ont soif (1979)

PRÉSENTATION

PAROLES SUR LES FÉES ONT SOIF

Le collectif L’autre Parole – Cahier numéro 1

Le 10 novembre 1978 avait lieu la création de la pièce intitulée : Les fées ont soif de Denise Boucher au Théâtre du Nouveau Monde (TNM). Des mois avant la première, un débat faisait rage dans les journaux. En effet, le Conseil des arts de la région métropolitaine de Montréal avait signalé au TNM qu’il ne subventionnerait pas la pièce Les fées ont soif. Une diminution de 15 000 $ se dessinait dans un budget serré (Le Devoir, 31 mai 1978, p. 13). Le conseil d’administration du théâtre avait décidé qu’il n’accepterait pas la censure et maintenait l’œuvre à sa programmation. Un geste courageux. La première de la pièce n’avait pas eu lieu que les passions étaient déchainées. Avec le début de la pièce, la polémique a continué de plus belle, marquant la société québécoise et les femmes du Québec tout particulièrement.

Afin qu’une prise de parole féministe et chrétienne puisse être entendue, en mai 1979, des membres de L’autre Parole, sous la direction de Monique Dumais, organisaient un atelier au Congrès de l’ACFAS tenu à Montréal sur la pièce de théâtre, Les fées ont soif.

Le collectif, comme nous le nommions à l’époque, a publié les textes des quatre présentations de l’atelier dans une brochure intitulée Paroles sur Les fées ont soif. Après l’annonce de la reprise de la pièce du 25 septembre au 10 novembre 2018, au Théâtre du Rideau Vert, à Montréal, nous avons relu ces articles et nous croyons que ces premières analyses à chaud d’un phénomène sociétal majeur pour le Québec méritent d’être partagées en utilisant les moyens modernes de communication.

Nous avons reproduit le livret tel que fabriqué en 1979 avec une erreur dans l’ordonnancement des pages lors de l’impression. L’introduction n’est pas au début de la brochure, il n’y a pas de sommaire, ni pagination continue, ni accents sur les lettres majuscules, car à l’époque, les machines à écrire ne les permettaient pas et ni corrections des coquilles ! Pour vous faciliter la vie, nous avons joint un sommaire, mais la pagination reste telle qu’elle était — une page « 1 » se retrouve donc pour chaque article !

Plusieurs membres de la collective ont déjà acheté leurs billets pour aller voir ou revoir la pièce de théâtre qui a marqué leur vie personnelle, sociale et politique… certaines iront avec leur fille.

Quarante ans plus tard, quelles lecture ou relecture ferons-nous de la pièce ? Peut-elle nous ramener à une radicalité féministe ? Soulèvera-t-elle des passions comme à l’époque ? Quelles sont les avancées tant en Église qu’en société ? Outre la question de Marie, vierge et mère, et celle du viol, qu’en est-il des autres formes de violence dénoncées par les personnages de Denise Boucher ? Qu’en est-il de la prise de conscience par les femmes « d’une oppression millénaire mâle » et du rôle de l’Église dans tout cela ? Reprenant les mots d’une des auteures de la brochure : un mouvement de « solidarité capable de jeter les bases d’une société nouvelle sans exploitation de la femme par l’homme, ni, non plus, d’exploitation des femmes et des hommes par des groupes de femmes et d’hommes en position de pouvoir » a-t-il pu se mettre en place ? Oui, la reprise des Fées ont soif peut permettre de jeter un regard sur les quarante dernières années, mais surtout, nous l’espérons de jeter des balises pour continuer la longue marche de libération des femmes.

Pour lire ce cahier spécial paru en 1979 : Paroles sur Les fées ont soif

Le comité de rédaction

Quelques extraits de Paroles sur Les fées ont soif

Avec Les fées ont soif, le religieux fait son entrée dans le champ des études féministes à réaliser pour parvenir à une réelle libération des femmes.

Marie-Andrée Roy, « Pour une relecture des Fées ont soif », Paroles sur Les fées ont soif, Cahier no 1, le collectif L’autre Parole, page 1.


La pièce [Les fées ont soif] a permis de lever le voile sur le fonctionnement de la droite au Québec.

Marie-Andrée Roy, « Pour une relecture des Fées ont soif  », Paroles sur Les fées ont soif, Cahier no 1, le collectif L’autre Parole, page 1.


[Les auteures, f]éministes, chrétiennes mais surtout femmes agrippées au quotidien, viscéralement attentives aux distorsions engendrées par leur vécu et les valeurs en cours, elles savent très bien que l’Église a participé à la formation du discours idéologique dominant et qu’en tant qu’institution, elle pratique toujours le sexisme dans son organisation.

Le comité de coordination de L’autre Parole, « Introduction », Paroles sur Les fées ont soif, Cahier no 1, le collectif L’autre Parole, page 1 de l’« Introduction ».


Comme théologienne et comme féministe, je suis fortement intéressée par la dénonciation des images aliénantes pour les femmes, lancée par Denise Boucher […] Cette interpellation dramatique exprimée dans une langue provocante rejoint quelques-unes des préoccupations profondes qui hantent tout mon être de femme québécoise, croyant en Jésus libérateur, située dans l’Église et engagée dans l’évolution de la théologie.

Monique Dumais, « Ma lecture de la pièce Les fées ont soif comme théologienne féministe », Paroles sur Les fées ont soif, Cahier no 1, le collectif L’autre Parole, page 1 dudit article.


Marie de Nazareth a droit qu’on la considère dans toutes ses dimensions de femme, femme vivante, active, pleine d’initiative, ayant une sexualité, présente à ses désirs, ouverte sur l’humanité et sur l’éternel, en cheminement face à son identité.

Monique Dumais, « Ma lecture de la pièce Les fées ont soif comme théologienne féministe », Paroles sur Les fées ont soif, Cahier no 1, le collectif L’autre Parole, page 8 dudit article.


Marie, la ménagère […], Madeleine, la putain […], la statue […] Tout au long de la pièce, nous assistons à un désir lancinant, profond, de libération chez ces trois femmes, qui peu à peu deviennent mutuellement plus conscientes de leur aliénation […] Les types dans lesquels elles ont été encadrées semblent refléter étrangement les désirs masculins […] dans l’espace, le temps… et l’imagination !

Béatrice Gothscheck, « Les fées ont soif — de Denise Boucher — Quelques remarques pour une interprétation théologique », Paroles sur Les fées ont soif, Cahier no 1, le collectif L’autre Parole, pages 2-3.


[U] ne première hypothèse : Le mouvement féministe est subversif. Or, tout mouvement subversif dérange l’ordre établi et est ainsi sujet à la répression de la part des pouvoirs en place. (Page 1)

[…]

Denise Boucher, par sa pièce fournira, aux classes dirigeantes aux abois, une occasion en or. Toucher à la Vierge Marie, c’est dévoiler l’âme noire des féministes ! Après cela jusqu’où iront-elles ? (Page 4)

[…]

Pour le monde ordinaire, un dogme est moins important que pour ceux qui en discutent dans des facultés de théologie ou à l’archevêché.

Le scandale a moins remué les femmes dans le sens de leur fidélité à l’Église que dans le sens d’une remise en question de leur relation à Marie. (Page 5)

Judith Dufour, « Les fées ont soif de Denise Boucher – Deux hypothèses de travail pour une analyse politique et féministe du phénomène », Paroles sur Les fées ont soif, Cahier no 1, le collectif L’autre Parole.


[U]ne seconde hypothèse […] Dans l’inconscient collectif au Québec, il existait un malaise dont les femmes n’avaient jamais sondé la nature et dont la pièce de théâtre a été un révélateur.

En effet, l’Église mâle a donné aux femmes, pour modèle un symbole inatteignable : une vierge mère. À mon avis, c’est l’aliénation suprême que d’imposer du dehors un modèle et que ce modèle soit inatteignable. (Page 5)

[…]

Il reste à savoir si la conscience d’une oppression millénaire mâle, créera, chez les femmes, une solidarité capable de jeter les bases d’une société nouvelle sans exploitation de la femme par l’homme, ni, non plus, d’exploitation des femmes et des hommes par des groupes de femmes et d’hommes en position de pouvoir. (Page 7)

Judith Dufour, « Les fées ont soif de Denise Boucher – Deux hypothèses de travail pour une analyse politique et féministe du phénomène », Paroles sur Les fées ont soif, Cahier no 1, le collectif L’autre Parole.