Recension : À PROPOS DU DOCUMENTAIRE FEMME(S)

Suzanne Loiselle, Auxiliatrice
Intervenante à l’émission Foi et turbulences (Radio Ville-Marie)
Militante au Collectif Échec à la guerre

Pendant plus de 4 ans, Anastasia Mikova et Yann Arthus-Bertrand sillonnent les routes du monde à la rencontre de femmes de diverses conditions, générations, cultures et croyances. Des entrevues avec 2 000 femmes de 50 pays sont réalisées. Résultat : le long métrage documentaire Femme(s) à la fois intimiste, choquant, poignant.

Sans filtre, à visage découvert, face à la caméra, les « héroïnes » témoignent en direct de leurs expériences, de leurs histoires, de leurs drames, mais aussi de leurs plaisirs, de leurs joies, de leurs rêves. En toute transparence, elles y abordent la séduction, l’amour, la sexualité, la beauté, le mariage, la maternité, l’éducation, le travail, l’autonomie financière, le pouvoir. Elles partagent leurs peurs et leurs blessures, les injustices subies et les inégalités liées au genre, les violences insupportables, tels l’excision, le trafic humain, les viols de guerre, les brûlures à l’acide. On y retrouve des mères, des pédagogues, des artistes, des paysannes, des politiciennes, des intellectuelles. Parmi elles, les unes sont mariées de force, d’autres sont privées de scolarisation, du droit de vote, de leur citoyenneté.

Dans cette production cinématographique, la parole est donnée aux femmes et elles la prennent avec douceur et conviction.

« J’adore être une femme… » « J’aime la tendresse, la sensibilité… » « Je ne me tairai plus sous prétexte que c’est déshonorant… » « En tant que femme, je peux faire quelque chose pour que le monde change demain… » « Peu importe leur race, leur couleur, leur ethnicité, les femmes méritent le respect… » « Les femmes vont se battre pour leurs droits… » « Parfois, je dérange. Je dis que même Dieu devrait être une femme… »

Autant de paroles uniques et fortes qui traversent l’écran. « Une fois devant la caméra, c’est comme si elles avaient attendu ce moment toute leur vie. C’est comme si elles avaient un besoin essentiel, presque viscéral, de parler » confiait, dans une entrevue à Radio-Canada, la co-réalisatrice Anastasia Mikova. Oui, elles parlent haut et fort de leurs parcours de vie, modelés par leur histoire personnelle, leur culture, leur spiritualité. Ces femmes qui prennent la parole sont anonymes, comme l’est leur pays d’origine, bien qu’on puisse à certains moments deviner leur provenance, soit par la langue parlée, soit par l’habillement.

Les femmes du documentaire se révèlent tour à tour avant-gardistes, féministes, battantes, héroïques, libres, indignées, amoureuses de la vie. Mais elles se disent aussi seules, exploitées, marginalisées… De préoccupations plus générales à leurs propres cheminements, l’expérience de vie de ces femmes touche et dérange. Leurs récits bouleversent, leurs témoignages décapent, leurs prises de parole interpellent, leurs silences donnent le vertige… Portée par la superbe musique du compositeur français d’origine marocaine Armand Amar, je me suis sentie appartenir à cette communauté de femmes à la fois fragiles et déterminées, dignes et résilientes.

Explorer le monde à travers le regard et le vécu de femmes, voilà le défi relevé par ce magnifique documentaire plein d’humanité. Percutant, Femme(s) frappe fort et laisse des traces bien après son visionnement. Vraiment à voir.