Réflexion sur un aspect de notre système de santé : les CLSC

Réflexion sur un aspect de notre système de santé : les CLSC

Yveline Ghariani[1], Phœbé

Ce que j’ai eu le goût de creuser en lisant le texte de Carmina Tremblay intitulé : La COVID-19 : un virus révélateur des mêmes misères, c’est tout le côté SYSTÈME DE SANTÉ PUBLIC, SERVICES DE PREMIÈRE LIGNE, particulièrement le côté humain des services donnés.

On dit souvent : on ne parle bien que de ce qu’on connaît. Alors je parlerai de ce que j’ai vécu :

  • 22 ans comme travailleuse au CLSC Centre-Sud (aujourd’hui : CLSC des Faubourgs) ;
  • 44 ans comme résidente sur le territoire du CLSC Hochelaga-Maisonneuve.

Ce que j’aime dans le mot CLSC (Centre local de services communautaires), ce sont les termes LOCAL et COMMUNAUTAIRES.

Des services proches de chez soi et qui sont un milieu de vie.

On peut y aller à pied pour voir son médecin, la travailleuse sociale, etc.

On n’arrête pas de parler en ce moment d’ACHAT LOCAL.

Pourquoi a-t-on laissé aller les SERVICES LOCAUX POUR LA SANTÉ ?

 

D’abord mon travail au CLSC Centre-Sud.

Entrée un lundi matin en 1975 : c’est le choc. Dans la salle d’accueil étaient rassemblés le directeur général avec tous les employés, depuis le concierge jusqu’au médecin. Étaient discutés les objectifs, les moyens à prendre pour y arriver, chacun∙e pouvait s’exprimer. J’étais abasourdie.

 

J’ai vécu là les plus belles années de ma vie de secrétaire.

Je n’étais plus seulement des doigts pour taper sur mon clavier, j’avais aussi une tête qui pouvait penser et donner son avis. On travaillait en équipe multidisciplinaire où l’on retrouvait concierge, infirmière, auxiliaire familiale, personne à l’accueil, médecin, organisateur ou organisatrice communautaire, travailleuse sociale, agent∙e d’information, secrétaire. Les solutions étaient apportées et discutées au fur et à mesure. Les médecins faisaient des visites au bureau ou à domicile. Ils n’étaient pas rémunérés à l’acte, ce qui leur donnait une latitude par rapport au temps accordé à chaque patient.

Les nombreuses auxiliaires familiales allaient dans les familles et chez les gens âgés pour leur fournir de l’aide-ménagère, l’aide aux courses, la préparation des repas, les soins d’hygiène.

Avec l’agent ou l’agente d’information, nous sortions régulièrement un dépliant où étaient consignées moult informations concernant le CLSC, les événements du quartier, etc.

On donnait le meilleur de soi, sans compter son temps, car il y avait la confiance, la collaboration, le partage des ressources ; on pouvait rire ensemble, et travailler ensemble. C’était de la gestion participative. Le bureau du directeur était ouvert. On pouvait aller s’y asseoir si un besoin se faisait sentir.

Les personnes qui venaient au CLSC se sentaient chez elles ; c’était pour elles un lieu d’appartenance. Les personnes à l’accueil (qui provenaient du quartier) faisaient un travail remarquable. J’entends encore la voix de madame Noël : « Prendriez-vous un bon café ? ». Elles savaient écouter, conseiller, donner des références précieuses. Que de médicaments en moins, de maltraitance évitée, de peines soulagées, d’espoir retrouvé !

C’était aussi un lieu de prévention. Il fallait agir sur les causes de la maladie.

Grâce à l’organisation communautaire, ce pouvait être aussi un lieu de mobilisation populaire sur des causes urgentes (logement, pauvreté, violence, conditions de travail, etc.).

Les citoyens avaient leur place au conseil d’administration.

Puis un jour, des gestionnaires zélés (des « personnes sérieuses » comme les appelle notre conférencière) ont trouvé que ce n’était peut-être pas assez efficace et rentable, un peu dérangeant peut-être aussi ? Et le concierge est retourné à sa vadrouille et moi, confinée derrière un classeur.

Ce fut la fin de belles années pleines de créativité, de dépassement, de don de soi, de possibilités d’être proche d’une population plutôt défavorisée. On est passé de la CRÉATIVITÉ au CONTRÔLE. Un exemple : il y a eu l’apparition de grandes feuilles statistiques que chaque intervenant∙e devait remplir régulièrement. Il ou elle devait indiquer dans de petits carreaux toutes les tâches exécutées pendant la semaine ! Misère ! Quelle perte de temps ! De quoi décourager les plus motivé∙e∙s…

Autre petite anecdote : ma nouvelle patronne ne voulait pas que j’aie une chaise libre dans mon bureau, pour éviter que quelqu’un vienne jaser avec moi et ne ralentisse mon travail.

En terminant, quelques mots sur le CLSC de mon quartier. On allait à pied rencontrer le médecin, l’infirmière, la travailleuse sociale, aux rencontres prénatales, à des activités initiées par les organisatrices ou organisateurs communautaires. Un grand sentiment d’appartenance prévalait.

Quelle aubaine pour les gens du quartier (qui n’ont pas de voiture pour la plupart) d’être à proximité de tous ces services de première ligne !

Puis un jour, tranquillement, les choses ont changé, au gré des changements de gouvernement et de ministre.

Je me souviens d’une grosse manifestation au CÉGEP Maisonneuve. L’amphithéâtre était plein. Moi qui ne suis pas très « micro » j’avais trouvé la force d’aller plaider pour la cause, en demandant de ne pas dénaturer les CLSC, ces fleurons du Québec. C’est monsieur David Levine qui m’avait répondu. Je savais que cette manifestation ne changerait rien à leurs plans, mais au moins, l’on avait été jusqu’où l’on pouvait aller.

Aujourd’hui, je n’ai plus mon médecin de famille au CLSC. Ceux et celles qui n’ont pas de voiture doivent prendre les transports en commun pour rejoindre le médecin (quand ils et elles arrivent à en trouver un).

Lors des dernières élections, un parti politique a parlé de redonner aux CLSC leur mission première, c’est-à-dire leur redonner leur vocation de services de première ligne, de services de proximité et de prévention. C’était de la musique à mes oreilles ! Mais pas de succès cette fois-ci… La prochaine fois peut-être ?

Cette idée de donner des services de santé et des services sociaux et communautaires de proximité à une population (surtout si elle est défavorisée) est, à mon sens, la façon de permettre à un quartier d’être en santé physique et psychologique. Pour les personnes âgées, les services à domicile offerts par les auxiliaires familiales sont d’une importance capitale pour leur permettre de rester le plus longtemps possible dans leur maison.

[1]J’ai travaillé 22 ans comme secrétaire médicale dans un CLSC. J’ai connu ce temps du travail en équipe toutes professions ou métiers confondus, ce temps ou tout le personnel était invité à discuter des orientations et des meilleurs moyens pour y arriver.