ADIEU RELIQUES • BONJOUR MÉMOIRE !

ADIEU RELIQUES • BONJOUR MÉMOIRE !

Marie Gratton – Myriam

« Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme », comme disait Lamartine,… et la fait fantasmer ?

Oui évidemment, sinon comment expliquer la popularité des reliques ? L’eau du bain de Marilyn Monroe et les rognures d’ongles d’Elvis Presley ont trouvé preneurs en notre siècle laïcisé qui a divinisé ses vedettes. Le très chrétien Moyen Age fut pour sa part l’époque dorée des amateurs de reliques pieuses. Des plus minuscules : une écharde du bois de la vraie croix aux plus encombrantes : la maison de Nazareth, toutes les reliques ont circulé !

Au cours de mes voyages, j’ai vu de mes yeux vu, des fragments d’os de saintes martyres mortes sous la dent des lions. Ils avaient été récupérés « in extremis » et… à grands risques. J’ai considéré avec beaucoup de perplexité, à Avila, l’index droit de la grande Thérèse qui semblait se dresser dans un geste accusateur contre son macabre chirurgien.

On m’a offert, quand j’étais enfant, des bouts d’étoffes imprégnés de l’odeur de sainteté d’héroïques moniales, pour stimuler en moi une vocation. Des mauvaises langues m’ont affirmé que des reliquats de la circoncision étaient vénérés autrefois en certains sanctuaires. Ma pudeur naturelle m’incite à en douter. Il y a quelques mois à peine, j’ai dû, pour faire plaisir à une religieuse, consentir à voir et à toucher le vase contenant le coeur, baignant dans le formol, de la bienheureuse fondatrice de son ordre. Mon coeur à moi a bien failli tourner.

Depuis longtemps, les reliques font recette. Aussi, pour célébrer nos saintes « traditionnellement », nous ne pouvions échapper à la présentation de quelques reliques, toutes plus fausses les unes que les autres… l’histoire nous y autorisait.

Des boutons de la soutane du pape subtilisés peut-être par la Popessa, d’autres ayant appartenu à un bon curé qui les cherche encore, nous avaient été confiés par une servante du bon Dieu. Ils ont été exposés en même temps qu’une plume blanche de l’archange Gabriel, précautionneusement recueillie et conservée par Marie pour garder un souvenir tangible de sa singulière aventure. Une autre, toute noire, jetait une note sombre. Elle avait été arrachée, sans ménagement, par la mère de Jésus à quelque mauvais ange venu sans succès, cela va sans dire, inspirer un mauvais coup à son petit garçon. Dans notre collection, on trouvait encore, entre autres spécimens, deux ou trois gouttes de lait virginal, lyriquement célébré par certains mystiques au cours des âges, et une prothèse dentaire ayant appartenu à une sainte femme qui ne se pardonnait pas d’avoir eu à l’occasion une dent contre son prochain. « J’en passe, et des meilleures », comme disait si finement Victor Hugo.

L’été dernier à Alençon, j’ai vu une poupée, un sac de cuir, quelques babioles ayant appartenu à Thérèse Martin. A mes yeux, ce n’était pas là des reliques, mais des souvenirs touchants à force de simplicité. Ils me parlaient non d’une morte, mais d’une vivante qui, conviée un jour à choisir un jouet parmi tout un étalage, avait dit : « Je prends tout ». Gourmande devant la vie, elle avait su, à son heure, tout donner. Cela, je sais l’admirer et j’en veux garder mémoire.