LA PÉTITION AUPRÈS DES ÉVÊQUES

LA PÉTITION AUPRÈS DES ÉVÊQUES 

Marie-Francine Joron – membre du groupe Femmes en Église N.D.N.

Historique et contenu

En juin 1987, Femmes en Église Notre-Dame-des-Neiges, groupe paroissial composé d’une dizaine de femmes de tous âges et états de vie, déposait un mémoire intitulé « L’Église doit se réconcilier avec les femmes » aux audiences préparatoires au synode romain sur le laïcat. Sous la présidence de Thérèse Robitaille, il présentait à la délégation canadienne une demande de réconciliation de l’Église avec les femmes. Ce mémoire, fruit d’une réflexion profonde de la part de toutes les femmes du groupe, a été bien reçu aux audiences et l’a également été par la revue L’Église canadienne qui le publiait intégralement en septembre 1987.

Il comporte trois points majeurs suivis de quelques recommandations. Les thèmes abordés sont

1) l’inégalité des hommes et des femmes dans l’Église ;

2) une meilleure place pour les jeunes dans l’Église ;

3) l’importance de voir l’Église reconnaître qu’il y a eu discrimination envers les femmes.

Il s’agissait de faire ressortir le fossé qui existe entre les déclarations de principe et la praxis pastorale.

Une société telle que le Canada a inscrit cette égalité des hommes et des femmes dans sa Charte des droits et libertés ainsi que l’a fait l’ONU. dans sa Déclaration des droits de l’homme. Mais l’Église ne reconnaît pas dans les faits l’égalité de l’homme et de la femme. C’est paradoxal puisque « l’histoire de l’Église commence lorsque des femmes se rendent auprès des Apôtres pour leur annoncer que le tombeau est vide, lorsque Marie-Madeleine raconte qu’elle a vu le Ressuscité. Il est quand même étonnant que l’Église en soit arrivée à éloigner les femmes du ministère de la Parole et des fonctions décisionnelles. »1

Il est également étonnant de voir que la hiérarchie se refuse à accorder aux femmes la pleine reconnaissance de leur participation au sein de cette Église qu’elles servent avec tant d’amour. Et c’est dans cette optique que le groupe faisait comme troisième recommandation :

« Que l’Église pose un geste symbolique d’envergure qui constituerait une forme d’amende honorable envers les femmes » .2

Mgr Hamelin, président des audiences publiques de juin 1987, signalait à ce moment-là qu’il ne fallait pas écarter la possibilité d’une réconciliation locale si un tel geste s’avérait impossible à Rome.

Or le « Synode sur la vocation et la mission des laïcs dans l’Église et dans le monde » apporta bien peu d’espoir aux femmes… Le groupe Femmes en Église se tourna donc vers Mgr Hamelin en janvier 1988. On se permettait de lui rappeler que le geste qui ne s’était pas réalisé à Rome pouvait, sans doute, l’être localement. Ce serait un premier pas de bonne volonté qui servirait à guérir certaines blessures subies par les femmes. Un projet s’amorçait à l’automne 1988. Le groupe songeait à rejoindre l’ensemble de la population.

Les lettres

C’est le 3 janvier 1989 que le groupe envoyait sa pétition à Mgr Jean-Marie Portier, président de l’Assemblée des évêques du Québec (A.E.Q.). De plus, un dossier était simultanément expédié à plus de 400 personnes, groupes ou organismes féminins de la province de Québec. Ce dossier incluait une lettre d’introduction, un modèle de lettre d’appui, une feuille pour la compilation des signatures et une copie du mémoire tel qu’il apparaissait dans la revue L’Église canadienne. Il est opportun de rappeler, comme nous l’écrivions dans notre lettre d’introduction, « que cinquante ans passés le clergé s’opposait si fortement au droit de vote de la femme que cela faillit provoquer la démission du premier ministre, Adélard Godbout. On se souviendra que c’était pour des raisons politiques et non pour la promotion de la femme que le clergé acceptait alors cette loi. Une raison de plus pour demander amende honorable. »

Nous exprimions ensuite dans le projet de la lettre d’appui adressée à Mgr Portier deux souhaits : en premier lieu, qu’il serait « bon de voir l’Église locale emboîter courageusement le pas avec toute la société pour se conformer aux exigences de la charte de l’O.N.U. pour les droits de la femme. Ne serait-ce pas là se conformer également aux exigences de la charité et de la justice évangélique remises en valeur par Vatican II ? » ; et en second lieu, « … que l’Église québécoise, dans son désir de reconnaître la dignité fondamentale de la femme, à maintes reprises exprimé par ses évêques, saura poser un geste symbolique d’envergure » à l’occasion du 50e anniversaire du droit de vote.

Résultats

Au moins 695, lettres d’appui sont parvenues jusqu’à maintenant au bureau du Président de l’A.E.Q. Elles proviennent de tous les coins du Québec et certaines d’entre elles comportent plusieurs signatures. Des femmes du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse nous ont aussi fait parvenir leur appui. Dans certains cas, des lettres d’encouragement se joignaient aux pétitions. C’est ainsi que nous apprenions que le mémoire n’avait pas seulement éveillé toute une population à notre requête, mais qu’il avait servi d’outil de sensibilisation auprès de communautés religieuses, de groupes de femmes, de paroissiennes et paroissiens, etc.

Grâce à cette vive démonstration de solidarité provenant de la base en faveur d’une réconciliation explicite de l’Église avec les femmes, le Comité des affaires sociales de l’Assemblée des évêques du Québec se penche présentement sur la requête du groupe Femmes en Église N.D.N. Au printemps 1989, nous avons également informé les répondantes diocésaines à la condition des femmes du bien-fondé de cette requête.

Notre voeu sera-t-il exaucé ? Nous le souhaitons passionnément, pas exclusivement pour les femmes du Québec, mais comme premier pas annonciateur de temps nouveaux pour toutes les femmes du globe, et tout spécialement pour celles qui n’ont pas de voix.

1 « L’Église doit se réconcilier avec les femmes. » Femmes en Église N.D.N., 1987, p. 4

2 Idem, p. 7