Célébration de Noel A la mémoire de Denyse Joubert-Nantel

Célébration de Noel 

Bonne Nouv’ailes

A la mémoire de Denyse Joubert-Nantel

« Marie-Dolorosa,

guide nos pas à travers les croix du chemin,

donne-nous le courage de la quotidienne lutte. »

Dyonisia

Une des activités favorites du groupe L’autre Parole est la réécriture. Pour la célébration de Noël, les femmes de Bonne Nouv’ailes ont décidé de réinventer le mythe de la nuit de Noël. Nous ne voulions plus d’une imagerie qui tourne l’attention vers le père et le fils, Joseph et Jésus ; vers un Joseph debout à l’extérieur de la crèche, bâton à la main, et qui attend la naissance de son fils. La venue de l’enfant est tellement épurée dans cette imagerie, que Jésus sort pratiquement tout habillé du ventre de sa mère.

Avec joie, nous avons recomposé le mythe de la naissance de Jésus, cette fois-ci en détournant la lumière des étoiles vers celle qui met au monde un enfant, mais aussi celle qui met au monde toutes nos mises au monde comme chrétiennes. Nous voulions une Marie libre et joyeuse, forte aussi ; une Marie en chair et en os qui saigne et qui est entourée de sages-femmes.

Et notre nuit n’a pas perdu de son attrait, de son mystère. Notre nuit de Noël est merveilleuse ; c’est une Sainte Nuit.

Nous avons choisi de faire parler Marie avec et contre la Tradition. Cette Tradition qui habite nos nuits de Noël depuis l’enfance, qui colore notre foi, qui jusqu’à maintenant, osons-nous dire , était la seule voix annonciatrice de la Bonne Nouvelle.

L’autre Parole s’élève pour annoncer notre bonne nouv’ailes…

Mise en scène proposée

Un paravent blanc, derrière lequel nous avons installé une forte lumière. Entre les deux, formant une ombre chinoise, une silhouette en soutane : la Tradition.

Devant le paravent, des chaises. Sur la gauche, le choeur. Il représente l’Ecclésia des femmes. Sur la droite, pour répondre à la Tradition, Marie. Entre les différents actes, on peut introduire de la musique et/ou des symboliques.

Ouverture

CHOEUR :

Plusieurs ont entrepris de composer une histoire des événements qui se sont accomplis parmi nous, tels que nous les ont transmis celles et ceux qui avaient tout vu depuis le commencement et qui se sont mis au service de la Parole.

Il nous a paru bon, à nous aussi, après nous être soigneusement informées de tout à partir des origines, d’en écrire pour vous, chères soeurs, un récit ordonné. (Luc 1, 1-3)

TRADITION : Voici donc le récit de la Nuit de Noël.

MARIE : Voici donc le récit de la Nuit de Noël…

CHOEUR : …Nuit où la Parole s’est faite chair et où elle a établi sa demeure parmi nous. Nous avons contemplé sa force, qu’elle tenait de sa mère, elle-même instruite par les forces surnaturelles qui l’avaient choisie pour s’incarner en elle.

TRADITION : Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères, Juda engendra Phares et Zara de Thamar, Phares engendra….(Mt 1, 2-16)

MARIE : Je suis Marie, fille d’Anne de Cana. Notre famille est unie et joyeuse. J’étais si jeune !… Une fille de feu. J’aimais la vie et j’y mordais sans crainte. J’étais à l’orée de ma vie de femme et je me sentais unique, appelée. Je savais que Dieue, en qui j’avais une foi absolue, ferait pour moi de grandes choses. Je me sentais invincible, forte d’une autre force… et je rendais grâce.

TRADITION : Le nombre des générations est donc : quatorze d’Abraham à David, quatorze de David à la déportation de Babylone, quatorze de la déportation de Babylone au Christ. (Mt 1,17)

MARIE :   J’étais vierge…

La conception

CHOEUR : Voici l’histoire d’une mise au monde…

TRADITION : Voici l’origine de Jésus Christ. Marie, sa mère, était accordée en mariage à Joseph ; or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle se trouva enceinte par le fait de l’Esprit Saint. (Mt 1,18)

MARIE : J’ai follement souhaité que les vues de ma famille sur mon avenir s’accordent aux miennes. Mon corps et mon coeur brûlaient de vie et d’amour… Je me suis retrouvée enceinte-

Soudain, un grand voile noir s’est posé sur ma vie. Je me suis tenue longtemps à l’écart, évitant les gens et leurs regards, n’osant rien avouer, rien dire. Le septième jour, alors que je ne pensais qu’à mourir, une grande lumière m’aveugla, envahissant mon coeur, repoussant les ténèbres. Ma foi, que j’avais toujours eue solide, refleurit. Je décidai de e battre, d’assumer totalement mon état, envers et contre tous.

TRADITION : L’ange Gabriel fut envoyé par Dieu auprès de Marie et lui dit : Tu vas être enceinte, tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus. » Luc, 1.31)

CHOEUR : Ne crains pas, Marie ! Sois joyeuse, toi qui as la faveur de Dieue ; Elle est avec toi ! (Luc 1,30)

TRADITION : « II sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le Trône de David son père, il régnera pour toujours sur la famille de Jacob et son règne n’aura pas de fin. » (Luc 1, 32-33) Marie dit alors : « Je suis la servante du Seigneur. Que tout se passe pour moi comme tu l’as dit. » Et le messager la quitta. (Luc 1, 38)

MARIE : Je demandai alors sans tarder à parler à mon futur époux, seule à seul. J’insistai tant qu’on ne put me refuser cette demande, d’autant plus que ma détermination contrastait avec la léthargie d’où je sortais. Quelle pénible conversation ! Comment lui dire la vérité ? Joseph réagit violemment. Il me dit qu’il me répudierait, que je ne méritais que la lapidation. Je lui parlai avec fermeté. Révolté, Joseph se retira

Ma famille qui le vit partir sans les salutations d’usage, s’inquiéta. On me pressa de questions. Je demeurais coite. J’étais prête à mourir ; j’avais enfreint la Loi, c’était la seule issue logique…

Je supportais difficilement le fil des jours. Silencieuse, presque invisible, j’attendais.

CHOEUR : Marie-Dolorosa, solidaire des esseulées, des démunies, des désunies, des détresses, aide-nous à témoigner de notre sororité !14

MARIE : Et Joseph revint. Il ne m’a pas parlé ce jour-là ; la famille était aux aguets. Mais, je vis dans les regards que mon futur époux me jetait, dés qu’il le pouvait, les vestiges d’une grande bataille. Bataille d’un être humain pris entre la rigidité de la Loi des Anciens et les appels de son coeur, sa faim de justice et de pardon. Je vis le très grand pari qu’il avait pris de faire confiance en sa propre intelligence de Dieu-e. Je vis la conquête de sa liberté. Et il y avait, dans ses regards, la douceur de l’accueil.

TRADITION : Joseph, son époux, qui était juste et ne voulait pas la diffamer publiquement, résolut de la répudier secrètement. Il avait formé ce projet, et voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint. » (Mt 1,19-20)

Tout cela arriva pour que s’accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète : « Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel ce qui se traduit : « Dieu avec nous. »Is 7, 14)

MARIE : Qu’ont-ils fait de moi ?

CHOEUR : « On m’a donné un oiseau comme mari,

On m’a dérobé mon fils de siècle en siècle,

On lui a donné un père célibataire jaloux et éternel,

On m’a taillée dans le marbre et fait peser de tout mon poids sur le serpent…

Ils m’ont inventée Vierge pour toucher la part de Dieu qui leur revenait. »15

MARIE : J’étais soutenue par la force de Dieue qui m’a rendue féconde d’action et de force de persuasion. J’ai maintenu ma liberté à deux mains, je l’ai tenue comme un étendard. Je n’ai pas craint la mort. J’ai choisi…

CHOEUR :  « Marie Joie de l’Annonciation du Verbe de vie, de la maternité choisie, éclaire notre FIAT dans l’acceptation du projet divin ! »16

L’attente

MARIE :  Personne ne sut jamais l’histoire que je vous raconte. Personne sauf Joseph et Elisabeth, ma cousine et mon amie. Ce secret, nous l’avions tous les trois dans le coeur quand Joseph me prit pour épouse et que je le pris pour époux. Après le mariage, je fus toute à ce qui se préparait en moi… enfin en paix, enfin sauvée de la médisance. Pour plus de sûreté, Joseph m’avait proposé de m’éloigner de Nazareth durant les derniers mois de ma grossesse. Ainsi je me défilai des gens du village qui savaient trop bien compter…

TRADITION : En ce temps là, Marie partit en hâte pour se rendre dans le haut pays, dans une ville de Juda. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth. (Luc 1,39)

MARIE:J’allai donc passer les jours les plus lourds de ma grossesse chez Elisabeth, notre bonne complice. Elle venait de mettre au monde un fils et je l’aidai dans ses tâches nouvelles jusqu’au jour où elle-même m’aida à accoucher.

CHOEUR : Paroles d’Elisabeth : « Je te salue Marie, ma soeur ! Tu es la bienvenue chez moi, je rendrai cette fin de grossesse heureuse, pleine de rires et de chansons !

MARIE : Je coulai là des jours heureux et sereins… Et je rêvais… Je me disais, le coeur plein de joie, que cet enfant deviendrait quelqu’un de très fort et de très sage. Je le voyais faire de grandes choses, à la tête de notre peuple. Quelle mère ne fait pas de tels rêves ?

La nuit de Noël

TRADITION : Or donc, en ces temps-là, parut un édit de César Auguste, pour faire recenser le monde entier. Ce premier recensement eut lieu à l’époque où Quirinius était gouverneur de Syrie. Tous allaient se faire recenser, chacun dans sa propre ville. Joseph aussi monta de la ville de Nazareth, en Galilée à la ville de David qui s’appelle Bethléem, en Judée, parce qu’il était de la famille et de la descendance de David, pour se faire recenser avec Marie son épouse, qui était enceinte. (Luc 2,1-5)

Le prophète a écrit : « Et toi Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le moins important des chefs-lieux de Juda, car c’est de toi que sortira le chef qui sera le berger de mon peuple Israël.  » (Mt 2, 6)

MARIE : Oh ! je me souviens de cette nuit ! Incapable de trouver le sommeil, je m’étais accoudée à la fenêtre de la maison d’Elisabeth. Quelle nuit ! Le ciel était pailleté d’argent. Je contemplais l’Étoile du Nord et j’étais convaincue que ce soir-là, elle ne brillait que pour moi, pour moi et pour cet enfant qui naîtrait de moi… Ce n’était plus qu’une question de temps. Et je priais intensément, à la veille de donner la vie, pour que cet enfant soit en santé et heureux, pour que sa vie soit réussie, vaste et profonde….

CHOEUR : Oh ! nuit de paix, sainte nuit ! Dans le ciel, l’astre luit, dans les champs tout repose en paix. Et soudain dans l’air pur et frais… Le premier signe apparaît.

MARIE : Dès les premières contractions, j’avertis ma chère Elisabeth qui fit aussitôt prévenir notre sage-femme. Celle-ci arriva, les yeux encore ensommeillés, mais un sourire aux lèvres. Elle me dit : « Par une nuit pareille, on ne peut mettre au monde que des enfants touchés par la grâce… » Cette femme extraordinaire qui avait reçu les enseignements de sa propre mère, m’avait si bien préparée, que l’accouchement se fit sans déchirure… Ma main dans la main d’Elisabeth qui me soufflait à l’oreille des paroles douces et encourageantes, je suivais avec confiance et application les directives de la sage-femme qui me guidait avec sûreté. Après quelques heures de travail, j’entendis crier mon nouveau-né.

TRADITION : Or, pendant qu’ils étaient là, le jour où elle devait enfanter arriva ; elle accoucha de son fils premier-né, l’emmaillota et le déposa dans une mangeoire, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la salle d’hôtes. (Luc 2, 6-7)

CHOEUR : Marie Joie de la Nativité, délivre-nous de la Némésis médicale, guide nous vers les douces alternatives de sages-femmes compréhensives de l’intimité de notre chair.17

L’adoration

TRADITION : Il y avait, dans le même pays, des bergers qui vivaient aux champs et montaient la garde pendant la nuit auprès de leur troupeau. Un ange du Seigneur se présenta devant eux, la gloire du Seigneur les enveloppa de lumière et ils furent saisis d’une grande crainte. L’ange leur dit (Luc 2, 8-9) :

CHOEUR : Soyez sans crainte, car voici, je viens vous annoncer une Bonne Nouvelle qui sera une grande joie pour tout le peuple ! (Luc 2,10)

TRADITION : II vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un sauveur qui est le Christ Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : Vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. (Luc 2,11- 12)

MARIE : Depuis mon arrivée chez Elisabeth, je m’étais liée d’amitié avec la plus grande partie des habitantes et des habitants du village. On me chérissait parce que j’étais jeune, claire et sereine. J’avais toujours un éclat de rire dans la voix. La nouvelle de la naissance de Jésus se répandit comme une traînée de poudre… C’était comme si chaque personne du village avait entendu le choeur des anges qui chantait dans mon âme. On vint me visiter, me complimenter, m’encourager, me féliciter et on m’apporta de jolis cadeaux. Toutes et tous s’en retournèrent ravi-e-s d’avoir vu mon enfant.

TRADITION : Après avoir vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant. Et tous ceux qui les entendirent furent étonnés de ce que leur disaient les bergers. Quant à Marie, elle retenait tous ces événements et les méditait dans son coeur. (Luc 2,17-19)

MARIE : J’exultais ! Je me sentais si fière et, en même temps, dépassée par la grandeur de cette nuit ! Je me sentais comme au commencement du monde, au commencement d’un monde…

CHOEUR : Marie, mère de nos fécondités, de nos prises de parole en Ecclésia, Marie glorieuse, vêtue de soleil, couronnée d’étoiles, accueille-nous dans ta joie sereine !18

Finale

TRADITION : Il m’a paru bon, à moi aussi, après m’être soigneusement informé de tout à partir des origines, d’en écrire pour toi, ami, un récit ordonné, afin que tu puisses constater la solidité des enseignements que tu as reçus. (Luc 1,3-4)

MARIE : Afin que tu puisses constater la solidité des enseignements que tu as reçus.

CHOEUR : Afin que vous puissiez constater la solidité des enseignements que vous avez reçus.

TOUTES : Gloire à nous, femmes, Gloire à notre force, à notre capacité d’aimer la vie, de la produire, la reproduire, la contrôler… Gloire à notre capacité d’inventer des symboles qui nous ressemblent et des mythes qui nous représentent, en sabrant à tout jamais dans ceux qui nous ont fondées à notre insue, malgré et contre nous.19

MARIE : Gloire à vous, femmes de demain, dans votre Ecclésia !20

Conclusion

Nous sommes, bien sûr, conscientes que les recherches en théologie tendent à conclure que Jésus est né d’une femme bien ordinaire et d’un homme – son mari légitime – bien ordinaire. Mais alors, il n’y a plus d’histoire et c’est dommage. Pour la fête, nous avons décidé d’allumer dans les yeux de nos compagnes, des étoiles….

14 Joubert-Nantel, Denyse (Dyonisia), « Marie-Joie », L’autre Parole, no 37, mars 1988, p. 23.

15 Boucher, Denise, Les fées ont soif, Montréal, Éd. Intermède, 1978.

16 Joubert-Nantel, Denyse, Ibid.

17 Joubert-Nantel, Denyse, Ibid.

18 Joubert-Nantel, Denyse, Ibid.

19 Dupriez, Rore et Judith Dufour, « Action de grâces », L’autre Parole, no 37, mars 1988, p. 28. 20 Ibid