No. 60 – RAPPORT DE SEXE ET THÉOLOGIE

A V E R T I S S E M E N T

LE LABYRINTHE

Le collectif L’autre Parole a choisi le risque: il s’est engagé dans un labyrinthe avec, pour tout fil d’Ariane, le lien de la solidarité, de la mise en commun de ses recherches, de ses doutes et de ses découvertes. Tout a vraiment commencé lors d’une rencontre avec la théologienne Yvone Gebara, en mai dernier (contenu du présent numéro); tout a continué durant notre colloque annuel qui sera fidèlement rapporté dans notre livraison du printemps 94.

Voici donc l’histoire. Préoccupées par les difficultés, les souffrances, voire la violence qui affectent les relations hommes/femmes, nous avons voulu chercher l’origine des problèmes, nous rêvions de redéfinir les rapports h/f. Ainsi notre journée avec Y. Gebara s’intitulait Théologie féministe et rapports de sexes ». Elle débuta par trois communications dont les textes suivent ci-après:

M. Dumais y dépeint la relation entre l’homme et la femme telle qu’établie par les écrits de la Tradition chrétienne et présente de nouvelles interprétations bibliques proposées par des critiques féministes.

F. Wakeling pose un diagnostic sur les rapports h/f à l’intérieur de nos Églises, en se situant dans deux contextes différents: la communauté d’un quartier où les personnes sont marginalisées par la pauvreté et, en second lieu, le milieu de l’organisation et des structures de l’Église unie.

D. Couture analyse comment hommes et femmes sont représentés dans le dernier catéchisme romain: ils y sont dits égaux et complémentaires mais cette égalité relève de l’appartenance à l’humanité, elle est antérieure à l’incarnation historique, elle se situe au niveau de l’âme; dans sa vie corporelle, la femme est subordonnée dans l’ordre social,
elle est complémentaire de l’homme dans le sens qu’elle lui apporte une aide, spécialement pour la procréation…

Puis ce fut le grand choc: Y. Gebara rappelle que l’anthropologie chrétienne favorise l’être masculin considéré comme premier, qu’elle détermine l’être féminin comme second, secondaire. Nous sommes imprégnées des représentations sexistes de la théologie catholique. La conférencière affirme que l’un des éléments qui accentuent l’inégalité entre les hommes et les femmes vient de notre monothéisme androcentrique. Pour arriver à concevoir autrement les rapports h/f, il nous sera nécessaire de procéder à une critique de ce monothéisme; cette remise en question touchera forcément à l’Incarnation, à la Trinité et encore à la christologie, à la dogmatique… Il s’agit de parler de Dieue autrement.

Pour permettre de bien suivre Y. G. dans son raisonnement, pour assurer la plus grande clarté possible, nous avons préféré garder le style direct de la conversation, dans sa simplicité et ses répétitions parfois nécessaires. On constatera, en effet, que l’ensemble de la journée s’est déroulé comme un long entretien où, a la suite d’une courte communication de la part d’Y.G., alternaient les réactions, les interrogations, les échanges…

Nous ne « proclamons » aucune vérité, avec ou sans « splendeur »… Nous ne prétendons rien, nous cherchons. Nous prenons le risque de l’aventure, en invitant sans garantie celles qui seraient tentées de nous accompagner.

Nos soeurs, nos amies, nos lectrices peuvent choisir de rester à la porte du labyrinthe. Nous souhaitons simplement qu’elles respectent notre besoin d’y pénétrer.

Nous chercherons la voie, à travers les nuées des symboles trompeurs, en désamorçant les pièges des fausses évidences, en affrontant les dragons qui menacent du feu de l’enfer, en nous méfiant des mirages que proposeraient l’orgueil ou la présomption; nous chercherons la voie qui nous mènera vers la Source de notre vie, cet être sans nom qui nous habite, nous invite, nous attend… dont la quête nous hante.

Rita Hazel