CHAT-EN-LIGNE AVEC COPINE
Francine Dumais, Houlda
Bonjour les bipèdes !
Après entente télépathique avec ma compagne humaine, j’ai accepté qu’elle consigne par écrit mes transmissions de pensée d’où l’expression « chat-en-ligne » et non « channeling » parce qu’il ne s’agit pas du tout de communication d’une entité désincarnée à un être humain.
Qui suis-je ?
Nom : Ma famille humaine m’a donné le nom de Copine auquel je réponds quand cela me tente.
État civil : Chatte domestique (Quelle appellation impropre car je ne fais aucune tâche domestique chez les humains !)
Race : Écaille de tortue (caractéristique transmise uniquement aux femelles de mon espèce).
Naissance : le 1er septembre 2001 en même temps que mon unique sœur (petite portée pour ma mère, n’est-ce pas !)
Bref historique sur ma famille :
Père probablement de pelage noir et mi-long comme ma sœur et mère de couleur écaille de tortue comme moi. Père absent, donc mère monoparentale, ainsi le sont toutes les familles félines. Ma sœur a été placée en adoption avec moi, vers l’âge de deux mois, à la SPCA.
Ma sœur, dénommée Raquette à cause de sa polydactylie aux pattes avant, est partie avec ses nouveaux maîtres sans qu’on me laisse sa nouvelle adresse. Quant à moi, j’ai été ré-adoptée un mois plus tard par ma famille humaine, qui s’inquiétait de mon état de santé. Quelle sympathie inattendue ! J’ai retrouvé ma mère qui m’a laissé la téter à nouveau bien qu’elle n’eusse plus de lait. Un jour, les humains et ma mère m’ont fait comprendre que je devais cesser cela, n’étant plus une chatonne. Par contre, j’ai continué mes espiègleries en lui tendant des embuscades au moment où elle ne s’y attendait pas. Quel plaisir de la voir sursauter ainsi ! Bien sûr, elle me grondait invariablement comme à chaque fois que ma toilette n’était pas à son goût. D’office, elle me saisissait et me nettoyait malgré mes protestations. Ma mère n’est plus là maintenant : elle a été euthanasiée à cause d’un cancer le 20 décembre dernier, m’a expliqué ma compagne. Mais je ne m’apitoie pas sur sa mort : la séparation d’avec nos proches se fait tôt ou tard dans la vie des chats.
Ma compagne et moi avons convenu d’aborder quelques thèmes de la vie plus ou moins courante. (À propos du terme « compagne », les humains préfèrent généralement utiliser celui de « maîtresse » ou « propriétaire » comme si le chat devait leur obéir ou leur appartenir. Quel leurre !)
La propreté
Pas besoin d’un bain ou d’un lavabo, de débarbouillette, serviette, savon ni grande quantité d’eau chaude. C’est la simplicité (pas volontaire mais héréditaire) : notre langue râpeuse ou l’une de nos pattes avant, un peu de salive et le tour est joué ! Pourquoi l’une de nos pattes avant ? Malgré ma grande souplesse articulaire ou mon « hyperlaxité », je n’arriverais pas à me nettoyer le dessus et l’arrière de la tête. Quand j’étais chatonne, ma mère complétait ma toilette et moi, je lui rendais la pareille. Quel beau moment d’affection réciproque qui ne reviendra plus !
Le sommeil
Je dors beaucoup plus qu’un humain. Je fais plusieurs siestes ou ronflettes par jour dès que rien ne retient suffisamment mon attention et que mes besoins de base sont satisfaits. Peut-être que mon cerveau, étant plus petit, a besoin de refaire son énergie nerveuse plus souvent ! Mais mon sommeil est léger. Au moindre bruit, je suis prête à détaler vers un endroit plus sécure. Ce peut être sous la douillette d’un lit quand le déneigeur vient souffler la neige avec son assourdissante machine, qui fait vibrer les fenêtres de la maison.
La méditation
Quand je ne dors pas et que je ne suis occupée à rien de précis, je prends le fixe, c’est-à-dire que je médite…sur tout et rien en particulier comme les yogis de tout acabit. Pardonnez mon orgueil justifié, je dois rectifier la fin de la dernière phrase. Il y a de cela plusieurs millénaires, les humains ont remarqué notre aptitude à demeurer immobiles de longs moments les yeux ouverts, sans dormir. Voulant comprendre pourquoi nous faisions cela, les humains nous ont copiés et en ont ressenti de grands bienfaits relaxants. À la longue, cette pratique les a conduits à découvrir le monde mystique que nous fréquentions. C’est très difficile pour les humains puisqu’ils doivent désapprendre à penser humainement, en faisant le vide de leur esprit encombré de pensées inutiles ou nuisibles pour leur état mental.
L’exercice
Tout chat sait instinctivement qu’il doit entretenir ses muscles et ses articulations. Par exemple, après une sieste, je m’étire alternativement les pattes arrière avant d’aller vaquer à mes occupations. Parfois je sens le besoin impérieux de partir en trombe d’un bout à l’autre de l’appartement. Mais, par-dessus tout, j’aime bien mettre les pattes dehors quand la température me convient. Tous les chats n’ont pas ma chance à cause des règlements municipaux des humains qui obligent les chats à respecter les clôtures limitant leurs terrains. Pourquoi les clôtures, quand il y en a, ne serviraient-elles pas à stimuler nos muscles de sauteurs ?
Le jardinage
Non, je ne jardine pas mais j’aime bien me rouler ou creuser de tout petits trous dans la terre meuble. Notre voisine fait cela chaque printemps comme ma compagne. C’est bien tentant : on dirait une litière géante. Notre voisine accuse mes semblables et moi de causer des préjudices à ses semis. Mais je ne suis pas la seule à y aller : mes copains chats y vont aussi. Alors pourquoi embêter ma compagne qui songe à m’attacher à sa corde à linge le printemps prochain ? Je pense à invoquer la cruauté morale envers les animaux. Je vais communiquer cela aux autres chats du voisinage qui feront du chat-en-ligne avec leurs compagnons humains.
Bon, je vous laisse car j’ai d’autres choses à faire et non des chats à fouetter. Quelle bassesse humaine j’ai encore à dénoncer !