Comment allez-vous ? II

Comment allez-vous ? II

Au Paradis, on rencontre beaucoup de gens, et la politesse exige qu’on leur demande : « Comment allez-vous ? » Déjà je vous ai donné des nouvelles d’un certain nombre de membres illustres de la céleste assemblée. Comme en général le ton là-haut est à l’optimisme, j’ai pensé ensoleiller votre fin d’hiver en vous faisant rencontrer quelques autres célébrités du Who’s who des trépassés judéo-chrétiens. Mais, tout à fait entre nous, il y a plein de bouddhistes, d’hindous, de musulmans, d’animistes et de rien du tout dans la cour de l’Éternelle, qui va, vous vous en doutiez, «infiniment bien ».

Suivez-moi, pour rencontrer les gens de la parenté et recueillir leurs impressions. Quand j’ai demandé à la cantonade : « Comment allez-vous ? », voici ce que tout ce beau monde m’a répondu.

Eve : « Je continue sur terre à être victime de mauvaises langues. Ici ça va. »

Adam, quant à lui, m’a affirmé être très heureux d’avoir vécu avec une femme de rêve. Et ça continue d’autant mieux, a-t-il précisé, qu’ils sont maintenant délivrés des sales querelles de leurs deux fils.

Job : « Je n’ai plus à me plaindre. »

Jérémie : « Je ne me lamente plus. »

Mathusalem : « Je ne trouve pas le temps long. »

Noé : « Je mets toujours beaucoup d’eau dans mon vin. »

La femme de Loth : « Ma vie ne manque pas de sel. »

Judith : « Fatiguée, je n’ai pas d’endroit où poser la tête. »

Véronique : « Je me sens sage comme une image. »

Marie-Madeleine : « Heureuse ! j’en pleure de joie.»

L’aveugle-né : « Bien, ça se voit, non ? »

L’ex-sourd-muet : « Très bien, je vous le dis, et j’entends que ça continue. »

L’hémoroïsse : « Je ne me fais plus de mauvais sang. »

Le paralytique : « Ça marche sur des roulettes. »

Saint Etienne : «Je fais toujours d’une pierre deux coups. »

Saint Laurent : « Je grillais d’impatience de vous rencontrer. » (II est charmant !)

Saint Sébastien : « Je fais bois de toute flèche. »

Saint Denis : « Je ne sais plus où j’ai la tête. »

Saint Hubert : « C’est bête, mais un souci chasse l’autre. »

Sainte Catherine d’Alexandrie : « Le jour tire à sa fin, et je n’ai pas encore pris le temps de me coiffer. »

Sainte Catherine de Sienne : « Exaltée, j’aurais besoin d’une soupape. Comme vous le voyez, j’aime les calembours. »

Saint Dominique : « Bien, grâce à mon bon Ordre. »

Saint Benoît : « Bien, je mène une vie très réglée. »

Les saints martyrs canadiens : « Après le camping sauvage, c’est le grand luxe ici. »

Le frère André : « Tout baigne dans l’huile. »

Les anges gardiens, tous occupés à plein temps, se plaignent d’être menés sur terre à un train d’enfer. D’autres en ont assez de tirer le diable par la queue, mais l’emploi offre tout de même des avantages marginaux. Et puis, ils se félicitent d’avoir gagné en popularité. Ils sont toutefois fort agacés que tant d’histoires flyées circulent à leur sujet. Comme ils aimeraient pouvoir en rayer plusieurs d’un trait de plume !

Judas ne veut voir personne avant la semaine des trois jeudis, vous comprenez pourquoi. Celui-là a été rescapé de justesse.

J’ai aussi rencontré des anonymes qui m’ont priée de vous saluer. Une fermière m’a affirmé aller « vachement bien »; une forgeronne s’est félicitée de sa santé de fer, et une pompière est restée, comme il se doit, tout feu tout flamme. Des musulmanes, croisées à un carrefour, m’ont dit : « Ici, nous avons le vent dans les voiles. Femmes de tous les pays, de toutes les cultures, de toutes les religions, unissez-vous. L’avenir sourit aux audacieuses. »

Message reçu. Message transmis. À la prochaine !

MARIE GRATTON, Myriam