COMMUNIER À L’ÉGLISE UNIE

COMMUNIER À L’ÉGLISE UNIE

Claire Borel Christen*

Il se peut qu’un jour vous assistiez à un service dans une Église Unie du Canada ( EUC ) et que vous vous demandiez si vous pouvez partager l’eucharistie avec les fidèles ? Rien de plus simple. En entrant, vous n’avez qu’à vous adresser à la personne préposée à l’accueil en lui disant : « Je viens ici pour la première fois et je me demande si je peux recevoir l’eucharistie ». Elle ou il vous répondra peut-être avec quelque étonnement : « Vous êtes la bienvenue à la communion parmi nous, mais aujourd’hui, il n’y aura pas de service de communion. »

« — Les protestants de l’Église Unie ne communient donc pas ?

— Mais si, rassurez-vous ! Si la communion n’est pas servie à chaque culte ni à chaque dimanche, c’est afin de maintenir l’ancienne tradition réformée et ne pas s’exposer à banaliser ce sacrement par une répétition hebdomadaire de la Sainte Cène. »

Chez nous, à l’Église Unie du Canada, nous parlons volontiers de la Cène, de la table de communion ou du repas du Seigneur et réservons le terme « eucharistie » aux traités de théologie et aux conciliabules abstraits lors des  rencontres œcuméniques au sommet !

La Cène, qu’elle soit réservée aux grandes fêtes, à des occasions spéciales ou proposée aux communautés un dimanche par mois, est présidée ordinairement par un pasteur ordonné, homme ou femme, et parfois par une personne laïque autorisée. S’il y a communion, tous les fidèles qui confessent leur foi en Jésus, sont invités, sans exception, à s’avancer pour participer à ce repas en partageant le pain et le vin de la Table du Seigneur. La personne qui célèbre, après avoir élevé la miche de pain et l’avoir rompue, présente une coupe de vin ou de jus de raisin ou les deux selon le choix des communautés afin de permettre, selon la tradition méthodiste, à toutes les personnes présentes y compris les abstinentes de partager un même repas. Une autre raison de célébrer avec un jus de fruit vient de  Jésus lui-même lorsqu’il dit : « En vérité je vous le dis, je ne boirai jamais plus du produit de la vigne jusqu’au jour où je boirai le vin nouveau dans le Royaume de Dieu. » Mt 26,29 et Mc 14,25.

La personne qui célèbre dépose ensuite dans la main de chaque participant-e un morceau de pain, symbole d’un tout que l’on partage. Puis elle propose soit de boire à la coupe ou dans un petit verre, soit de communier par intinction1. Les habitudes varient. Parfois, le pain rompu ainsi que le vin sont portés aux fidèles à leurs bancs, jusqu’au dernier siège, montrant ainsi  que la grâce est offerte à chacun là où il se trouve. »

Pouvoir, démocratie ou partage ?

À la question : « De quel pouvoir est investi le ou la pasteur-e célèbrant la Cène ? » toutes les pasteures interrogées ont fourni la même réponse : « Servir la Sainte Cène est un privilège, un engagement et une responsabilité, et non un pouvoir. »

– Privilège d’être l’instrument de la grâce, de faire les gestes incarnant l’amour de Dieu pour tous et chacun.

– Engagement à transmettre le message chrétien, durant une vie entière, à prendre soin des autres et à les nourrir  par les sacrements.

– Responsabilité d’inviter à la table divine et de manifester l’amour divin par un accueil sans condition.

Pour nous, de l’Église Unie du Canada, lors de la célébration de la Cène, c’est l’acte communautaire du partage qui fait/est le sacrement.

Tous sont invités à communier en signe d’égalité devant de Jésus. La plupart des célébrants précisent que cette table et l’invitation à y venir n’appartiennent ni au pasteur ni à la communauté réunie mais seulement à Jésus-Christ. Même les enfants en âge de manger une croûte sont invités. Ainsi, tous ceux qui reconnaissent Jésus et se sentent appelés par lui sont les bienvenus au partage. Ce n’est pas à nous de demander qui est « digne » de communier.

L’officiant ne préside donc pas la Cène en vertu d’un pouvoir reçu à son ordination, mais, parce qu’il célèbre la Sainte Cène, il reçoit le pouvoir de manifester et de nourrir la vie spirituelle de la communauté.

Si vous demandez à des membres de l’Église Unie si la célébration de la communion crée un espace démocratique, ils seront plutôt surpris… Le terme « démocratie » évoque des décisions à prendre, des discussions au sein de la communauté, un vote à exprimer. Autour de la Table où  tous sont invités, où tous sont accueillis chacun reçoit sa part d’amour et de grâce. La seule décision qui est en jeu est personnelle et intérieure : « Comment vais-je répondre ? » Cela n’a strictement rien à voir avec un débat dans un but décisionnel. Le mot « démocratie » n’a donc pas sa place dans un rite où tous sont invités sans exclusion et où chacun reçoit selon ses dispositions. Aucun des pasteurs que j’ai interrogés n’avait refusé la communion à quiconque. On m’a cité deux occasions où des personnes [s’]étaient « privées » de communion, parce qu’elles s’étaient disputées et qu’elles étaient très en colère. Elles furent donc priées de se calmer et de se parler avant de venir se présenter à la prochaine Sainte Cène.

Selon les règlements de la dénomination, les décisions concernant la communion, entre autre, sont prises en communauté. Ainsi, c’est le conseil des anciens de la paroisse qui décide quand et comment la communion sera célébrée dans la paroisse. Certaines pratiques peuvent différer d’une paroisse à l’autre. Par exemple, l’autorisation de servir la communion et la licence pour le faire appartient au consistoire local. Le consistoire est une assemblée de délégué-es élu-es par les différentes paroisses, et comprenant, dans la mesure du possible, un nombre équivalent de pasteur-es et de laïques.

Qui peut célébrer la Cène ?

En 2000, lors du Conseil général (la plus haute instance décisionnelle de l’Église Unie, formée de plusieurs centaines de délégués venus de tout le Canada), la demande de conférer à des laïques le droit de présider à la communion a été débattue mais n’a pas obtenu de consensus. La question a donc été référée à l’exécutif et en 2003 la demande a été acceptée. Bien des débats ont eu lieu autour de cette question  entre des supporters convaincus et des opposants bien articulés. Ces derniers soutenaient qu’une éducation théologique et spirituelle complète était vraiment nécessaire pour offrir des soins pastoraux de qualité et pour guider les fidèles dans leur démarche de foi, et que la célébration des sacrements faisait appel à toutes ces compétences. Les supporters eux, pensaient qu’il n’était pas cohérent de demander à des laïques de faire des prédications, de célébrer des cultes, d’accompagner des paroissiens tout en leur refusant  l’autorisation d’administrer les sacrements.

Actuellement, une personne laïque reconnue et remplissant certaines conditions, peut servir la communion dans l’Église Unie, afin de permettre à de nombreuses communautés privées d’un pasteur de recevoir ce sacrement. Cette personne doit être membre de l’Église unie en bonne et due forme, connue et respectée dans sa paroisse et être capable d’articuler sa foi. Elle comprend que son rôle est de servir la communauté et d’aider au partage sacramentel. Elle ne peut  en aucun cas exclure des personnes de la Table. Elle accepte l’autorité de l’église locale et lui rend fidèlement des comptes. Elle fait aussi régulièrement une démarche renouvelée de réflexion sur le sens des sacrements dans la communauté. Le sexe, le statut civil et l’orientation sexuelle de cette personne n’entrent aucunement en ligne de compte dans cette nomination.

La Sainte Cène, un mémorial ?

À l’Église Unie, la communion est-elle plus qu’un mémorial ? Certes ! C’est une nourriture pour la croissance spirituelle et un avant-goût de la présence quotidienne de Jésus avec nous, un signe visible d’une présence invisible. Si vous demandez à un membre de l’Église unie si la communion est un rite salvateur, la personne va probablement lever les sourcils et écarquiller les yeux. Le salut est dans la grâce divine, la communion en est un signe, un symbole et la preuve, mais il n’a pas de pouvoir salvateur en soi. Ce qui est « sacré » ici, c’est la communauté rassemblée dans le partage, c’est le pain rompu et offert à chacun et chacune, comme Jésus crucifié. Enfin c’est le désir d’être unis comme manifestation du corps du Christ et de répondre à l’appel reçu. Le terme de communion le dit bien : « commune-union ».

Conclusion

Dans une petite communauté défavorisée de campagne, il arrive de temps à autre qu’après la célébration de la Sainte Cène,  pendant que la pasteure salue les participants, la table de communion se transforme en table de repas. Des plats à partager étant déposés autour de la coupe et des restes de pain, la communauté est invitée à nouveau à s’approcher pour manger, enchaînement parfait de la nourriture spirituelle à la nourriture corporelle.

* Claire Borel Christen est membre de l’Église Unie du Canada.

1. Étymologiquement le mot intinction vient du verbe latin« tingere », participe passé du verbe « integere » qui signifie « humidifier. » Il désigne l’action de tremper le pain consacré dans le vin. On peut ainsi communier sous les deux espèces sans avoir à porter les lèvres à la coupe ».