ÊTRE FÉMINISTE ET CHRÉTIENNE : SUJET DE CONTRADICTION
Hélene. Vëzina – Rimouski
C’est lorsque j’étais coordonnatrice d’un mouvement d’étudiant-e-s chrétien-ne-s que j’ai eu à répondre le plus de ma foi auprès des personnes., et aussi dans les groupes populaires et les organismes de solidarité internationale auxquels je participais.
Une première contradiction soulevée : comment se fait-il que je continue de m’impliquer dans l’Église tout en étant consciente de l’oppression millénaire que cette institution a exercée sur le vécu et le corps des femmes. Tout en sachant que c’est le dernier lieu qui peut changer parce qu’il se suffit à lui-même, puis qu’il fonctionne sans les femmes ?
Je ne pouvais répondre clairement, je suivais une intuition . Je voulais prendre ma place dans cette Église, j’y voyais un lieu où il est important d’agir, de dénoncer, d’en appeler à une conversion un groupe d’individus qui a un pouvoir sur le maintien de l’oppression des femmes.
Un défi s’impose : celui de comprendre l’éclatement de l’Église, au-delà des réseaux institutionnels organisés ; il existe en effet toute une population marginalisée qui n’a pas et/ou ne veut pas (ne se sent pas concernée) avoir accès aux rituels religieux, à ces façons de dire et de vivre sa foi puis qu’elles ne correspondent pas à son vécu. Et c’est là que je me situe et me sens d’Église , comme femme marginale parce que féministe et chrétienne.
Une deuxième interrogation surgit : pourquoi qualifier nos luttes du mot chrétiennes ? Nous menons les mêmes luttes, mais de les dire chrétiennes ça crée de la division , les gens ont moins le goût de s’impliquer , ils elle s ont peur d’être récupéré-e-s .
Une réponse timide, saccadée se dessine : pour moi, c’est tout simplement à cause de Jésus. Il fut le premier à porter ce projet de libération de toute la personne, et a l’avoir vécu, incarné jusqu’au bout de sa vie.
De là découle un autre défi : nous remettre en question par rapport aux vraies racines de nos luttes.
Une réponse est montée, forte et douce, elle m’est venue de ces personnes avec qui j’étais en lien.
Ils – elles ne voyaient pas la foi comme une aliénation, ne se d i s a i e n t pas contre Jésus ; parce que sa mort est une injustice . Ils-elles contestaient cette institutionnalisation de la foi qui aliène, étouffe la vie . Pour moi ce fut comme une révélation, un dynamisme qui m’a poussée à continuer de m’engager socialement . Quelle force incroyable que de goûter cette joie de savoir présente, enracinée au coeur de toutes personnes, cette soif de justice qui nous fait nous engager pour un changement de société !
Actuellement la crainte que je ressens le plus c’est d’être figée dans un modèle de femme.
Je porte l’intuition profonde q u ‘ u n éclatement de nos cellules-isolantes se fait à travers nos lieux d’engagements féministes. Que nous pouvons naître collectivement à partir de notre réalité de femmes qui s’actualisent.
J’ai besoin d’être respectée dans mes limites et mes contradictions et en même temps d’être tirée de l’avant par une réflexion et une relation qui me permettent de les décoder collectivement, ces contradictions héritées du patriarcat.
« Je comprends tellement l’importance de la question féministe que si je n’étais pas résolue d’abord à donner ma vie à Dieu le serait exclusivement au service de cette question ». Marie Gérin-Lajoie 1898