Faut-il payer le prix ?

 Faut-il payer le prix ?

Depuis trois ans, je suis en pastorale au niveau diocésain. J’ai le sentiment d’être de l’équipe diocésaine à part entière. J’ai aussi conscience, avec toute l’équipe, d’être engagée au vif dans ce défi chrétien d’une nouvelle Eglise à bâtir. L’expérience m’apprend, à même ce défi aux couleurs de lutte et de combat, que l’insertion vraie de la femme, dans l’Eglise comme dans le monde, n’est qu’un aspect du renouveau spirituel global mais que cet aspect touche précisément à des dimensions fondamentales de la Vérité-qui-libère et qu’à ce titre, il joue comme le rôle sensible d’un système d’alarme. Certes, nous vivons des moments de notre emploi du temps où la lassitude e t envahissante d’avoir, comme femmes, à lutter pour être « nommées » et « reconnues » dans 1’Eglise ; cela est évident. Mais, à la lumière ou à l’épuisement de chaque combat nouveau. j’apprends que vaine est la lutte si je la vis avec les armes du cerveau et vivifiante si je la vis avec les armes du coeur. Quand un climat de confiance comme celui où je suis dans l’équipe me permet d’avouer que toute agressivité est d’abord une blessure, celle-ci prend alors valeur de souffrance amoureuse, justement celle qui peut enfanter l’Eglise nouvelle. C’est de plus en plus évident pour moi que le défi évangélique dans lequel je suis engagée avec d’autres n’est pas d’abord un cri de libération de la femme, mais un cri de libération de cette humanité telle que surgie du coeur de Dieu, de cette humanité dont l’Eglise a la vocation d’être le sacrement. Et dans mon coeur en prière et en attente, le défi déjà est relevé, comme une « espérance qui ne déçoit pas puisque l’amour est répandu dans nos coeurs. »

Oui, je prie qu’un jour l’Eglise présente, dans notre monde déchiré, le signe dynamique de cette Humanité que Dieu a rêvée à son image : homme et femme, tel qu’Il créa l’élan initial. Je porte dans ma chair ce rêve que notre Eglise se laisse interpeller et devienne ce lieu d’accueil privilégié où se refait 1’équilibre des forces, car « dans le Seigneur, l’homme ne va pas sans la femme, ni la femme sans l’homme. » De cette Eglise qui n’est que trop traduite au masculin, je souffre en espérance d’entendre, au coeur du monde, la VOIX officielle devenir comme une symphonie où seront harmonisées les vibrations du féminin et celles du masculin. Alors, dans mon rêve, l’appel au partage, à la paix, à un nouvel ordre économique international, ces multiples cris répétés en réponse à la clameur des pauvres, je les sens trouver écho dans le cœur de l’humanité voulue par Dieu dans son élan créateur. Le péché, c’est de séparer, de sectionner, d’opposer ce que Dieu, dans sa fidélité, ne cesse d’unir dans la vie qu’il offre.

Et dire que mon rêve est porteur d’espérance tout comme une prière ! Déjà, en tout petit dans la pauvre Eglise d’aujourd’hui, des hommes et des femmes comprennent cette urgence intérieure de l’être en faveur de ce que Dieu unit, non seulement et non d’abord dans le coup humain, mais dans l’humanité globale et encore davantage dans ces corps d’Eglise qui sont à la fois signe et appel. En ce moment, je m’unis à Frère Roger de Taizé et à Mère Thérèse de Calcutta qui nous donnent en diapason de masculin et de féminin, une prière commune pour les pauvres. Cette parabole, comme tant d’autres, petites et fortes, m’assurent que l’Eglise accueille son unité, non seulement celle ardemment désirée autour des doctrines et qui mobilise tellement d’énergie, mais cette unité plus radicale encore et qui est porteuse de vie pour toute cellule d’humanité comme lieu de rencontre réciproque du féminin et du masculin. Une humanité qui est à sens unique quelque part, c’est une humanité tronquée. C’est bien évident que ces petites paraboles, ces petites semences d’humanité complète, ne porteront pas de fruit sans Que soit vécue en continuité la mission du Serviteur souffrant pour l’UNITE. J’ai la conviction que seul l’Esprit de Dieu, vie et amour, accueil et don, répandu au coeur du monde peut créer dans et par nos chairs livrées, l’unité de l’Humanité nouvelle, le Christ dans sa taille parfaite.

Etre femme, c’est être accueil du masculin ; être homme, c’est être accueil du féminin. Tout refus d’accueil est péché, il est rupture de ce que Dieu unit. Trop de vies personnelles, trop de sociétés et d’institutions incarnent ce péché et le montrent en relief. L’Esprit nous est offert aujourd’hui ! Que l’homme comprenne ! Que la femme comprenne ! Et que l’humanité soit libérée !

Gaspé   Rita Gagné